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Manuel de Néphrologie 10° édition
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Chapitre 19 Hypertension artérielle de l’adulte et de l’enfant 19 Item 224
Chapitre 19 Hypertension artérielle de l’adulte et de l’enfant 19 Item 224
Rang Rubrique Intitulé Descriptif
A Définition Définition de l’HTA Définitions HAS et SFHTA (seuils : consultation, MAPA, automesure, grades de sévérité)
A Prévalence, épidémiologie Épidémiologie de l’HTA, HTA facteur de risque cardiovasculaire majeur Prévalence, liens (âge, obésité, diabète…), complications cardiovasculaires, répartition HTA essentielle et secondaire
B Éléments physiopathologiques Physiopathologie de l’HTA Principaux mécanismes (rénine ou volo-dpendants), facteurs environnementaux
A Diagnostic positif Mesure de la pression artérielle Connaître les méthodes de mesure de la PA (consultation, automesure, MAPA) et interpréter
A Diagnostic positif Évaluation initiale d’un patient hypertendu Circonstances de découverte, interrogatoire, risque cardiovasculaire, examen clinique
A Examens complémentaires Examens complémentaires de première intention Bilan biologique minimal, ECG
A Suivi et/ou pronostic Complications de l’HTA, retentissement sur les organes cibles Neurosensorielles, cardiovasculaires, rénales
A Diagnostic positif Connaître les signes d’orientation en faveur d’une HTA secondaire Savoir mener l’examen clinique et prescrire les examens complémentaires permettant d’évoquer une HTA secondaire
A Étiologies Connaître les principales causes d’HTA secondaire Néphropathies parenchymateuses, HTA réno-vasculaire, causes endocriniennes, coarctation de l’aorte…
B Diagnostic positif Connaître la démarche diagnostique en cas de suspicion d’ HTA secondaire Clinique, biologie, imagerie
A Identifier une urgence Reconnaître une urgence hypertensive et une HTA maligne Définition d’une crise hypertensive et d’une urgence hypertensive
B Définition Définition d’une HTA résistante Connaître les facteurs de résistance (non-observance, sel, syndrome d’apnée du sommeil, médicaments ou substances hypertensive…)
A Prise en charge Connaître les objectifs de la consultation d’annonce Intérêts et objectifs de la prise en charge, modification du style de vie, prise en charge des autres facteurs de risque
A Prise en charge Connaître la stratégie du traitement médicamenteux de l’HTA Traitement initial, classes thérapeutiques, adaptation, surveillance, chiffres cible de PA
A Prise en charge Connaître les principaux effets indésirables et contre-indications des traitements anti-hypertenseurs
B Prise en charge Connaître les situations cliniques particulières pouvant orienter le choix du traitement
anti-hypertenseur
A Prise en charge Connaître les particularités du traitement
anti-hypertenseur du sujet âgé de plus de 80 ans
B Prise en charge Prise en charge d’une urgence hypertensive
B Suivi et/ou pronostic Plan de soins à long terme et modalités de suivi d’un patient hypertendu Savoir évaluer l’efficacité du traitement, la tolérance au traitement et l’observance du patient
B Prise en charge Principes de prise en charge d’une HTA secondaire HTA rénovasculaire et endocriniennes
A Définition Connaître la définition de l’HTA chez l’enfant et l’existence de normes pédiatriques
A Diagnostic positif Mesure de la pression artérielle chez l’enfant Connaître les indications de mesure de la PA chez l’enfant (examen systématique annuel après 3 ans, en cas de FDR) et en connaître les modalités (brassards adaptés, abaques pour l’âge et le sexe)
B Étiologies Connaître les principales causes d’HTA chez l’enfant

I. Définition de l’HTA (SFHTA/HAS 2016) (A)

L’HTA est définie en consultation par une pression artérielle (PA) systolique ≥ 140 mmHg et/ou une PA diastolique ≥ 90 mmHg persistant dans le temps. Sur une seule consultation, une PA ≥ 140/90 mmHg fait suspecter une HTA, mais est donc insuffisante pour l’affirmer.

Le grade de l’HTA est défini en fonction de la valeur de PA mesurée au cabinet (tableau 1), dans des conditions standardisées (cf. chapitre 4).

Les valeurs normales de la PA en automesure tensionnelle (AMT) ou en mesure ambulatoire (MAPA) diffèrent de celles mesurées au cabinet médical : L’HTA sera affirmée si l’AMT (ou la MAPA diurne) montre une PAS ≥ 135 mmHg ou une PAD ≥ 85 mmHg.

Tableau 1. Niveau de PA au cabinet définissant l’HTA et les grades d’HTA

Définitions PA systolique PA diastolique
HTA grade 1 140-159 mmHg et/ou 90-99 mmHg
HTA grade 2 160-179 mmHg et/ou 100-109 mmHg
HTA grade 3 > 180 mmHg et/ou > 110 mmHg

II. Prévalence et épidémiologie de l’HTA (A)

A. Prévalence de l’HTA en France

En France, environ 12 millions de patients sont traités pour une HTA.

La pression artérielle (PA) augmente avec l’âge, si bien que la prévalence de l’HTA augmente aussi significativement avec l’âge. Chez les assurés sociaux de plus de 35 ans, la prévalence de l’HTA atteint 30 %. 60 à 70 % des personnes de plus de 70 ans sont traitées pour HTA.

La prévalence de l’HTA est associée à la consommation d’alcool, à l’index de masse corporelle (IMC), au diabète, au tabagisme et à un niveau socioéconomique plus bas.

Dans la population, seulement 50 % des hypertendus sont au courant de leur HTA et parmi ceux-ci, 80 % sont traités. Parmi les hypertendus traités, 50 % sont contrôlés par le traitement (à la cible de 140/90 mmHg).

B. HTA facteur de risque cardiovasculaire majeur

L’HTA est un facteur de risque cardiovasculaire majeur et modifiable. Les maladies cardiovasculaires sont responsables d’environ 30 % de la mortalité globale dans les 2 sexes. La mortalité de cause ischémique coronarienne (8,0 %) devance celle des AVC (6,6 %).

L’augmentation du risque de morbi-mortalité cardiovasculaire est directement corrélée à l’élévation de la PA dans les études épidémiologiques, selon une relation continue au-dessus de 115/75 mmHg.

Depuis la fin des années 1960, la mortalité cardiovasculaire a progressivement diminué en France et dans l’ensemble des pays occidentaux. Cette diminution de la morbi-mortalité cardiovasculaire serait en partie attribuable aux mesures de prévention primaire (réduction de certains facteurs de risque dont le traitement de l’hypertension artérielle et de l’hypercholestérolémie) et secondaire (interventions thérapeutiques à visée cardiovasculaire).

III. Physiopathologie de l’HTA (B)

La physiopathologie de l’HTA implique un ou plusieurs mécanismes contribuant à une élévation de la pression artérielle :

rétention sodée (insuffisance rénale, activation du système rénine angiotensine aldostérone, hypercorticisme…) ;

vasoconstriction (activation du système nerveux sympathique, catécholamines, angiotensine…) ;

rigidité artérielle (majorée avec l’âge, responsable principalement d’une élévation de la PA systolique).

IV. Mesure de la pression artérielle (ESH & SFHTA 2021) (A)

Figure 1. Procédure de mesure de la PA au cabinet (ESH & SFHTA, 2021)

A. Mesure de la PA en consultation

La base du diagnostic et de la prise en charge de l’HTA est la mesure de la PA, qui est utilisée en routine pour initier ou éviter des examens coûteux et des interventions thérapeutiques à long terme. Une méthodologie de mesure inadéquate de la PA ou l’utilisation d’appareils de mesure de la PA imprécis peuvent conduire soit à un sur-diagnostic et à un traitement inutile, soit à un sous-diagnostic entraînant un risque accru de maladies cardiovasculaires évitables.

Pour la mesure en consultation, il est recommandé de privilégier les appareils électroniques validés, de préférence un appareil qui réalise automatiquement 3 lectures. Un appareil utilisant un brassard est préférable à un appareil au poignet. En cas de rythme cardiaque irrégulier, les valeurs obtenues par mesure automatisée peuvent être sujettes à caution.

Les conditions de mesure de la PA au cabinet sont détaillées dans la figure 1.

La première fois il est recommandé de mesurer la PA aux 2 bras pour dépister une asymétrie (différence de PAS > 10 mmHg, à plusieurs reprises) et de considérer le bras présentant la valeur la plus élevée (risque de sous-estimer la PA en cas de sténose artérielle d’amont).

La mesure en position debout après 1 et 3 minutes d’orthostatisme dépiste l’hypotension orthostatique (diminution de la PAS ≥ 20 mmHg et/ou de la PAD ≥ 10 mmHg) et doit être pratiquée systématiquement lors du diagnostic de l’HTA ou du suivi chez le malade diabétique, âgé, polymédicamenté ou lorsque la clinique est évocatrice.

B. Mesure de la PA en dehors de la consultation

Il existe 2 techniques de mesure de la PA en dehors du cabinet : l’automesure tensionnelle et la mesure ambulatoire de la PA des 24 h Il est recommandé de mesurer la PA en dehors du cabinet médical :

pour confirmer l’HTA avant le début du traitement anti-hypertenseur médicamenteux, sauf en cas d’HTA grade 3 en consultation (PA ≥ 180/110 mmHg en conditions standardisées) ;

avant de modifier le traitement ;

en cas de suspicion d’HTA résistante pour éliminer une HTA blouse blanche ;
avant une consultation de suivi de l’HTA.

L’automesure tensionnelle (AMT) :

les mesures sont prises en position assise, avant la prise des traitements antihypertenseurs, en conditions standardisées analogues à celles de la PA au cabinet. Après un repos de 5 minutes, les mesures successives de PA sont espacées d’une minute environ ;

la valeur de la PA en AMT est définie par la moyenne d’au moins 12 mesures (idéalement 3 mesures matin et soir sur 3 jours, ou 2 mesures matin et soir sur 7 jours) ;

l’AMT est pratique et particulièrement adaptée à la prise en charge ambulatoire. Elle est la meilleure méthode de suivi à long terme de l’HTA traitée, favorisant l’implication du patient dans sa prise en charge. Un professionnel de santé doit au préalable faire au patient une démonstration d’AMT ;

les valeurs normales de l’AMT sont PAS < 135 mmHg et PAD < 85 mmHg.

La mesure ambulatoire de la PA (MAPA) :

la MAPA réalise des mesures répétées et à intervalles réguliers de la PA par un appareil automatique portable sur 24 heures ;

la MAPA est utile dans les situations suivantes : en cas de discordance entre la PA au cabinet médical et en AMT, pour confirmer une HTA en l’absence d’AMT, pour rechercher une HTA nocturne devant la constatation d’une PA normale et d’une atteinte des organes cibles, en cas de variabilité tensionnelle importante dans un contexte de dysautonomie ou de suspicion d’hypotension artérielle ;

les valeurs normales de PA moyenne de la MAPA sont : PAS < 130 mmHg et PAD < 80 mmHg sur 24 h, PAS < 135 mmHg et PAD < 85 mmHg le jour et PAS < 120 mmHg et PAD < 70 mmHg la nuit.

L’AMT et la MAPA permettent de diagnostiquer une HTA blouse blanche (PA élevée au cabinet médical et normale en dehors). Elle ne justifie généralement pas de traitement antihypertenseur mais des règles hygiéno-diététiques compte tenu du risque élevé d’évolution vers une HTA permanente. Une surveillance tensionnelle annuelle sera réalisée dans ce cadre.

L’AMT et la MAPA permettent de diagnostiquer une HTA masquée (PA normale au cabinet médical et élevée en dehors). Elle est moins fréquente que l’HTA blouse blanche et concerne surtout l’hypertendu traité.

V. Évaluation initiale d’un patient hypertendu (A)

A. Interrogatoire

Préciser les circonstances de découverte : découverte fortuite, céphalées, complication aiguë, atteinte d’organe cible…

Recherche d’antécédents contribuant au risque cardiovasculaire.

Recherche de symptômes, d’antécédents ou de prise de toxiques orientant vers une HTA secondaire (cf. infra).

B. Examen clinique

L’examen clinique recherche les facteurs provoquant ou aggravant une HTA :

mesure du poids et de la taille pour le calcul de l’IMC et du tour de taille ;

mesure de la PA (cf. supra) ;

recherche de signe d’hyperhydratation extracellulaire et d’insuffisance cardiaque ;

recherche d’un gros rein au palper bi-manuel (hydronéphrose, polykystose) ;

recherche de signes en faveur d’une anomalie endocrinienne (Cushing, hyperthyroïdie, acromégalie) ;

palpation des pouls périphériques et recherche d’un souffle péri-ombilical ou lombaire (recherche d’une artériopathie périphérique, d’une coarctation de l’aorte et d’une sténose de l’artère rénale).

VI. Examens complémentaires de première intention (SFHTA/HAS 2016) (A)

Les objectifs de l’évaluation paraclinique initiale d’un patient hypertendu sont :

rechercher une étiologie à l’HTA :

créatininémie et estimation du débit de filtration glomérulaire (CKD-EPI),

recherche d’une protéinurie, quelle que soit la méthode (bandelette urinaire ou rapport Albuminurie ou protéinurie/créatininurie),

kaliémie (prélèvement sanguin sans serrer le poing et sans garrot prolongé) et natrémie,

une hypokaliémie, une insuffisance rénale et/ou une protéinurie doivent faire suspecter une HTA secondaire ;

évaluer le risque cardiovasculaire (cf. infra ) :

glycémie à jeun,

anomalie lipidique (EAL) à jeun : cholestérol total et HDL, triglycérides, avec calcul du cholestérol LDL par la formule de Friedewald ;

évaluer le retentissement cardiaque de l’HTA :

électrocardiogramme de repos.

VII. Complications de l’HTA, retentissement sur les organes cibles (A)

Retentissement de l’HTA sur les organes cibles :

retentissement cardiaque et vasculaire : recherche d’une hypertrophie ventriculaire gauche par ECG. L’échocardiographie est réservée au patient hypertendu symptomatique (douleurs thoraciques, dyspnée d’effort) ou ayant un souffle cardiaque ou en cas d’anomalie de l’électrocardiogramme (troubles de la repolarisation, bloc de branche gauche) ;

retentissement rénal : recherche d’une excrétion urinaire anormale d’albumine (rapport albumine/créatinine sur échantillon 30-300 mg/g). Une albuminurie de grade A3 (> 300 mg/g) et/ou une altération du DFG estimé doivent faire suspecter la présence d’une néphropathie sous-jacente à l’origine de l’HTA plutôt que le retentissement de l’HTA sur le rein ;

retentissement cérébral : la réalisation d’examens complémentaires à recherche d’un retentissement cérébral n’est généralement pas indiquée en dehors des urgences hypertensives ;

retentissement ophtalmologique : la recherche d’un retentissement au fond d’œil n’est généralement pas indiquée en dehors des urgences hypertensives.

Notion de risque cardiovasculaire :

le risque CV est la probabilité de survenue chez une personne d’un événement CV majeur (décès CV, infarctus, AVC) sur une période donnée. L’évaluation du risque CV prend en compte le niveau de PA, l’association à d’autres facteurs de risque, l’existence d’atteinte infraclinique des organes cibles, d’une insuffisance rénale chronique indépendamment de sa cause et/ou l’existence d’une complication CV (tableau 2). L’importance du risque CV global permet d’adapter la prise en charge thérapeutique d’un patient hypertendu ;

selon les recommandations HAS 2017, entre 40 et 65 ans l’évaluation du niveau de risque CV doit reposer sur l’outil SCORE (tableau 3). Cette méthode est moins utilisée en pratique que la méthode classique (tableau 2). Le SCORE évalue le risque à 10 ans de décès cardiovasculaire en fonction du sexe, de l’âge (entre 40 et 65 ans), du statut tabagique, de la pression artérielle systolique et de la concentration de cholestérol total. Il est accessible en ligne via http://www.heartscore.org/fr_FR/access.

Facteurs de risque classiquement utilisés pour estimer le risque CV global :

âge (> 50 ans chez l’homme et 60 ans chez la femme) ;

tabagisme (en cours ou arrêté depuis moins de 3 ans) ;

antécédents familiaux d’accident cardiovasculaire précoce :

infarctus du myocarde ou de mort subite avant 55 ans chez le père ou un autre parent masculin du 1er degré,

infarctus du myocarde ou de mort subite avant 65 ans chez la mère ou une parente du 1er degré,

AVC précoce < 45 ans ;

diabète (traité ou pas) ;

dyslipidémie :

LDL cholestérol > 1,60 g/L (4,1 mmol/L),

HDL cholestérol ≤ 0,40 g/L (1 mmol/L) quel que soit le sexe.

Maladies cardiovasculaires et rénales associées :

insuffisance rénale (DFG estimé < 60 ml/min/1,73 m2) et/ou albuminurie/créatininurie > 300 mg/g ;

accident vasculaire cérébral (AVC ou AIT) ;

ischémie coronarienne ;

artériopathie oblitérante des membres inférieurs.

Tableau 2. Stratification classique du risque cardiovasculaire

HTA légère HTA modérée HTA sévère
0 FR Risque faible Risque moyen Risque élevé
1-2 FR Risque moyen Risque moyen Risque élevé
3 FR ou diabète ou atteinte
d’un organe-cible
Risque élevé Risque élevé Risque élevé
Maladie CV* ou rénale** Risque très élevé Risque très élevé Risque très élevé

FR = facteur de risque cardiovasculaire.
*maladie CV = ATCD d’AVC, ins. coronaire, artériopathie.
**atteinte rénale = albuminurie/créatininurie > 300 mg/g et/ou insuffisance rénale (DFG estimé < 60 ml/min/1,73 m2).

L’outil SCORE2 permet d’évaluer le RCV global (risque d’événement cardiovasculaire fatal à 10 ans).

Il intègre pour son calcul 5 facteurs de risque : le sexe, l’âge, le statut tabagique, la pression artérielle systolique et la cholestérolémie totale.

Le niveau de risque peut être également apprécié dans une classification intégrant le résultat de SCORE et d’autres facteurs non pris en compte par l’outil SCORE2.

Tableau 3. Stratification du risque cardiovasculaire utilisant SCORE2 (ESC 2021)

Risque de décès d’origine cardiovasculaire à 10 ans
RCV faible SCORE < 1 %
RCV modéré 1 % ≤ SCORE ≤ 5 %
Diabète de type 1 ou 2 < 40 ans sans autre FRCV ni atteinte d’organe cible
RCV élevé 5 % ≤ SCORE ≤ 10 %
Diabète (âge ≥ 40 ans) sans atteinte d’organe cible ou autres FDRV
Insuffisance rénale chronique stade 3 (DFG : 30-59 mL/min/1,73 m2)
LDLC > 1,9 g/L (5 mmol/L)
HTA ≥ 180/110 mmHg
RCV très élevé SCORE ≥ 10 %
Diabète avec atteinte d’organe cible
Insuffisance rénale chronique ≥ stade 4 (DFG < 30 mL/min/1,73 m2)
Maladie CV documentée (prévention secondaire)

FR = facteur de risque cardiovasculaire.
SCORE2 est calculable en ligne via http://www.cardiorisk.fr ou https://www.heartscore.org/en_GB

VIII. Éléments d’orientation vers une HTA secondaire (SFHTA/HAS 2016) (A)

La liste des causes identifiables d’HTA est longue mais leur fréquence dans la population générale des patients hypertendus est faible, inférieure à 10 %.

Éléments orientant vers une HTA secondaire :

l’interrogatoire, l’examen clinique ou les examens systématiques recommandés apportent une orientation étiologique (tableau 4) ;

HTA du sujet jeune ;

association HTA + hypokaliémie (ou kaliémie limite basse à plusieurs reprises)

HTA d’emblée sévère (PAS > 180 ou PAS > 110 mmHg) ;

HTA résistante (PA ≥ 140/90 malgré une trithérapie comportant un diurétique thiazidique).


IX. Principales causes d’HTA secondaire (A)

Obésité (index de masse corporelle > 30 kg/m2) abdominale (périmètre > 102 cm chez l’homme, 88 cm chez la femme).

Syndrome d’apnées du sommeil.

Consommation excessive d’alcool (plus de 3 verres de vin par jour chez l’homme et 2 verres par jour chez la femme).

HTA médicamenteuses (contraception, glucocorticoïdes, AINS, sympathomimétiques, anticalcineurines…).

Maladies rénales, avec ou sans insuffisance rénale.

Sténose de l’artère rénale athéromateuse ou par dysplasie fibromusculaire.

HTA toxique (réglisse, ectasy, amphétamine, cocaïne, AINS…).

Hyperminéralocorticismes et syndromes apparentés : une hypokaliémie d’origine rénale peut être observée (avec kaliurèse supérieure à 30 mmol/24 h). L’association HTA + hypokaliémie est alors la conséquence de l’activation conjointe de la réabsorption de Na (HTA) et de la sécrétion de K (hypokaliémie) par la cellule principale du canal collecteur. Les principales causes de ce tableau spécifique peuvent être :

hyperaldostéronisme primaire ++ (aldostérone élevée et rénine basse, car l’aldostérone est sécrétée de manière autonome par la surrénale, freinant la rénine) : adénome de Conn ou hyperplasie bilatérale des surrénales ;

hyperaldostéronisme secondaire (aldostérone et rénine élevées, car l’augmentation de l’aldostérone est secondaire à celle de la rénine) : sténose des artères rénales, HTA maligne ;

pseudohyperaldostéronisme (aldostérone et rénine basses, car l’activation de la cellule principale est indépendante de l’aldostérone) : Cushing, prise de réglisse (glycyrrhizine).

Coarctation de l’aorte.

Phéochromocytome.

Tableau 4. Principales situations orientant vers une cause spécifique d’HTA

Contexte Causes potentielles
HTA chez l’adulte jeune ou l’adolescent
Protéinurie, hématurie, insuffisance rénale
Néphropathies
HTA chez l’adulte jeune ou l’adolescent, HTA résistante
OAP flash
Athéromatose diffuse
Asymétrie de taille des reins
IRA sous IEC ou ARA2
Hypokaliémie d’origine rénale (kaliurèse élevée)
Sténose de l’artère rénale
Hypokaliémie spontanée ou induite d’origine rénale (kaliurèse élevée)
HTA sévère ou résistante
HTA du sujet jeune
Retentissement sur les organes cibles disproportionné par rapport à l’ancienneté de l’HTA
HTA + nodule surrénalien
Hyperaldostéronisme primaire
Hypersomnie diurne, asthénie matinale, céphalées
Élévation nocturne de la PA sur une MAPA
Surpoids
Ronchopathie, pauses respiratoires nocturnes
HTA résistante
Syndrome d’apnées obstructives du sommeil
Triade «  céphalées + sueurs + palpitations  » Phéochromocytome

X. Démarche diagnostique en cas de suspicion d’HTA secondaire (B)

L’interrogatoire et l’examen clinique recherchent un ou des élément(s) orientant vers une cause d’HTA secondaire (cf. VIII et IX).

Il est généralement nécessaire dans ce cas de recourir à l’avis d’un spécialiste de 2e ou 3e recours.

Les explorations complémentaires seront adaptées en fonction de l’orientation étiologique :

oxymétrie ou polygraphie respiratoire nocturne ;

échographie-Doppler des artères rénales ;

angioscanner abdominal ;

analyses urinaires des 24 heures : natriurèse, créatininurie et protéinurie, métanéphrines et normétanéphrines urinaires, cortisol libre urinaire, aldostéronurie

bilan étiologique d’une néphropathie (sédiment urinaire, protéinurie des 24 h ou ratio protéines/créatinine urinaire), échographie rénale… ;

dosages hormonaux sanguins : rénine et aldostérone en conditions standardisées, métanéphrines et normétanéphrines libres plasmatiques, test de freinage minute en cas de suspicion d’hypercorticisme…

XI. Reconnaître une urgence hypertensive et une HTA maligne (ESH 2013) (A)

Urgence hypertensive : PAS > 180 ou PAD > 120 avec atteinte d’organe cible.

HTA maligne : PA «  très élevée  » avec retentissement viscéral (cœur : insuffisance cardiaque, rein : insuffisance rénale ± signes de microangiopathie thrombotique, cerveau : signes neurologiques centraux (confusion) et rétinopathie hypertensive stade III ou IV ou FO).

XII. Définition d’une HTA résistante (SFHTA/HAS 2016) (B)

Une HTA est définie comme résistante en cas de persistance de la PA ≥ 140/90 mmHg (PAS ≥ 140 et/ou PAD ≥ 90), malgré un traitement pharmacologique associant au moins 3 classes thérapeutiques à dose optimisée dont un diurétique thiazidique ou apparenté thiazidique, un bloqueur du SRA et un antagoniste calcique, associés à des mesures hygiéno-diététiques.

Une confirmation par une mesure ambulatoire de la PA est nécessaire pour poser le diagnostic d’HTA résistante (AMT ou MAPA).

XIII. Objectifs de la consultation d’information et d’annonce de l’HTA (SFHTA/HAS 2016) (A)

La consultation d’annonce a pour objectifs d’informer le patient sur sa maladie hypertensive et sa prise en charge, en abordant successivement les 10 points suivants :

définition de l’HTA ;

origine de l’HTA ;

conséquences de l’HTA ;

réversibilité du risque attribuable à l’HTA ;

moyens thérapeutiques médicamenteux et non médicamenteux ;

schémas thérapeutiques ;

temporalité des traitements ;

objectifs du traitement ;

balance décisionnelle du patient ;

approfondissement de points mal compris.

La modification du style de vie par des mesures hygiéno-diététiques est recommandée chez tous les patients hypertendus, quel que soit le niveau tensionnel, avec ou sans traitement pharmacologique associé. Ces mesures permettent de réduire la valeur de la PAS de 5 à 15 mmHg et la PAD de 3 à 7 mmHg. Ces mesures hygiéno-diététiques doivent être abordées au cours de la consultation d’annonce et comprennent :

l’arrêt du tabac associé si besoin à un accompagnement au sevrage tabagique (ne réduit pas la PA, mais réduit le risque cardiovasculaire) ;

une réduction du poids en cas de surcharge pondérale ou d’obésité, de façon à maintenir l’IMC en dessous de 25 kg/m2 ;

la pratique d’une activité physique régulière d’au moins 30 minutes/jour 3 fois par semaine ;

la normalisation de la consommation en chlorure de sodium aux alentours de 6 g/jour de NaCl (soit une natriurèse de 100 mmol/24 heures, 1 g de NaCl = 17 mmol de Na) ;

la limitation de la consommation d’alcool à moins de 3 verres de vin ou équivalent par jour chez l’homme et 2 verres de vin ou équivalent par jour chez la femme ;

un régime alimentaire de type méditerranéen riche en fruits et légumes (fibres) et pauvre en graisses totales et saturées.

XIV. Stratégie de traitement médicamenteux de l’HTA (SFHTA/HAS 2016/ESH 2018) (A)


A. Initiation du traitement

Pour l’initiation du traitement privilégier les classes d’antihypertenseurs qui ont démontré une prévention des complications cardiovasculaires chez les hypertendus (cf. item dédié). Par ordre d’ancienneté, il s’agit des diurétiques thiazidiques (ou apparentés thiazidiques), des antagonistes calciques, des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et des antagonistes des récepteurs AT1 de l’angiotensine II (ARA2).
Le traitement peut être initié par une monothérapie (SFHTA/HAS 2016) ou une bithérapie

fixe associant un bloqueur du SRA à un thiazidique ou un antagoniste calcique (ESH 2018).

Individualiser le choix du premier traitement antihypertenseur :

le choix d’une classe thérapeutique ou d’une association thérapeutique, sera adapté à chaque patient en fonction :

de l’existence de comorbidité pouvant justifier (indications préférentielles, tableau 5) ou contre-indiquer certains antihypertenseurs,

de l’efficacité de la tolérance des médicaments déjà pris par le patient,

du coût du traitement et de sa surveillance ;

l’initiation du traitement antihypertenseur par un ARA2 ou un IEC est associée à une persistance plus élevée que l’initiation du traitement par un diurétique ou par un bêtabloquant, pour des raisons à la fois d’efficacité et de tolérance, les antagonistes calciques étant en position intermédiaire ;

chez le patient diabétique à partir du stade d’albuminurie A2 (rapport albumine/créatinine 30-300 mg/g) et chez l’hypertendu non diabétique avec albuminurie A2 ou A3, débuter au choix par un IEC ou un ARA2 ;

chez les patients à la peau noire et chez les sujets âgés, l’HTA est généralement plus sensible aux diurétiques et aux antagonistes calciques qu’aux bloqueurs du SRA ou aux bêtabloquants ;

les bêtabloquants peuvent être utilisés comme antihypertenseurs mais ils apparaissent moins efficaces que les autres classes pour la prévention des accidents vasculaires cérébraux et ne doivent pas être prescrits en première intention sauf cas particuliers (cf. infra) ;

au sein d’une même classe, il existe des différences pharmacologiques entre les médicaments qui ont des conséquences sur l’efficacité et la tolérance ;

privilégier les médicaments dont la durée d’action permet une prise par jour ;

en cas de bithérapie privilégier une bithérapie fixe en un seul comprimé, qui améliore l’observance ;

les médicaments antihypertenseurs génériques commercialisés en France ont une efficacité antihypertensive comparable aux produits princeps.

B. Surveillance et adaptation du traitement

Les visites au cabinet médical doivent être mensuelles, jusqu’à l’obtention de l’objectif tensionnel.

Tableau 5. Cibles de pression artérielle (recommandations européennes ESH/ESC 018-2021)

Population Objectif
Cible minimale < 140/90 mmHg et < 130/80 Hg si bien toléré
< 65 ans 120-129/80 mmHg
≥ 65 ans 130-139/80 mmHg
Diabète (type 1 ou 2) idem population générale
Insuffisance rénale < 130/80 mmHg
Grossesse < 140/90 mmHg

ESH/ESC : European Society of Hypertension
• A noter que les recommandations internationales KDIGO et la recommandation HAS 2021 pour les maladies rénales chroniques proposent une cible plus stricte avec une PAS <120 mmHg en mesure standardisée pour la majorité des patients MRC (voir chapitre 15).

L’objectif tensionnel (tableau 5), y compris chez les diabétiques et les patients avec maladies rénales, est d’obtenir une PAS en consultation comprise entre 130 et 139 mmHg et une PAD < 90 mmHg, confirmées par une mesure de la PA en dehors du cabinet médical (automesure tensionnelle ou MAPA diurne < 135/85 mmHg).

Pour les patients avec pathologies rénales et/ou à risque cardiovasculaire élevé la cible est < 130/80 mmHg (recommandations européennes ESC/ESH) avec pour les maladies rénales un objectif de PA systolique si toléré < 120 mmHg (KDIGO 2021 et HAS 2021).

Si le traitement initial était une monothérapie à dose optimale, en cas de réponse tensionnelle insuffisante une association d’anti-hypertenseurs avec un 2e mé­di­cament (choisi parmi les classes de primaire intention) sera instaurée après un délai d’au moins 4 à 6 semaines. L’association d’anti-hypertenseurs pourra être instaurée dans un délai plus court chez les patients avec une :

PA > 180/110 mmHg, quel que soit le nombre de facteurs de risque cardiovasculaire associé ;

PA à 140-179/90-109 mmHg, et un risque cardiovasculaire élevé.

Les associations préférentielles sont (figure 2) :

diurétiques thiazidiques (ou apparentés) avec tous les autres (bloqueurs du système rénine angiotensine, inhibiteurs calciques ; β-bloquants à partir d’une trithérapie) ;

calcium-bloqueurs avec tous les autres (bloqueurs du système rénine angiotensine, diurétiques thiazidiques ; β-bloquants à partir d’une trithérapie) ;

préférentiellement en un seul comprimé (bithérapie fixe), si une monothérapie ne permet pas le contrôle de la pression artérielle après un mois de traitement ;

l’association IEC-ARA2 est contre-indiquée ;

l’association bétabloquant-diurétique augmente le risque de diabète.

Les autres classes d’anti-hypertenseurs (α-bloqueurs, anti-hypertenseurs centraux) n’ont pas démontré leur efficacité sur la morbi-mortalité cardiovasculaire dans des essais contrôlés et ne sont donc pas recommandées dans les phases initiales du traitement. Ces classes peuvent cependant aider à atteindre l’objectif tensionnel en cas d’effets indésirables des médicaments appartenant aux classes d’anti-hypertenseurs de première intention ou après le stade de quadrithérapie.

Les médicaments antihypertenseurs peuvent parfois s’accompagner d’effets secondaires (cf. item dédié). Ces effets secondaires sont réversibles à l’arrêt du traitement, et un autre antihypertenseur doit être prescrit.

S’assurer de l’absence d’hypotension orthostatique, en particulier chez le sujet âgé, le patient insuffisant rénal ou le patient diabétique.

Après chaque introduction ou adaptation posologique des bloqueurs du système rénine angiotensine et/ou des diurétiques, ou après un événement intercurrent, il est recommandé de réaliser un ionogramme sanguin avec créatininémie et débit de filtration glomérulaire estimé.

Les diurétiques, IEC et ARA2 doivent être arrêtés transitoirement en cas de situation de déshydratation.

Figure 2. Associations possibles d’anti-hypertenseurs

En trait vert continu les associations préférentielles, en rouge l’association contre-indiquée (d’après ESH 2013)
.

XV. Principaux effets indésirables et contre-indications des traitements anti-hypertenseurs (A) [et item 330]

A. Les diurétiques

Seuls les diurétiques thiazides ont l’AMM dans le traitement de l’HTA. Les diurétiques de l’anse ne sont utilisés que pour contrôler les œdèmes de l’insuffisance rénale ou cardiaque. L’association fixe à un épargneur potassique (Aldactazine®, Moduretic®) permet de diminuer le risque d’hypokaliémie.

Les diurétiques thiazidiques (hydrochlorothiazide ou apparentés : indapamide et chlorthalidone) sont actifs en une prise par jour et leur effet anti-hypertenseur est synergique ou additif de toutes les autres classes disponibles.

Une baisse significative de la PA peut être obtenue avec de faibles doses correspondant à 12,5 à 25 mg d’hydrochlorothiazide. Un chapitre entier est consacré à cette classe thérapeutique (chapitre 4).

Les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (spironolactone et éplérénone) sont indiqués dans l’insuffisance cardiaque particulièrement quand la fraction du ventricule gauche est inférieure à 35 % et en post-infarctus.

B. Les ß-bloqueurs

Ils ont tous une efficacité tensionnelle indépendante de la bradycardie. Les ß-bloqueurs sont préférentiellement indiqués chez le patient hypertendu et coronarien, après un infarctus du myocarde ou pour les 4 ß-bloqueurs ayant une AMM dans cette indication, en cas d’insuffisance cardiaque.

L’association ß-bloqueur + thiazide est associée à un risque augmenté de diabète et doit être évitée chez les patients hypertendus à risque (obèse, syndrome métabolique).

Les contre-indications sont la bradycardie inférieure à 50/min, le bloc auriculo-ventriculaire du 2e ou 3e degré. La plupart des ß-bloqueurs sont contre-indiqués dans l’asthme, les broncho-pneumopathies chroniques obstructives et le syndrome de Raynaud.

Les effets indésirables les plus fréquents sont l’asthénie, le refroidissement des extrémités, l’impuissance, l’insomnie et les cauchemars. Les ß-bloqueurs peuvent enfin masquer les signes cliniques d’hypoglycémie chez le patient diabétique. Ils ne doivent pas être arrêtés brutalement en raison du risque de syndrome de sevrage coronarien (angor de novo, mort subite).

C. Les inhibiteurs calciques

Ces médicaments représentent une classe hétérogène parmi laquelle on distingue les dihydropyridines (DHP) (ex. : Lecarnidipine, Zanidip® ou Lercan®, amlodipine, Amlor®), et les inhibiteurs calciques bradycardisants (verapamil, Isoptine LP® et diltiazem, Monotildiem®).

Les dihydropyridines sont préférentiellement indiquées chez les patients hypertendus âgés ou ayant une HTA systolique isolée.

Certaines urgences hypertensives vraies relèvent du traitement par nicardipine (Loxen®) administrée par voie parentérale veineuse contrôlée. En revanche, l’administration sublinguale ou orale de dihydropyridine d’action rapide et courte (nifedipine capsule) est contre-indiquée dans le traitement des poussées hypertensives en raison des risques de chute tensionnelle trop rapide et incontrôlée, source d’accident ischémique coronaires ou cérébraux.

Le vérapamil et le diltiazem sont chronotropes et dromotropes négatifs et contre-indiqués en cas de dysfonction sinusale, de troubles de la conduction supra-ventriculaire non appareillées ou d’insuffisance cardiaque. L’association de ces médicaments avec un ß-bloqueur est particulièrement bradycardisante et à risque.

Les effets indésirables les plus fréquents sont les céphalées, les flushs et les œdèmes des membres inférieurs, favorisés par une insuffisance veineuse associée et pouvant faire prescrire à tort des diurétiques. Certains effets indésirables sont plus spécifiques : constipation pour le vérapamil.

D. Les bloqueurs du système rénine-angiotensine

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), les antagonistes du récepteur de l’angiotensine II (ARA2 ou sartans) et l’inhibiteur direct de la rénine (aliskirène) bloquent le système rénine-angiotensine à des étapes différentes (production d’angiotensine II pour les IEC, blocage du récepteur AT1 de l’angiotensine II pour les ARA2 et blocage du site actif de la rénine pour l’aliskirène).

Les IEC sont préférentiellement indiqués chez les patients hypertendus ayant une insuffisance cardiaque, dans le post-infarctus du myocarde et dans la prévention de la progression de l’insuffisance rénale au cours des néphropathies glomérulaires diabétiques dès que l’albuminurie est supérieure ou égale à 30 mg/24 h et chez les sujets non diabétiques si l’albuminurie est supérieure ou égale à 300 mg/24 h (correspondant environ à une protéinurie à 0,5 g/j).

Les ARA2 sont préférentiellement indiqués en cas d’intolérance à ceux-ci (toux, œdème angioneurotique).

L’efficacité antihypertensive de ces médicaments est fortement renforcée par le régime peu salé (< 6 g NaCl/j), l’introduction d’un diurétique à faible dose ou l’association à un inhibiteur calcique.

Les contre-indications absolues sont la grossesse, et pour les IEC, l’œdème angioneurotique.

Les précautions d’emploi sont la surveillance de la fonction rénale et de la kaliémie :

une à deux semaines après l’introduction du traitement et après chaque modification de dose ;

dans les situations cliniques favorisant la déshydratation extracellulaire ;

ou en cas de coprescription d’AINS.

E. Les autres anti-hypertenseurs

Les 3 classes suivantes correspondent à des médicaments efficaces sur la baisse tensionnelle mais dont les effets sur la prévention des événements cardiovasculaires n’ont pas été établis. Ces 3 classes peuvent être utilisées en complément d’un trai­tement anti-hypertenseur après la quadrithérapie ou à leur place chez certains patients en raison d’effets secondaires ou de mauvaise tolérance.


1. Les anti-hypertenseurs centraux α

Les principaux anti-hypertenseurs centraux sont la rilménidine (Hyperium®), la clonidine (Catapressan®), et l’α -méthyldopa (Aldomet®). Leurs effets indésirables principaux sont la somnolence, la sécheresse de la bouche et parfois un syndrome dépressif. Un effet rebond est possible lors de l’interruption brutale du traitement avec la clonidine. Ces produits exposent aux risques d’hypotension orthostatique, notamment chez les sujets âgés et en association avec des diurétiques ou des vasodilatateurs. L’urapidil (Eupressyl®) a une action mixte centrale et α-1-bloqueur périphérique.

L’α -méthyldopa reste indiqué comme traitement en première intention de l’hypertension artérielle de la grossesse. Ce médicament y est efficace, bien toléré et non tératogène.

2. Les alpha-bloqueurs

Les α-bloqueurs sont des vasodilatateurs α-1 bloqueurs périphériques. Leur effet indésirable le plus important est l’hypotension orthostatique, particulièrement fréquent à forte dose ou en association avec d’autres vasodilatateurs.

Cette classe médicamenteuse s’est révélée moins efficace que les autres anti-hypertenseurs sur la prévention des événements cardiovasculaires et no­tamment de l’insuffisance cardiaque.

3. Les vasodilatateurs «  musculotropes   »

Les vasodilatateurs périphériques sont une classe hétérogène de vasodilatateurs agissant sur le muscle lisse vasculaire.

La dihydralazine (Népressol®) et le minoxidil (Lonoten®) sont réservés aux patients ayant une HTA résistante à l’une des combinaisons des 5 classes majeures.
Le diazoxide et le nitroprussiate de sodium (Nipride®, Nitriate®) sont des médicaments injectables réservés aux urgences hypertensives de réanimations spécialisées.

Les effets indésirables principaux sont les céphalées, la rétention hydrosodée, la tachycardie et l’augmentation du débit cardiaque. Ces médicaments sont contre-indiqués chez le coronarien et doivent être utilisés impérativement en combinaison avec un ß-bloqueur et un diurétique puissant. Les autres effets indésirables sont l’hypertrichose pour le minoxidil et un effet diabétogène pour le diazoxide.

XVI. Situations particulières pouvant orienter le choix du traitement antihypertenseur (SFHTA/HAS 2016) (B)

Tableau 6. Indications préférentielles du traitement anti-hypertenseur en cas d’HTA compliquée (SFHTA/HAS 2016)

Contexte Indications préférentielles
Diabète à partir du stade d’albuminurie A2 (albumine/créatinine 30-300 mg/g) IEC ou ARA2
Insuffisance rénale et/ou albuminurie A3 (> 300 mg/g) IEC ou ARA2
Coronaropathie IEC, bêtabloquant
Insuffisance cardiaque IEC (ARA2 si intolérance), bêtabloquant ayant l’AMM dans cette indication, diurétiques
ATCD d’AVC Diurétique thiazidique ou apparenté, IEC (ARA2 si intolérance), antagoniste calcique

XVII. Particularités chez le patient âgé de plus de 80 ans (SFHTA/HAS 2016) (A)

Fixer un objectif de pression artérielle systolique < 150 mmHg, sans hypotension orthostatique.

Ne pas dépasser la prescription de plus de trois antihypertenseurs.

Évaluer les fonctions cognitives (au moyen du test MMSE) qui peuvent impacter, en outre, l’adhésion thérapeutique.

XVIII. Prise en charge d’une urgence hypertensive (B)

En l’absence de souffrance viscérale :

repos, surveillance, majoration traitement PO.

En cas de signes neurologiques focaux :

une imagerie cérébrale par TDM ou IRM doit être obtenue en urgence :

si l’imagerie documente un AVC hémorragique : faire baisser la PA,

si l’imagerie documente un AVC ischémique : baisser la PA si > 220/120 (15-25 % en 24 h), ou si PA > 185/110 et une thrombolyse est envisagée.

Certaines souffrances viscérales imposent un transfert en unité spécialisée :

dissection aortique : chirurgie cardiovasculaire ;

syndrome coronarien aigu : USIC ;

éclampsie : maternité de niveau 3.

HTA maligne :

en cas d’œdème aigu pulmonaire : furosémide et nitrés IV ;

en cas d’insuffisance rénale aiguë, et/ou encéphalopathie modérée, et/ou FO stade III/IV : réhydratation salée isotonique et antihypertenseur IV avec comme objectif une baisse de la PA de 25 % les 1res heures.

XIX. Plan de soin à long terme et modalités de suivi (SFHTA/HAS 2016) (B)

A. En cas d’HTA non contrôlée à 6 mois

1. Vérifier la prescription d’une trithérapie antihypertensive à posologie optimale : bloqueur du système rénine-angiotensine + diurétique thiazidique ou apparenté thiazidique + antagoniste calcique.

2. Dépister les facteurs de résistance :

mauvaise observance des traitements : mettre en place des stratégies adaptées à chacun permettant d’évaluer et d’améliorer l’observance (simplification du schéma thérapeutique, arrêt des traitements mal tolérés, usage de piluliers, favoriser l’usage de l’automesure tensionnelle, l’éducation thérapeutique) ;

cause iatrogène (stéroïdes, anti-inflammatoires, contraceptifs oraux, etc.) ;

consommation d’alcool excessive ;

syndrome d’apnées obstructives du sommeil ;

de sel excessive, des doses de diurétiques inadaptées ;

doses inadéquates d’anti-hypertenseurs ou combinaison non synergiques ;

erreur de mesure de la PA, par exemple brassard non adapté à la taille du bras du patient (pseudo-résistance).

3. Favoriser la pratique de l’automesure tensionnelle (systématique en cas de PA non contrôlée à 6 mois) :

réaliser 3 mesures en position assise, le matin au petit-déjeuner, le soir avant le coucher, 3 jours de suite, les mesures étant espacées de quelques minutes ;

réaliser une série d’automesures à présenter au médecin lors de la consultation ;

le bon usage de l’automesure favorise l’alliance thérapeutique.

4. Après vérification de tous ces éléments, demander un avis auprès d’un spécialiste de l’HTA afin de rechercher une HTA secondaire et/ou de proposer d’autres associations de médicaments antihypertenseurs.

B. En cas d’HTA contrôlée

Prévoir une visite auprès du médecin traitant tous les 3 à 6 mois :

évaluant le niveau tensionnel (favoriser l’automesure tensionnelle), les symptômes, et recherchant une complication cardiovasculaire ;

rappelant les buts du traitement ;

fixant les objectifs personnalisés et atteignables à moyen terme ;

encourageant le suivi des traitements (renforcement positif) et évaluant leur tolérance ;

assurant le dépistage et le suivi médical des comorbidités, notamment chez les diabétiques et les insuffisants rénaux ;

comportant un contrôle biologique annuel, avec ionogramme sanguin, créatininémie et débit de filtration glomérulaire estimé, ou plus fréquemment en cas de comorbidités, en particulier d’insuffisance rénale ou d’événement la favorisant (en particulier déshydratation).

XX. Principes de prise en charge d’une HTA secondaire (B)


A. HTA rénovasculaire

Une sténose de l’artère rénale, de nature athéromateuse ou plus rarement sur dysplasie fibromusculaire, est une cause fréquente d’HTA secondaire.

Elle doit être suspectée dans les situations décrites dans le tableau 4.

Les examens utiles au diagnostic de sténose de l’artère rénale et leur éventuel traitement (angioplastie +/– stent, chirurgie) sont détaillés dans l’item dédié (Néphropathies vasculaires).

La mise en évidence d’une sténose d’artère rénale chez un patient hypertendu n’implique pas forcément un lien de causalité et requiert un avis spécialisé.

B. Hyperaldostéronisme primaire

Il est lié à une hyperproduction d’aldostérone à partir de la zone glomérulée de la corticosurrénale. Dans 1/3 des cas, on retrouve au scanner un adénome surrénalien, dans 1/3 des cas une hyperplasie uni ou bilatérale des surrénales et dans 1/3 des cas, le scanner est normal.

Il doit être suspecté dans les situations décrites dans le tableau 4.

Il est nécessaire de doser la kaliémie chez tout hypertendu avant l’institution du traitement. On insiste sur la fréquence des formes normokaliémiques (50 %) ou dont l’hypokaliémie est démasquée par un traitement diurétique.

Les manifestations cliniques sont pauvres et peu spécifiques : asthénie, crampes musculaires, tétanie, polyurie, plutôt évocatrices d’une hypokaliémie sévère et prolongée.

Le diagnostic d’hyperaldostéronisme primaire est biologique et repose en premier lieu sur l’élévation du rapport aldostérone / rénine plasmatique, associé à une aldostérone plasmatique augmentée. Ces dosages doivent être réalisés en conditions standardisées : le matin, plus de 2 h après le lever, en position assise depuis 5 à 15 minutes, en régime normosodé, en normo-kaliémie et sous traitement anti-hypertenseur n’interférant pas avec le système rénine angiotensine aldostérone (sont privilégiés les alpha bloquants et les inhibiteurs calciques, idéalement non dihydropyridiniques). Chez les patients dont les résultats sont équivoques un test dynamique de confirmation est nécessaire (mesure de la freination de l’aldostérone après charge sodée intraveineuse) (Consensus SFE/SFHTA 2016).

S’il existe un hyperaldostéronisme primaire mis en évidence, alors l’imagerie surrénalienne est justifiée : la recherche d’un adénome repose sur l’imagerie par scanner ou IRM. Il existe des faux négatifs, tous les adénomes n’étant pas hypodenses. Un tableau biologique typique associé à une image typique d’adénome latéralisé chez un sujet jeune (< 35 ans) doit faire proposer une surrénalectomie unilatérale. En cas d’imagerie atypique chez un sujet de moins de 35 ans ou d’une image surrénalienne unilatérale suggestive d’un adénome chez un patient de plus de 35 ans chez qui la chirurgie est possible (pas de contre-indication) et envisagée un cathétérisme veineux sélectif des veines surrénales pour rechercher une asymétrie sécrétoire (rapport aldostérone/cortisol dans les veines surrénales) est souvent nécessaire avant chirurgie. L’adénome, lésion unilatérale, bénéficie habituellement d’une exérèse chirurgicale, surrénalectomie par laparoscopie. Les autres cas sont traités médicalement, en première intention par un antagoniste du récepteur de l’aldostérone (spironolactone, parfois à forte dose). Un diurétique épargneur potassique (amiloride) ou un antagoniste plus sélectif de l’aldostérone (éplérénone) peuvent être utilisés.

C. Syndrome de Cushing

Le diagnostic est habituellement évident devant la présence d’autres signes cliniques évocateurs d’excès en cortisol. Il est plus difficile dans les hypercortisolismes frustes et repose sur le test de freination à la dexaméthasone et le dosage du cortisol libre urinaire des 24 heures.

La prise en charge requiert un avis spécialisé.

D. Phéochromocytome

Le phéochromocytome est une tumeur très rare (bénigne ou maligne) qui se développe

dans la médullo-surrénale et libère des concentrations élevées d’adrénaline ou de noradrénaline.

L’HTA typiquement évolue par paroxysmes, accompagnée de signes suggestifs d’orage adrénergique : sueurs abondantes, céphalées pulsatiles, tachycardie constituent une triade symptomatique hautement spécifique. Parfois s’y ajoutent des signes moins spécifiques : bouffées de chaleur, flush ou au contraire pâleur subite du visage, hypotension orthostatique ou encore sensation de striction thoracique. Une hyperglycémie, une hémoconcentration sont possibles.

Le diagnostic repose sur le dosage des métanéphrines (provenant du métabolisme des catécholamines) plasmatiques ou urinaires des 24 heures. Les métanéphrines qui ont des demi-vies plus longues sont plus spécifiques que les catécholamines ou l’acide vanyl-mandilique urinaires (VMA). L’absence d’élévation des métanéphrines urinaires au décours d’une poussée tensionnelle permet d’exclure le diagnostic (Valeur prédictive négative 99 %).

La prise en charge requiert un avis spécialisé rapide.

La tumeur surrénalienne est localisée par l’imagerie scanner ou IRM ou parfois la scintigraphie au MIBG (méthyl-iodo-benzyl-guanidine) se fixant électivement sur le tissu médullo-surrénalien.

Le phéochromocytome peut parfois être en position ectopique, extrasurrénalienne (para-gangliome) (intérêt de la scintigraphie au MIBG) et/ou s’associer à d’autres tumeurs par exemple thyroïdienne ou parathyroïdienne dans le cadre d’un syndrome de néoplasie endocrinienne multiple (NEM) ou rénales et rétiniennes au cours d’une maladie de Von-Hippel-Lindau.

Le traitement est chirurgical mais les phéochromocytomes, en particulier malins, peuvent récidiver.

XX. HTA de l’enfant (collège de pédiatrie) (A)


A. Définitions de l’HTA de l’enfant

La pression artérielle augmente normalement avec l’âge. Des abaques en ligne (notamment celles du Baylor College of Medicine) permettent de calculer rapidement le percentile de la pression artérielle systolique et diastolique en fonction du sexe, de l’âge et de la taille. La pression artérielle normale est inférieure au 90e percentile.

L’hypertension artérielle (HTA) chez l’enfant est définie par une mesure de pression artérielle (PA) supérieure au 95e percentile (p), pour le sexe, l’âge et la taille de l’enfant (pour connaître les normes : https://maladiesrares-necker.aphp.fr/calculatrice-ta-pediatrique/)

Tableau 7. Repères tensionnels simplifiés pour la détection d’une éventuelle HTA en fonction de l’âge (ordre d’idée pour information)

Âge (années) Pression artérielle (mm Hg)
Garçons Filles .
PAS PAD PAS PAD
1 98 52 98 54
5 103 63 104 54
10 108 72 109 72
≥13 120 80 120 80

B. Mesure de la PA chez l’enfant (A)

La PA doit être mesurée annuellement chez tout enfant à partir de l’âge de 3 ans et à chaque consultation chez les enfants à risque (maladie rénale chronique, antécédent de coarctation de l’aorte, diabète, obésité, prise de traitement augmentant la PA) ou en cas de signes d’appel cliniques tels que des céphalées, épistaxis, myodésopsies, acouphènes, syndrome polyuro-polydipsique, cassure staturo-pondérale…

Le brassard doit être adapté au bras de l’enfant. Les appareils d’auto mesure peuvent être utilisés s’ils sont adaptés à la taille du poignet, ou du bras de l’enfant et calibrés régulièrement. La MAPA peut être utile pour évaluer la PA sur 24 heures.

C. Épidémiologie et causes de l’HTA chez l’enfant (B)

La prévalence de l’HTA chez l’enfant est estimée à 3,5 %. Contrairement à la population adulte, en pédiatrie, l’HTA est en règle secondaire et ce d’autant plus que l’enfant est jeune et l’HTA élevée (> 80 % de causes identifiées) et doit conduire à la réalisation d’un bilan étiologique extensif.

Les étiologies principales sont :

rénales (80 %) : anomalies parenchymateuses (glomérulopathies, polykystoses, toute maladie rénale chronique) et plus rarement réno-vasculaires (sténose de l’artère rénale…) ;

endocriniennes et tumorales : obésité ++, hyperthyroïdie, neuroblastome, phéochromocytome… ;

toxique  : corticoïdes +++.

Il y a lieu de demander chez tous les enfants et adolescents quelles que soient les données de l’examen clinique un ionogramme sanguin (kaliémie), une créatininémie, une analyse du sédiment urinaire sur 1res urines du matin (hématurie), un rapport protéinurie/créatininurie.

L’échocardiographie est systématique notamment pour rechercher une HVG et dépister une coarctation isthmique de l’aorte  ; l’écho-Doppler des artères rénales est en pratique assez systématiquement demandé car non invasif et non irradiant

Une fois ces premiers examens demandés, la poursuite des explorations requiert l’avis du pédiatre.