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Manuel de Néphrologie 10° édition
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Chapitre 14 Insuffisance rénale aiguë — Anurie Item 348

N° 348. Insuffisance rénale aiguë — Anurie

Chapitre 14 Insuffisance rénale aiguë — Anurie Item 348
Rang Rubrique Intitulé Descriptif
A Diagnostic positif Diagnostiquer une IRA et sa sévérité (oligurie, anurie) chez l’adulte et l’enfant Savoir analyser une élévation de la créatininémie en fonction du contexte clinique, de la notion de créatininémie antérieure et grader la sévérité en tenant compte de la créatininémie et de la diurèse, savoir diagnostiquer une IRA d’une IRC, reconnaître une IRA sur IRC
B Éléments physiopathologiques Connaître les principaux types et mécanismes ­d’insuffisance rénale aiguë Connaître les mécanismes d’IRA obstructive, d’IRA fonctionnelle et de d’IRA parenchymateuse. Connaître le rôle de l’hémodynamique glomérulaire dans les mécanismes de l’IRA
B Prévalence, épidémiologie Connaître la prévalence de l’IRA Connaître la répartition des différents types d’IRA, sa prévalence hospitalière
A Examens complémentaires Savoir prescrire et interpréter les résultats des examens complémentaires utiles au diagnostic d’IRA Savoir prescrire une échographie rénale et pelvienne à la recherche d’un obstacle sur les voies excrétrices, prescrire un ionogramme sanguin et urinaire pour différencier une IRA fonctionnelle d’une IRA par nécrose tubulaire aiguë, savoir interpréter une protéinurie et un sédiment urinaire dans un contexte d’IRA
B Identifier une urgence Connaître les situations nécessitant un avis spécialisé dans l’IRA Savoir demander un avis néphrologique devant une IRA non expliquée et/ou associée à un syndrome glomérulaire ou tubulo-interstitiel aigu
A Étiologies Connaître les principales étiologies d’IRA par obstacle Lithiases, cancer vésical, rétention aiguë d’urines par obstacle sous-vésical (adénome et cancer de la prostate)
A Étiologies Connaître les principales étiologies d’IRA fonctionnelle Circonstances de déshydratation extracellulaire et d’hypovolémies efficaces, facteurs favorisants des médicaments modifiant l’hémodynamique glomérulaire
B Étiologies Connaître les causes d’IRA par nécrose tubulaire aiguë Connaître les principales circonstances favorisantes : états de choc : sepsis, cardiogénique ; rhabdomyolyse, hémolyse, toxiques, médicaments néphrotoxiques
B Étiologies Connaître les principales étiologies d’IRA glomérulaires incluant les vascularites Connaître les étiologies de glomérulonéphrites rapidement progressives nécessitant un avis et un traitement spécialisé néphrologique urgent
B Étiologies Connaître les causes d’IRA liée à une atteinte tubulo-interstitielle aiguë Connaître les causes liées à un mécanisme toxique direct (notamment médicament et néphropathie à cylindres myélomateux…) ou immunoallergique, infectieux
B Étiologies Connaître les principales causes d’IRA vasculaires Syndrome de microangiopathie thrombotique, HTA maligne, maladie des emboles de cristaux de cholestérol et les causes de SHU chez l’enfant
A Étiologies Connaître les principaux médicaments ou produits responsables d’IRA Aminosides, cisplatine, anticalcineurines, PCI… et connaître les principes de prévention de leur toxicité
A Étiologies Connaître les principales causes d’IRA chez l’enfant (SHU, déshydratation, choc, etc.) et les mesures hygiéno-diététiques de prévention des SHU
A Identifier une urgence Connaître les signes cliniques et biologiques imposant une prise en charge urgente en milieu spécialisé d’une IRA Œdème aigu pulmonaire de surcharge hémodynamique, acidose hyperkaliémique (ECG)
A Prise en charge Savoir adapter la prescription des médicaments et des examens complémentaires à la sévérité de l’insuffisance rénale Principes généraux médicaments à élimination rénale et néphrotoxicité
A Prise en charge Connaître le traitement d’une IRA obstructive et la prise en charge d’un syndrome de levée d’obstacle Savoir les indications et les méthodes de dérivation des urines ainsi que leurs complications, savoir compenser une hyperdiurèse de levée d’obstacle
A Prise en charge Connaître la prise en charge d’une IRA fonctionnelle liée à une déshydratation extracellulaire Savoir utiliser les solutés de remplissage (cristalloïde)
B Prise en charge Connaître la prise en charge d’une IRA fonctionnelle liée à une insuffisance cardiaque Connaître les principes de la prise en charge d’un syndrome cardiorénal (optimisation de l’utilisation des diurétiques)
B Prise en charge Connaître les principes généraux de la dialyse Savoir que l’épuration extrarénale permet d’apporter un traitement symptomatique pour passer le cap de L’IRA
B Prise en charge Connaître les indications de la dialyse en urgence Savoir que la dialyse est requise en cas d’IRA organique, anurique ou non associé à des signes de défaillance viscérale (OAP) et métaboliques (acidose hyperkaliémique)
A Suivi et/ou pronostic Savoir qu’un épisode d’insuffisance rénale aiguë parenchymateux expose à une insuffisance rénale chronique à long terme et nécessite un suivi
B Suivi et/ou pronostic Connaître les différentes évolutions possibles d’une NTA

I. Définition de l’insuffisance rénale aiguë (A)

Le diagnostic et la classification en stade de sévérité de l’insuffisance rénale aiguë (IRA) reposent sur une définition qui tient compte de deux paramètres, l’élévation de la créatinine plasmatique et le volume de la diurèse (cf. tableau 1). En période de fonction rénale instable, ce qui est le cas lors de l’installation de l’IRA, il n’est pas possible d’estimer le débit de filtration glomérulaire (DFG) par les différentes formules de calcul, MDRD, CKD-EPI…

L’anurie est l’absence d’émission d’urines (diurèse inférieure à 200 ml/24 heures) chez un patient ayant une vessie vide témoignant de l’absence de filtration glomérulaire alors que la rétention urinaire est secondaire à un obstacle empêchant l’évacuation de l’urine.

Tableau 1. Définition de l’IRA selon les K-DIGO 2012
( Kidney Disease : Improving Global Outcome )

Stade de l’IRA Créatininémie Diurèse
1 Augmentation de > 26 µmol/L (3 mg/L) en 48 h
ou
Augmentation > 50 % en 7 jours
< 0,5 ml/kg/h pendant 6 à 12 h
2 Créatininémie x 2 en 7 jours < 0,5 ml/kg/h pendant plus de 12 h
3 Créatininémie  3 en 7 jours
ou
Créatininémie > 354 µmol/L (40 mg/L) en l’absence de valeur antérieure
ou
Nécessité de débuter la dialyse
< 0,3 ml/kg/h pendant plus de 24 h
ou
Anurie ≥ 12 h

Épidémiologie et prévalence de l’IRA. L’IRA est très fréquente. Elle est présente chez près de 25 % des patients hospitalisés et concerne plus de 4 millions de patients en France chaque année. La prévalence de l’IRA en médecine ambulatoire est mal connue, elle est très fréquente également. L’IRA survient plus fréquemment chez les patients âgés de plus de 65 ans, présentant des comorbidités, notamment cardiovasculaire, diabète, hépatopathie, maladie rénale préexistante. La répartition des causes d’IRA est présentée dans la figure 1.

Figure 1. Épidémiologie hospitalière de l’insuffisance rénale aiguë

II. Physiopathologie, mécanismes et principaux types d’IRA (B)

A. Les déterminants de la filtration glomérulaire

Le débit de filtration glomérulaire (DFG) dépend de plusieurs paramètres. Il est modélisé par la formule :

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DFG = PUFx Kf

PUF : gradient de pression transcapillaire glomérulaire (pression d’ultrafiltration)
PUFdépend :

 de la différence de pression hydrostatique entre le capillaire glomérulaire (Pcg, voisine de 45 mmHg) et la chambre urinaire du glomérule (Pu, voisine de 10 mmHg) ;

 de la différence de pression oncotique entre le capillaire glomérulaire (Pcg, environ 25 mmHg) et la chambre urinaire (Pu, nulle à l’état normal).

D’où PU = (Pcg – Pu) – (Pcg - u).

Kf : coefficient d’ultrafiltration, dépend de la nature de la membrane de filtration (K) et de sa surface (S).

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Le débit plasmatique rénal (DPR) n’apparaît pas directement dans l’équation du DFG, mais sa diminution entraîne une baisse de la PUF et donc une réduction du DFG.

Figure 2. Composantes de l’hémodynamique glomérulaire

B. Les principaux mécanismes de l’insuffisance rénale aiguë

Ainsi la filtration glomérulaire baisse ou s’annule quand :

le débit plasmatique rénal diminue (DPR) (hypovolémie, état de choc, hypoperfusion rénale augmentation de la pression veineuse rénale) ;

la pression hydrostatique capillaire glomérulaire (Pcg) diminue (hypovolémie, chute importante et rapide de la pression artérielle, état de choc, hypoperfusion rénale) ;

les résistances efférentes (REF) diminuent (vasodilatation des artérioles post-glomérulaires) ;

les résistances afférentes (RAF) augmentent (vasoconstriction des artérioles pré-glomérulaires) ;

la Pu augmente (obstacle intratubulaire ou sur la voie excrétrice) ;
le coefficient d’ultrafiltration Kf diminue (diminution de la surface capillaire).


C. Principaux types d’IRA

[violet]1. L’IRA obstructive, ou post-rénale[/violet]

Elle est due à un obstacle bilatéral sur les voies excrétrices (ou unilatéral sur rein unique, au niveau de la vessie ou de l’urètre). La pression augmente dans la chambre urinaire du glomérule jusqu’à atteindre la pression du capillaire glomérulaire, ce qui annule la filtration glomérulaire.

L’obstacle peut être incomplet et n’est donc pas toujours associé à une anurie. Une polyurie hypotonique peut être observée (en effet, l’hyperpression dans les voies urinaires bloque la filtration glomérulaire, entraînant une redistribution du flux sanguin rénal qui empêche la constitution du gradient osmotique cortico-médullaire nécessaire à l’effet de l’ADH).

2. L’IRA «  fonctionnelle  », prérénale

Elle est liée à une diminution du débit plasmatique rénal et de la pression d’ultra­fil­tra­tion en raison d’une hypovolémie vraie (hémorragie, déshydratation) ou «  efficace  » (insuffisance cardiaque ou hépatique, sepsis…). Le parenchyme rénal est intact.

L’hypoperfusion rénale stimule la synthèse et la sécrétion de rénine par l’appareil juxta-glomérulaire, et donc la formation d’angiotensine II puis la sécrétion d’aldostérone ; le système sympathique périphérique et la sécrétion d’ADH sont également activés.

Les conséquences rénales sont :

dans les glomérules : vasoconstriction post-glomérulaire (artériole efférente) qui maintient un temps la pression de filtration malgré la chute du DPR. Au-delà d’une certaine limite, l’adaptation n’est plus possible et la pression de filtration chute : l’IRA fonctionnelle apparaît ;

dans les tubules :

réabsorption proximale accrue de sodium sous l’effet de la stimulation -adrénergique et de l’angiotensine 2 (stimulation de la NaK-ATPase),

réabsorption distale accrue de sodium sous l’effet de l’aldostérone et augmentation de l’excrétion urinaire de potassium,

réabsorption d’eau liée à la réabsorption proximale de sodium et sou sl’effet de l’ADH.

L’urine excrétée est peu abondante (oligurie), pauvre en sodium, riche en potassium, acide, et très concentrée en osmoles (particulièrement en urée). La réabsorption de sodium et d’eau au niveau du tube proximal (TCP) s’accompagne d’une réabsorption passive d’urée, expliquant l’augmentation plus importante de l’urée plasmatique que de la créatinine au cours des IRA fonctionnelles.

L’IRA fonctionnelle est particulièrement sévère lorsque la vasoconstriction de l’artériole efférente est empêchée par les bloqueurs du système rénine angiotensine (IEC, ARA2 ou inhibiteur direct de la rénine), ou lorsque la vasodilatation de l’artériole afférente (dépendante de la synthèse de prostaglandines) est rendue impossible par la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).

[violet]3. Les IRA parenchymateuses[/violet]

Elles sont dues à des lésions anatomiques des différentes structures du rein. Les plus fréquentes sont les nécroses tubulaires aiguës (NTA), mais une IRA peut aussi compliquer les néphropathies interstitielles, glomérulaires ou vasculaires aiguës.

Au cours des NTA, deux mécanismes sont souvent en cause et associés : l’un ischémique, l’autre toxique.

Exemple des NTA ischémiques :

La baisse du flux sanguin rénal au cours des états de choc est à l’origine d’une ischémie rénale, en particulier dans la zone externe de la médullaire car la PaO2 y est physiologiquement basse (environ 40 mmHg) alors que les besoins énergétiques sont importants. La nécrose porte généralement sur le troisième segment du TCP (la pars recta). Les vaisseaux, les glomérules et l’interstitium restent normaux. Le flux sanguin rénal est diminué et la filtration glomérulaire est effondrée en raison d’une vasoconstriction intrarénale pré et post-glomérulaire et d’une augmentation de la pression intratubulaire. La vasoconstriction est médiée par l’angiotensine II, l’endothéline 1, les catécholamines, le thromboxane A2. Le déficit en substances vasodilatatrices, PGE2 et NO, joue un rôle aggravant.

Le défaut de réabsorption par un tubule proximal ischémique engendre un afflux de sodium dans la macula densa au niveau du tube distal qui active le «  feed-back  » tubulo-glomérulaire majorant la vasoconstriction pré-glomérulaire, ce phénomène est médié par l’adénosine.

Figure 3. Mécanismes des nécroses tubulaires ischémiques

L’accumulation dans la lumière des tubes de débris cellulaires nécrosés, voire de cellules entières desquamant de la membrane basale tubulaire, augmente la pression intratubulaire, ce qui tend à diminuer davantage encore la filtration glomérulaire.

L’anurie qui accompagne les formes sévères de NTA est due à la baisse importante de la filtration glomérulaire, à l’obstruction intratubulaire, et à la rétrodiffusion d’urine à travers l’épithélium lésé.

L’IRA des autres formes d’atteintes rénales parenchymateuses obéit à des mécanismes différents :

au cours des néphropathies tubulaires non ischémiques :

 soit du fait de la précipitation intratubulaire de myoglobine (rhabdomyolyse), d’hémoglobine (hémolyses massives), de chaînes légères d’immunoglobulines (myélomes), ou encore de médicaments,

 soit du fait de la toxicité directe sur les cellules tubulaires de médicaments (aminosides, cisplatine…) ou de produits de contraste iodés ;

 au cours des glomérulonéphrites ou des microangiopathies thombotiques, en raison de la baisse de la surface saine de filtration (baisse du Kf) ;

au cours des néphrites interstitielles aiguës, l’œdème interstitiel augmente la pression intrarénale, diminuant ainsi le flux sanguin et la pression de filtration glomérulaire.

Les IRA fonctionnelles et les IRA organiques sont de loin les plus fréquentes.

III. Diagnostic différentiel entre IRA et insuffisance rénale chronique (IRC) (A)

Un certain nombre de critères aident à distinguer le caractère aigu ou chronique d’une insuffisance rénale lorsque la fonction rénale antérieure n’est pas connue. De plus, une IRA peut compliquer une IRC sous-jacente, par exemple après injection de produits de contraste iodés, prise d’AINS ou prescription d’un médicament néphrotoxique.

En faveur du caractère aigu de l’insuffisance rénale, il existe 3 critères :

critères anamnestiques :

absence d’antécédent connu de maladie rénale,

notion de créatininémie récente normale,

contexte clinique exposant à l’insuffisance rénale aiguë (état de choc, réanimation, hypovolémie efficace, certains médicaments…) ;

critères morphologiques (à l’échographie) :

taille des reins normale : > 10 cm à l’échographie ;

critères biologiques :

absence d’anémie (anémie habituellement normocytaire arégénérative par défaut de production d’EPO au cours de l’IRC),

absence d’hypocalcémie (par carence en vitamine D active).

Particularités :

l’IRA peut être associée à une anémie, en cas d’hémolyse aiguë ou de choc hémorragique eux-mêmes à l’origine de l’IRA, ou en cas de syndrome inflammatoire (sepsis, vascularite) ;

une hypocalcémie précoce et parfois profonde peut être présente au cours des IRA secondaires à une rhabdomyolyse ou à un syndrome de lyse tumorale ;

des reins de taille normale, voire augmentée, peuvent se voir dans certaines formes d’IRC (diabète, myélome et amylose, polykystose). Seule l’atrophie rénale bilatérale permet d’affirmer le caractère chronique de l’IRC, mais cette atrophie n’est retrouvée que dans les IRC avancées.

Dans le doute, il est préférable de considérer a priori qu’une insuffisance rénale de découverte récente est aiguë. Il est donc nécessaire :

d’écarter d’abord un obstacle (IRA obstructive) par la réalisation d’une imagerie de l’appareil urinaire (échographie) ;

de considérer la possibilité d’une hypoperfusion rénale (IRA fonctionnelle) et de prescrire un ionogramme urinaire, un dosage d’urée et de créatinine urinaire ;

et d’aboutir enfin par défaut au diagnostic d’IRA organique.

IV. Les insuffisances rénales aiguës obstructives (A)


A. Présentation

L’IRA obstructive doit être évoquée devant :

une tumeur prostatique (adénome ou cancer) ou vésicale ;

des antécédents de lithiase de l’appareil urinaire ;

un cancer digestif ou pelvien.

Le début peut être marqué par une douleur lombaire uni ou bilatérale ou une hématurie macroscopique avec caillots. Il faut rechercher des troubles mictionnels, un globe vésical, un blindage pelvien au toucher vaginal ou rectal.

Les IRA obstructives sont affirmées sur la mise en évidence d’une dilatation des cavités pyélo-calicielles à l’échographie rénale. La dilatation est bilatérale, ou unilatérale sur un rein fonctionnellement ou anatomiquement unique. Une simple hypotonie des cavités pyélo-calicielles, ou l’absence de dilatation des cavités ne permettent pas d’exclure une origine obstructive à l’IRA si l’obstacle s’est installé brutalement.

La tomodensitométrie rénale sans injection de produit de contraste peut compléter l’échographie à la recherche d’une lithiase, ou d’une infiltration rétro-péritonéale tumorale ou fibreuse.

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En pratique devant toute IRA, une imagerie des voies urinaires est indispensable pour visualiser les cavités pyélo-calicielles et en cas de dilatation, rechercher un obstacle. L’échographie est l’examen à réaliser en première intention.

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B. Causes des IRA obstructives

Les principales causes d’IRA obstructives sont listées dans le tableau 2.

Chez le sujet jeune, les obstacles sont essentiellement d’origine lithiasique (lithiases oxalo-calciques le plus souvent). La migration calculeuse bilatérale simultanée est exceptionnelle. L’IRA peut survenir en cas d’obstruction sur un rein unique.

Chez le sujet âgé, les causes tumorales dominent.

Tableau 2. Principales causes d’IRA obstructives

Lithiases urinaires
Calcul unilatéral sur rein fonctionnel unique ou lithiases bilatérales
Pathologie tumorale
Adénome ou cancer de prostate
Cancer du col utérin, du rectum, de l’ovaire, de l’utérus
Tumeur de vessie ou de la voie excrétrice
Métastases rétropéritonéales (rare)
Pathologie inflammatoire : fibrose ou liposclérose rétropéritonéale
Attention, la dilatation peut manquer (les voies urinaires sont enserrées dans la fibrose)

C. Traitement des IRA obstructives

Toute anurie d’origine obstructive constitue une urgence médico-chirurgicale. Une IRA compliquée de surcharge hyposodée et d’hyperkaliémie ou un sepsis surajouté peut rapidement engager le pronostic vital. Il convient de drainer en urgence les urines en amont de l’obstacle.

L’urgence est grande en cas de rétention purulente des urines (risque de pyonéphrose, et de choc septique).

Si l’obstacle est bas situé (vessie, urètre, prostate), la dérivation peut être réalisée par sondage vésical ou cathétérisme vésical par voie sus-pubienne avec les précautions d’usage : contrôle préalable de l’hémostase, évacuation des urines de façon lente et fractionnée (clampage quelques minutes tous les 300 mL) afin de prévenir l’hémorragie vésicale a vacuo.

Si l’obstacle est plus haut situé, deux techniques de dérivation sont possibles : la mise en place d’une sonde endo-urétérale par voie vésicale ou une néphrostomie percutanée (réalisée sous anesthésie locale après repérage échographique des cavités dilatées, mais à plus haut risque hémorragique).

Après dérivation des urines, il faut anticiper le risque d’une reprise de diurèse abondante (polyurie de levée d’obstacle). La prise en charge du syndrome de levée d’obstacle nécessite :

l’administration de solutés par voie orale ou mieux, intraveineuse de façon adaptée aux données de l’examen clinique, aux ionogrammes sanguin et urinaire, et à la diurèse ;

une compensation en solutés (soluté salé isotonique et/ou bicarbonate de sodium isotonique) volume pour volume durant les premières heures.

La compensation doit être progressivement dégressive en quelques jours et la fonction rénale se normalise habituellement.

V. Les insuffisances rénales aiguës fonctionnelles (A)

A. Circonstances de survenue

Les IRA fonctionnelles surviennent le plus souvent au cours d’une déshydratation extracellulaire importante dont le tableau clinico-biologique peut associer :

hypotension artérielle, en particulier en position orthostatique ;

tachycardie ;

persistance du pli cutané ;

perte de poids ;

hémoconcentration (augmentation de l’hématocrite et des protides sanguins).

Les IRA fonctionnelles peuvent aussi compliquer les hypovolémies efficaces observées lors :

de l’insuffisance cardiaque congestive ;

des décompensations œdémato-ascitiques des cirrhoses ;

du syndrome néphrotique.

Les principales causes d’IRA fonctionnelles sont listées dans le tableau 3 page suivante.

Tableau 3. Principales causes d’IRA fonctionnelles

1. Déshydratation extracellulaire
- Pertes cutanées (sudations majeures, brûlure) ou digestives (vomissements, diarrhée, fistules)
- Pertes rénales :
— traitement diurétique excessif
— polyurie osmotique du diabète décompensé et du syndrome de levée d’obstacle
— insuffisance surrénale aiguë
2. Hypovolémie réelle ou «  efficace  »
- Syndrome néphrotique sévère
- Cirrhose hépatique décompensée 
- Insuffisance cardiaque congestive (aiguë ou chronique) : syndrome cardiorénal
- Hypotension artérielle des états de choc cardiogéniques, septiques, anaphylactiques, hémorragiques
3. IRA par modification de l’hémodynamique rénale
(IEC, ARA2, AINS, inhibiteurs de la calcineurine
)

Le point commun à toutes les IRA fonctionnelles est la survenue d’un bas débit sanguin rénal. L’IRA fonctionnelle est immédiatement réversible quand le flux sanguin rénal est restauré. En revanche si la diminution de la perfusion du rein persiste, une ischémie rénale s’installe et des lésions de nécrose tubulaire peuvent apparaître : l’IRA devient alors organique.

Les bloqueurs du système rénine angiotensine (IEC, ARA2, inhibiteur direct de la rénine) ne sont pas néphrotoxiques mais favorisent, en cas de déshydratation extracellulaire, la survenue d’une IRA et d’une oligo-anurie. Chez le sujet âgé, ces agents, seuls ou associés à un traitement diurétique ou par AINS, peuvent induire un effondrement de la pression de filtration glomérulaire et une IRA «  hémodynamique  ». Dans ce cas, la recherche d’une sténose de l’artère rénale est recommandée. La récupération de l’IRA est habituellement rapide, en 24 à 48 heures à l’arrêt des bloqueurs du système rénine angiotensine.

B. Les signes distinctifs entre IRA fonctionnelle (IRA F) et IRA organique par nécrose tubulaire aiguë (NTA)

L’IRA fonctionnelle est une situation adaptative à l’hypoperfusion rénale qui conduit à une augmentation de la réabsorption de sodium et d’eau aboutissant à l’émission d’urines concentrées.

Les indices listés dans le tableau 4 traduisent ces phénomènes.

Le diagnostic entre IRA fonctionnelle et organique (par NTA) repose sur un faisceau d’arguments cliniques et biologiques et non sur un seul indice.

Tableau 4. Indices plasmatiques et urinaires permettant de distinguer IRA F et IRA organiques (NTA)

Signes IRA F NTA
Urée/Créatinine P (en µmol/L) > 100 < 50
Na+ U < 20 mmol//L (si absence de diurétiques) > 40 mmol/L
FE Na+ < 1 % (si absence de diurétiques) > 1-2 %
FE urée (utile si diurétiques) < 35 % > 35-40 %
Na+/K+ urinaire < 1 > 1
U/P urée > 10 < 10
U/P créatinine > 30 < 30

FE Na+ : fraction d’excrétion du sodium : ClNa/Clcr = (UNa/PNa)/(Ucr/Pcr) x 100
FE urée : fraction d’excrétion de l’urée : ClUrée/Clcr = (UUrée/PUrée)/(Ucr/Pcr) x 100

Particularités

Persistance de la natriurèse, au cours des IRA fonctionnelles (rapport Na+/K+ urinaire > 1), si la cause de l’hypovolémie est due à une perte rénale de sodium : diurétiques, hypoaldostéronisme, hypercalcémie, diurèse osmotique... Dans ce cas, une FE urée basse (< 35 %) est un meilleur indicateur d’une IRA fonctionnelle.

Natriurèse diminuée en cas de glomérulonéphrite aiguë, dans certaines néphropathies interstitielles aiguës, dans la nécrose tubulaire aiguë secondaire à une rhabdomyolyse ou à la toxicité des produits de contraste iodés.

De nouveaux biomarqueurs sont en cours d’études (KIM-1, NGAL…) afin d’établir plus précocement le diagnostic d’une IRA et de mieux distinguer les différentes formes de la maladie.

C. Traitement de l’IRA fonctionnelle

[violet]1. Les IRA fonctionnelles par déshydratation extracellulaire [/violet]

Le traitement des IRA fonctionnelles repose sur la restauration d’une volémie normale.

En cas de pertes hyposodées, on s’aidera pour estimer la quantité de volume perdu :

de la variation du poids ;

de l’échographie cardiaque et de la veine cave qui permet d’estimer le remplissage vasculaire.

On utilise le plus souvent du soluté salé isotonique (NaCl 9 ‰) par voie intraveineuse. Dans les IRA peu sévères, une réhydratation orale (régime salé et boissons abondantes) peut suffire.

La surveillance est basée sur la courbe de poids, la fréquence cardiaque, la pression artérielle, la reprise de la diurèse, et le ionogramme urinaire pour observer la disparition des signes d’hyperaldostéronisme secondaire.
[violet]
2. Cas des insuffisances rénales fonctionnelles avec syndrome œdémateux (B)[/violet]

L’IRA du syndrome hépato-rénal est une situation grave, parfois irréversible. L’objectif du traitement est de restaurer une volémie efficace en entraînant une expansion volémique, par de l’albumine (en particulier en cas d’hypo-albuminémie < 20 g/L), associée à un vasoconstricteur, la glypressine ou la noradrénaline. Les diurétiques doivent être interrompus.

Au cours du syndrome néphrotique, uniquement lorsque l’hypoalbuminémie est profonde, la perfusion d’albumine et l’utilisation de diurétiques de l’anse par voie intraveineuse permettent à la fois de corriger l’hypovolémie efficace et de réduire le syndrome œdémateux.

Au cours du syndrome cardiorénal de type 1 (altération de la fonction rénale compliquant une insuffisance cardiaque aiguë) ou de type 2 (retentissement rénal d’une insuffisance cardiaque congestive chronique), l’IRA fonctionnelle est secondaire à la baisse du débit cardiaque et/ou à l’élévation des pressions dans le ventricule droit. La correction des anomalies hémodynamiques permet d’améliorer parallèlement la fonction rénale.

VI. Les insuffisances rénales aiguës organiques

A. Diagnostic syndromique des IRA organiques (A)

L’analyse syndromique est essentielle pour reconnaître le type d’atteinte rénale et doit prendre en compte les signes cliniques et le syndrome urinaire (Tableau 5).
Tableau 5. Diagnostic syndromique des insuffisances rénales aiguës parenchymateuses

Signes NTA NIA NGA NVA
HTA non non oui oui
Œdèmes périphériques non non oui non
Protéinurie < 1 g/j < 1 g/j > 1 g/j variable
Hématurie microscopique non possible toujours non
Hématurie macroscopique non possible possible possible
Leucocyturie non possible non non

NTA : nécrose tubulaire aiguë
NIA : néphrite interstitielle aiguë
NGA : néphropathie glomérulaire aiguë
NVA : néphropathie vasculaire aiguë

Une fois le diagnostic syndromique établi, la recherche de la cause peut être envisagée. Celle-ci repose sur l’analyse des signes cliniques extrarénaux associés, le contexte et les examens complémentaires. ++ L’existence de signes rénaux et extrarénaux faisant soupçonner une cause glomérulaire, vasculaire ou interstitielle aiguë relevant de l’indication d’une biopsie rénale doit amener à solliciter un avis néphrologique urgent.


B. Procédures diagnostiques

La ponction biopsie rénale (PBR) a des indications précises au cours de l’IRA :

elle est réalisée quand le tableau diffère de celui d’une NTA et que sont évoquées une néphropathie glomérulaire, certaines atteintes vasculaires ou interstitielles ;

devant un tableau de NTA, la PBR doit aussi être faite précocement lorsque les circonstances d’apparition ne sont pas évidentes, ou plus tardivement lorsque la fonction rénale ne s’améliore pas 3 à 4 semaines après l’apparition de l’IRA.

Dans tous les cas, la PBR expose au risque d’hémorragie et les précautions habituelles doivent être prises (contrôle de l’hypertension artérielle, absence de trouble d’hémostase, repérage échographique des reins, réalisation par un opérateur entraîné).

C. Causes des IRA parenchymateuses (B)

Les principales causes d’IRA parenchymateuses sont listées dans le tableau 6.

[violet]1. Les nécroses tubulaires aiguës[/violet]

Elles représentent environ 80 % de toutes les IRA organiques.

Elles s’observent essentiellement en cas de collapsus, d’état de choc et/ou de prise de médicaments ou de produits néphrotoxiques :

au cours des NTA ischémiques, le tableau est souvent dominé par le collapsus vasculaire. On observe souvent une oligurie initiale ; le profil urinaire est le plus souvent organique ;

au cours des NTA toxiques, le profil urinaire est souvent organique (sauf toxicité des produits de contraste iodé au début de l’IRA), mais la diurèse est le plus souvent conservée.

Tableau 6. Principales causes d’IRA parenchymateuses

Nécroses tubulaires aiguës
-Ischémiques par choc — Septique
— Hypovolémique
— Hémorragique — Anaphylactique
— Cardiogénique
-Toxicité tubulaire directe —Aminosides
— Produits de contraste iodés
— Anti-inflammatoires non stéroïdiens —Cisplatine
— -Amphotéricine B
— Céphalosporines (1re génération)
— Ciclosporine A et tacrolimus
-Précipitation intratubulaire —Acyclovir, inhibiteurs des protéases
— Méthotrexate
— Sulfamides, anti-rétroviraux —Chaînes légères d’immunoglobulines (myélome)
— Myoglobine (rhabdomyolyse)
— Hémoglobine (hémolyse)
— Syndrome de lyse tumorale
Néphrites interstitielles aiguës
-Infectieuses —Ascendantes (pyélonéphrites aiguës bilatérales)
— Hématogènes
— Leptospiroses, fièvres hémorragiques virales
-Immuno-allergiques médicamenteuse — Sulfamides
— Ampicilline, méthicilline
— Anti-inflammatoires non stéroïdiens
— Fluoroquinolones, rifampicine, fluindione
— Inhibiteurs de la pompe à protons
— Certaines immunothérapies anti-néoplasiques
Néphropathies glomérulaires aiguës ou rapidement progressives
- Glomérulonéphrites aiguës post-infectieuses
 GNRP endo et extra-capillaire (lupus, cryoglobulinémie, purpura rhumatoïde)
 Glomérulonéphrites extra-capillaires pures : vascularites à ANCA, maladie de Goodpasture
Néphropathies vasculaires aiguës
- Syndrome hémolytique et urémique
 Emboles de cristaux de cholestérol
 Thromboses et embolies des artères rénales

GNRP : glomérulonéphrite rapidement progressive

2. Les néphrites interstitielles aiguës (NIA)

Mode de présentation : IRA organique, le plus souvent à diurèse conservée, parfois anurique avec hématurie (parfois macroscopique), leucocyturie (± éosinophilurie dans les causes médicamenteuses), protéinurie (tubulaire) peu abondante < 1 g/L ; des signes généraux sont associés en fonction de la cause de la NIA +++. Les deux tableaux les plus fréquents sont :

NIA infectieuses, ascendantes (pyélonéphrites) ou hématogènes (avec septicémie et foyers septiques extrarénaux). Elles peuvent être peu bruyantes, notamment chez la personne âgée. Elles peuvent à l’inverse être très sévères, avec choc septique, surtout s’il existe un obstacle sur la voie excrétrice. La dérivation des urines est alors une urgence. Le scanner (avec injection de produit de contraste) ou l’IRM, montrent des foyers typiques de pyélonéphrite ou des micro-abcès, voire un véritable abcès ou un phlegmon péri-néphrétique ;

médicamenteuses : soit toxiques, soit immuno-allergiques et associées alors à une hyperéosinophilie, une fièvre, un rash cutané ou une cytolyse hépatique.

[violet]3. Les glomérulonéphrites rapidement progressives[/violet]

Elles doivent être reconnues précocement car ce sont des urgences thérapeutiques. Typiquement la protéinurie est de débit glomérulaire (> 1 g/g), et l’hématurie abondante (> 105/mL) parfois même macroscopique. La PBR est urgente, et il faut pratiquer un bilan immunologique.

Les trois types de causes sont :

les glomérulonéphrites pauci-immunes nécrosantes avec prolifération extra-capillaire. Il s’agit de vascularites associées à des anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires (ANCA) : polyangéite microscopique, granulomatose avec polyangéite, ou granulomatose éosinophilique avec polyangéite ;

les glomérulonéphrites avec dépôts immuns, et prolifération endo et extra-capillaire compliquant par exemple un lupus, une cryoglobulinémie mixte, un purpura rhumatoïde, etc. ;

la maladie de Goodpasture, où l’IRA est souvent associée à une hémoptysie révélant une hémorragie intra-alvéolaire. Il s’agit d’une glomérulonéphrite avec prolifération extra-capillaire associée à des dépôts linéaires d’IgG le long de la membrane basale glomérulaire.
[violet]
4. Les néphropathies vasculaires
[/violet]

Liées à l’atteinte des artères de petits calibres et des capillaires dans :

le syndrome hémolytique et urémique avec insuffisance rénale, anémie hémolytique régénérative de type mécanique (présence de schizocytes), augmentation des LDH, baisse de l’haptoglobine, et thrombopénie sans signe de CIVD (item 263-chapitre 18) ;

la crise rénale sclérodermique : hypertension artérielle sévère, sclérodactylie, et insuffisance rénale aiguë rapidement progressive en rapport avec une réduction de la lumière des artères (prolifération myo-intimale et œdème pariétal) avec là aussi microangiopathie thrombotique ;

la maladie des emboles de cristaux de cholestérol  : l’IRA est associée à des signes cutanés caractérisés par une nécrose distale péri-unguéale et un livedo. Elle survient chez un sujet athéromateux, après une artériographie ou une manœuvre endo-vasculaire. Ces patients sont souvent traités par anticoagulant.

Liées à l’atteinte des artères ou des veines rénales principales :

causes : embolies artérielles, thromboses artérielles athéromateuses, dissection des artères rénales ou thrombose veineuse (bilatérale ou sur rein unique) peuvent aussi se compliquer d’IRA ;

signes : douleur lombaire, hématurie macroscopique et fièvre, augmentation des LDH sont évocateurs ; le diagnostic est confirmé par l’écho-doppler, un angio-scanner ou une angio-IRM.

VII. Complications évolutives et pronostic des IRA organiques (A)


A. Mortalité

La mortalité associée à la mono-défaillance rénale est de l’ordre de 10 %. Cependant, la mortalité des IRA survenant en réanimation (le plus souvent consécutive à un état de choc ou au décours d’une chirurgie lourde) est plus élevée, en moyenne de 40 % toutes causes confondues.

Elle est liée :

à la maladie causale : choc septique ou hémorragique, convulsions, insuffisance respiratoire, grand traumatisme, pancréatite aiguë ;

au terrain sur lequel survient l’IRA : âge du patient, maladies coronariennes sous jacentes, insuffisance respiratoire, diabète, cancers ;

aux complications secondaires de la réanimation et en particulier aux infections nosocomiales : septicémie sur cathéter, pneumopathie, dénutrition.

B. Principales complications

Les complications métaboliques propres à l’IRA sont :

l’hyperkaliémie  : complication grave, potentiellement mortelle. Elle est due principalement à la baisse de sécrétion tubulaire de potassium et est plus fréquente dans les formes anuriques :

elle est aggravée par le relargage du potassium intracellulaire dans la circulation (acidose métabolique, rhabdomyolyse, hémolyse, syndrome de lyse tumorale) ou par la prise de certains médicaments (anti-aldostérone, IEC, ARA2, triméthoprime-sulfaméthoxazole),

la kaliémie doit être dosée systématiquement. Il faut réaliser un ECG à la recherche de modifications électriques, ondes T amples pointues et symétriques, et surtout troubles de conduction. Le risque d’arrêt cardio-circulatoire est alors majeur et le traitement de l’hyperkaliémie doit être débuté immédiatement ;

l’acidose métabolique : fréquente et le plus souvent modérée au cours des IRA :

elle est liée à l’accumulation d’acides faibles organiques et minéraux et à la diminution de l’élimination des protons H+. L’accumulation d’acides faibles (non dosés) explique l’augmentation du trou anionique,

dans certains cas l’acidose peut être plus importante. C’est le cas notamment au cours des IRA toxiques après intoxication à l’éthylène glycol (acidose oxalique), des IRA des états de choc septiques, cardiogéniques ou mixtes (acidose lactique), de l’acidocétose diabétique avec IRA fonctionnelle, des IRA fonctionnelles secondaires à une diarrhée (pertes digestives de bicarbonates) et des IRA obstructives.

La surcharge hyposodée est responsable d’une hyperhydradation extracellulaire et se traduit par une HTA et la présence d’œdèmes déclives, éventuellement associés à des épanchements séreux (plèvres, péricarde). Elle peut se compliquer d’œdème aigu pulmonaire.

Le risque de dénutrition par défaut d’anabolisme et souvent un hypercatabolisme azoté.

Les infections nosocomiales sont fréquentes.

Les hémorragies digestives peuvent être prévenues par un traitement anti-acide prophylactique.

C. Les facteurs pronostiques

Les facteurs du pronostic rénal sont :

le niveau de fonction rénale antérieure ;

le type de l’IRA organique : le pronostic des NTA est habituellement bon après une phase d’IRA de 1 à 3 semaines, la fonction rénale récupère progressivement et revient à l’état antérieur. Cette récupération est le fait de la régénération de l’épithélium tubulaire nécrosé à partir des cellules épithéliales tubulaires ayant survécu à l’agression. Néanmoins, une séquelle (IRC) est possible. Surtout, il est indispensable de surveiller la fonction rénale au cours des mois et des années suivant un épisode même résolutif d’IRA car c’est un facteur de risque établi d’IRC secondaire, pouvant évoluer vers l’insuffisance rénale terminale.

Les facteurs de pronostic vital

l’existence d’un choc septique initial ;

le nombre de défaillances viscérales associées à l’IRA ;

la présence de complications déjà citées ;

le terrain sur lequel survient l’IRA.

VIII. Prévention de l’IRA (A)

Compte tenu de la gravité de l’IRA, les mesures préventives sont extrêmement importantes.

A. Prévention de la NTA chez les sujets à risque

Dans les situations à risque :

patients présentant une infection grave ;

collapsus ou état de choc ;

chirurgie lourde notamment cardiaque ou aortique avec circulation extracorporelle, voire clampage de l’aorte sus-rénale ;

en particulier chez les sujets âgés, diabétiques, athéromateux, ayant déjà une IRC.

Le traitement préventif repose sur le maintien d’une volémie et d’une pression de perfusion efficace. Les apports hydrosodés seront adaptés en fonction :

de la courbe de poids ;
du bilan des entrées et des sorties (diurèse et natriurèse, pertes digestives…).

On pourra s’aider de l’échographie cardiaque trans-thoracique pour apprécier le remplissage vasculaire.

Les solutés de remplissage utilisés sont principalement les cristalloïdes, NaCl isotonique en particulier.

B. Prévention de la néphropathie des produits de contraste iodés (NPCI) (A)

Les sujets à risque sont les patients :

âgés,

diabétiques ;

ayant une insuffisance rénale sévère (DFGe < 30 mL/min) ;

insuffisants cardiaques ;

ou ayant un myélome avec excrétion en excès de chaînes légères ;
qui reçoivent le PCI par voie artérielle.

Si l’administration de PCI ne peut être évitée, il est indispensable d’en prévenir la toxicité :

arrêt préalable des AINS et des diurétiques ;

hydratation adaptée soit per os (eau de Vichy), soit par perfusion de soluté de NaCL isotonique à 9 g/L ou de bicarbonate de sodium isotonique à 14 ‰ (1 ml/kg/h pendant les 12 h précédant l’examen et les 12 heures suivantes) ;

utilisation des PCI de faible osmolarité ou iso-osmolaires en limitant le volume administré.

C. Prévention de la néphrotoxicité médicamenteuse (aminosides, cisplatine, amphotéricine B) (A)

La posologie journalière des aminosides doit être adaptée à la fonction rénale. En cas de prescription prolongée (plus de 48 h), la dose doit être adaptée aux concentrations plasmatiques résiduelles. La déshydratation et la prise de diurétiques aggravent le risque de néphrotoxicité.

Les mêmes précautions d’hydratation, voire d’hyperhydratation, et d’adaptation posologique, doivent être prises pour tous les médicaments néphrotoxiques (amphotéricine B, cisplatine, etc.).

D. Prévention des IRA fonctionnelles médicamenteuses

Les IEC et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II :

doivent être prescrits avec prudence chez le sujet âgé et chez les patients à risque vasculaire ;

doivent être transitoirement interrompus en situation de déshydratation (gastro-entérite, canicule) ;

un contrôle de la créatininémie et de la kaliémie après l’introduction chez les patients à risque vasculaire est nécessaire.

Les AINS sont contre-indiqués en cas d’IRC et ne doivent pas être utilisés en association avec les médicaments bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone.

E. Prévention du syndrome de lyse

Au cours des rhabdomyolyses ou des lyses tumorales importantes (spontanées ou après chimiothérapie des leucémies aiguës, des lymphomes, des cancers anaplasiques à petites cellules), la NTA doit être prévenue par une hydratation importante.

L’alcalinisation des urines :

est recommandée au cours des rhabdomyolyses pour limiter la précipitation de myoglobine et de protéine de Tamm-Horsfall ;

doit être évitée au cours des syndromes de lyse tumorale car cela augmente le risque de précipitation de cristaux de phosphate de calcium. L’injection précoce d’uricase (Rasburicase) permet d’éviter l’hyperuricémie des syndromes de lyse tumorale.

IX. Traitement symptomatique des IRA organiques (B)

[violet]1. Traitement préventif des complications[/violet]

De nombreux médicaments sont éliminés par le rein. Il est donc essentiel d’adapter la posologie d’une grande majorité de ces produits au niveau de fonction rénale en s’aidant des recommandations disponibles pour chaque médicament.

La prévention des hémorragies digestives repose sur les inhibiteurs de la pompe à proton.

Un apport calorique et azoté suffisant est nécessaire pour éviter la dénutrition liée au catabolisme azoté, et permet de diminuer le risque de certaines complications (hémorragie digestive, retard de cicatrisation, épisodes infectieux). Pour les patients sédatés, on utilisera de préférence la voie entérale. En pratique, les apports doivent être de 20 à 40 cal/kg/j et 0,2 à 0,3 g/kg/j d’azote.

[violet]2. Traitement de l’hyperkaliémie[/violet]

QS item 267

[violet]3. Traitement de l’acidose métabolique[/violet]

Dans la majorité des cas, il n’y a pas lieu de traiter l’acidose métabolique à la phase aiguë d’une IRA. D’une part, l’acidose pourrait avoir un effet cytoprotecteur (épargne énergétique), d’autre part, l’alcalinisation présente des risques, car l’apport en bicarbonate de sodium augmente la production de CO2 qui doit être éliminé par le poumon ; enfin, l’alcalinisation relance la glycolyse et la production de lactates par les cellules ce qui peut aggraver l’acidose lactique dans certaines situations. La seule indication reconnue de l’alcalinisation est la perte digestive de bicarbonate.
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L’épuration extrarénale est indispensable si l’injection de bicarbonates est impossible (surcharge hydrosodée), au cours des états de choc avec acidose lactique ou en cas d’intoxication (éthylène glycol, méthanol).
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[violet]4. Traitement de la surcharge hyposodée[/violet]

Hyperhydratation extracellulaire. Le traitement est basé sur l’utilisation de diurétiques de l’anse, PO ou IV, en bolus ou en continu. En l’absence de réponse au traitement diurétique, ou en cas d’OAP menaçant, le recours à l’épuration extrarénale est nécessaire. Attention, l’indication des diurétiques n’est pas «  rénale  » : forcer la diurèse n’accélère pas la récupération de la fonction rénale, et peut même la compromettre en induisant une hypovolémie.

Hyperhydratation intracellulaire. Elle est fréquente, souvent modérée et habituellement sans conséquence clinique. Elle est souvent liée à un apport excessif d’eau alimentaire ou parfois iatrogène (apport inapproprié de solutés hypotoniques).

[violet]5. Principes généraux et indications de la dialyse[/violet]

La dialyse a pour objectif principal d’épurer les substances accumulées dans le sang du fait de l’incapacité des reins à assurer leurs fonctions en cas d’IRA. Elle permet également de soustraire l’eau plasmatique en excès et d’apporter des solutés nécessaires au maintien d’une homéostasie satisfaisante.

Schématiquement, deux techniques de dialyse sont utilisables, l’hémodialyse et la dialyse péritonéale. Au cours de l’hémodialyse, le sang circule dans un circuit extracorporel avant d’être épuré à travers une membrane semi-perméable contre un bain de dialyse (dialysat) qui circule à contre-courant alors que la dialyse péritonéale (DP) utilise le péritoine comme membrane de dialyse, le dialysat étant introduit dans la cavité péritonéale par un cathéter. La DP est peu utilisée en France dans le cadre de l’IRA, en dehors de la pédiatrie.

Figure 4. Technique d’hémodiafiltration continue veino-veineuse

Deux types d’échanges sont utilisés en hémodialyse, les transferts diffusifs selon un gradient de concentration entre le sang du patient et le dialysat au travers de la membrane semi-perméable et les transferts convectifs par ultrafiltration résultant de l’application d’une pression hydrostatique positive au travers de cette membrane.

L’hémodialyse peut être intermittente, les séances durent entre 4 et 6 heures et sont répétées plusieurs fois par semaine selon les besoins du patient, ou continue sur plusieurs jours (hémodiafiltration continue). Ces méthodes nécessitent l’utilisation d’un traitement anticoagulant, soit à base d’héparine soit à base de citrate, pour éviter la coagulation du sang dans le circuit extracorporel, et un abord vasculaire, le plus souvent un cathéter posé dans la veine jugulaire interne ou fémorale.

La dialyse est indiquée en urgence en cas de complications mettant en jeu le pronostic vital, hyperkaliémie symptomatique (> 6,5 mmol/l en présence de signes électrocardiographiques) associée à une anurie, acidose métabolique sévère (pH < 7,2) et ou une hyperhydratation résistante au traitement diurétique. L’indication est d’autant plus urgente que le patient est anurique.

Les complications de l’«  urémie  », péricardite, coma, hémorragie digestive, associées à un taux d’urée > 50 mmol/l, sont rarement à l’origine de l’indication du début en urgence de la dialyse.

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Les points à retenir

Devant toute IRA, il est nécessaire, dans un premier temps, d’éliminer un obstacle sur les voies excrétrices en pratiquant systématiquement une imagerie de l’appareil rénal et urinaire (en privilégiant l’échographie), ainsi qu’une IRA fonctionnelle par l’anamnèse, l’examen clinique et l’analyse du ionogramme urinaire.

La nécrose tubulaire aiguë est la principale cause d’IRA organique. Elle peut être d’origine hémodynamique ou ischémique compliquant notamment un état de choc, toxique et médicamenteuse ou secondaire à la précipitation intratubulaire de chaînes légères d’immunoglobulines ou de myoglobine. Les autres causes d’IRA organique comprennent les néphropathies interstitielles aiguës, les glomérulonéphrites rapidement progressives et les néphropathies vasculaires.

Il est nécessaire de rechercher systématiquement des complications qui sont des urgences thérapeutiques et qui doivent motiver l’hospitalisation, éventuellement dans une unité de soins critiques, spécialisées ou non. Ce sont principalement l’hyperkaliémie (faire un ECG systématiquement), l’OAP, surtout si le patient est anurique, et l’état de choc. Il faut penser au risque de surdosage médicamenteux lié à l’IRA (acidose lactique par surdosage en biguanide, hémorragie par surdosage en anticoagulant…).

Il faut bien connaître et respecter certaines règles de prescription :

 rechercher une sténose de l’artère rénale en cas d’IRA survenant après prescription d’IEC ou d’ARA2 ;
 chez le patient diabétique ou insuffisant rénal chronique, l’injection de produit de contraste iodé doit être motivée et précédée d’une hydratation suffisante par du soluté salé ;

 la prescription de médicaments néphrotoxiques doit être adaptée à l’âge, au poids, à la fonction rénale et aux concentrations résiduelles (pour les aminosides notamment), en veillant à maintenir une hydratation suffisante.

L’épuration extrarénale est indiquée en urgence en cas d’IRA sévère chez un patient anurique pour prévenir ou traiter une hyperkaliémie, une acidose métabolique et ou une hyperhydratation sévère responsable d’un œdème aigu pulmonaire.

Le choix de la technique, ces modalités et la dose de dialyse à proposer aux patients sont affaires de spécialistes et dépendent de la cause et de la sévérité de l’IRA.

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