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Manuel de Néphrologie 10° édition
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Chapitre 11 Néphropathies diabétiques Item 247

N° 247. Diabète sucré de type 1 et 2 de l’enfant et de l’adulte

Traité dans ce chapitre : Complications rénales

Chapitre 11 Néphropathies diabétiques Item 247
Rang Rubrique Intitulé Descriptif
A Suivi et/ou pronostic Connaître les facteurs de risque de survenue des atteintes micro-angiopathiques
B Diagnostic positif Connaître les différents stades de la néphropathie diabétique
B Prise en charge Connaître les principes du traitement néphroprotecteur chez le diabétique

I. Épidémiologie

La néphropathie diabétique (ND) est la première cause d’insuffisance rénale terminale dans les pays occidentaux : 25 à 50 % des patients arrivant en insuffisance rénale terminale.

Plus de 90 % des diabétiques ont un diabète de type 2. Environ 30 % des diabétiques vont développer une ND évoluant vers l’insuffisance rénale.

L’incidence de l’insuffisance rénale terminale liée au diabète augmente en raison de l’augmentation de l’incidence du diabète et de l’allongement de la survie des patients diabétiques dû à l’amélioration de la prise en charge cardiovasculaire.

II. Histoire naturelle et stades de néphropathies diabétiques (B)

L’atteinte rénale du diabète de type 1 et de type 2 a beaucoup d’aspects communs mais diffère par quelques points.

A. Diabète de type 1

Stade initial  :

dès le début du diabète, il existe dans environ 25 % des cas une augmentation du débit de filtration glomérulaire (appelée «  hyperfiltration glomérulaire  ») avec augmentation parallèle de la taille des reins. Cette hyperfiltration glomérulaire dépend en grande partie du degré du contrôle glycémique.

Stade intermédiaire  :

après une dizaine d’années, 25 % des patients ont une augmentation de l’excrétion urinaire d’albumine supérieure ou égale à 30 mg/24 heures soit un ratio Albuminurie/Créatininurie ≥ 30 mg/g ([A/C] ≥ 30 mg/g) (autrefois appelée «  microalbuminurie  », et maintenant albuminurie A2, voir encadré 1 et chap 8) ;

en l’absence de traitement efficace, l’albuminurie s’aggrave progressivement jusqu’à une protéinurie détectable à la bandelette réactive urinaire (albumine > 300 mg/j ou > 300 mg/g créatininurie) et une hypertension artérielle (HTA) s’installe ;

le délai entre l’apparition de la microalbuminurie et celle de la protéinurie peut être compris entre 2 et 5 ans ;

l’intensification des traitements antidiabétique, antagoniste du cotransporteur iSGLT2 et anti-hypertenseur par inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA2) permet de prolonger significativement cet intervalle et retarde l’apparition des phases ultérieures de l’atteinte rénale.

Stade avancé

au stade de la protéinurie et de l’HTA, la filtration glomérulaire diminue ra­pi­dement en l’absence de traitement ;

une insuffisance rénale terminale peut dans ces conditions s’installer en moins de 5 ans.

Les différents stades évolutifs sont résumés dans le tableau 1.

Tableau 1. Les différents stades évolutifs de la néphropathie diabétique (ND)

1 Au diagnostic Hyperfiltration glomérulaire chez 25 % des patients
2 2-5 ans Silencieux,albuminurie A2 intermittente
3 5-10 ans Néphropathie débutante
albuminurie A2 (30 à 300 mg/24 h ou RAC 30-300 mg/g)
Pression artérielle normale-haute
4 10-20 ans Néphropathie avérée
albuminurie A3 (> 300 mg/24 h ou RAC > 300 mg/g)
HTA chez 75 % des patients
Syndrome néphrotique (SN) dans 10 % des cas
Progression de l’insuffisance rénale
5 > 20 ans Insuffisance rénale terminale
Nécessité de dialyse et/ou transplantation rénale (± pancréatique ou d’îlot pancréatique)

B. Diabète de type 2

L’ancienneté du diabète de type 2 n’est souvent pas connue ; au moment du diagnostic, la grande majorité des patients ont une HTA et une albuminurie A2, voire une albuminurie A3 et une insuffisance rénale (figure 1).

L’albuminurie A2 du diabétique de type 2 est un puissant marqueur de risque cardiovasculaire ; elle traduit aussi un risque de développer une néphropathie progressive.

La progression des complications rénales dans le diabète de type 2 suit globalement la même course évolutive qu’au cours du diabète de type 1. Cependant, les lésions vasculaires rénales sont plus marquées, donnant un tableau mixte associant néphropathie vasculaire et néphropathie diabétique (néphropathie mixte).

Figure 1. Évolution naturelle de la néphropathie du diabète de type 2 dans le contexte d’un risque cardiovasculaire élevé

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Encadré 1
Dépistage et surveillance de l’atteinte rénale d’un patient diabétique

Albuminurie A2 (microalbuminurie)

 Il existe physiologiquement une très faible excrétion urinaire d’albumine détectable uniquement par radio-immunoassay ou immunonéphélométrie. Son augmentation supérieure à 30 mg/24 h ([A/C] ≥ 30 mg/g) est appelée albuminurie A2 ou «  microalbuminurie  » et précède le développement ultérieur d’une albuminurie A3 > 300 mg/jour ([A/C] ≥ 300 mg/g) détectable par des bandelettes réactives.

 Dans le diabète de type 1, l’albuminurie A2 prédit la progression vers la néphropathie diabétique. Dans le diabète de type 2 l’albuminurie A2 représente le plus important facteur prédictif de mortalité cardiovasculaire.

 Le dépistage de l’albuminurie A2 s’effectue par la mesure du rapport albumine/créatinine (A/C) sur un échantillon des urines du matin. Un rapport [A/C] ≥ 30 mg/g (ou 3 mg/mmol) correspond à une albuminurie A2 (> 30 mg/j).

Dans le reste de ce chapitre nous utiliserons essentiellement le rapport [A/C] en mg/g.

Surveillance initiale puis annuelle

 Mesure de la pression artérielle.

 Dosage de la créatinine plasmatique et estimation du DFG selon la formule de MDRD ou CKD-EPI (chapitre 13/item 258).

 Recherche-quantification d’une albuminurie : chez tous les diabétiques de type 1 à partir de la 5e année de diabète puis 1 fois par an, et chez tous les diabétiques de type 2 au moment du diagnostic de diabète puis ensuite 1 fois par an (recommandations HAS)
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.

III. Diagnostic de la néphropathie diabétique (B)

Ce diagnostic repose sur :

[violet]1. Les signes néphrologiques[/violet]

Dans le diabète de type 1 : succession albuminurie A2, albuminurie A3 (syndrome néphrotique dans 10 % des cas) et HTA, puis insuffisance rénale. Absence habituelle d’hématurie. Reins de taille normale lors de l’IRC terminale.

Dans le diabète de type 2 : idem sauf que l’HTA précède la néphropathie et les signes néphrologiques peuvent être présents à la découverte du diabète. Dans 25 % des cas, l’insuffisance rénale chronique n’est pas associée à une albuminurie.

[violet]2. La durée d’évolution du diabète[/violet]

Dans le diabète de type 1 : 5 ans après le diagnostic du diabète (en moyenne 10-15 ans).

Dans le diabète de type 2 : possible au diagnostic du diabète (car évolution le plus souvent silencieuse des troubles de la glycorégulation plusieurs années avant le diagnostic).

[violet]3. Les signes associés[/violet]

Mauvais contrôle glycémique sur une longue période.

La rétinopathie diabétique, constante dans le diabète de type 1, est présente dans 75 % des cas dans le diabète de type 2 en cas de néphropathie diabétique.

Les complications cardiovasculaires touchant les artères de gros calibre («  macro-angiopathie  ») sont fréquentes dans les deux types de diabète, mais sont plus précoces dans le type 2.

En cas de protéinurie sans rétinopathie, chercher une autre cause d’atteinte rénale.

Les autres complications du diabète doivent être recherchées : neuropathies, gastroparésie

[violet]4. La biopsie rénale[/violet]

Le diagnostic de néphropathie diabétique est habituellement clinique. Une biopsie rénale peut être proposée lorsque le diagnostic de glomérulopathie diabétique isolée est peu plausible ou s’il existe des arguments pour une maladie rénale surajoutée nécessitant un traitement spécifique : diabète récent (moins de 5 ans), hématurie, protéinurie ou insuffisance rénale rapidement progressives, absence de rétinopathie, présence de signes extrarénaux non liés au diabète, gammapathie monoclonale…

IV. Histologie (B)


A. Diabète de type 1

L’atteinte rénale du diabète de type 1 est presque toujours une glomérulosclérose diabétique.

Description de la glomérulosclérose diabétique (figure 2) :

Stade 1 : épaississement des membranes basales glomérulaires visible en ME.

Stade 2  : expansion mésangiale.

Stade 3  : poursuite de l’expansion mésangiale et constitution de nodules extracellulaire dits de Kimmelstiel-Wilson dans au moins un glomérule.

Stade 4  : glomérulosclérose globale (> 50 % glomérules).

Figure 2.
A. Glomérule normal
B. Expansion mésangiale sans nodule (stade II)
C. Sclérose nodulaire (nodule de Kimmelstiel – Wilson ) dans au moins un glomérule (stade III)
D. Glomérulosclérose globale (> 50 % glomérules) (stade IV)

B. Cas du diabète de type 2

L’atteinte rénale du diabète de type 2 est beaucoup plus hétérogène :

1/3 seulement des patients développent isolément des lésions caractéristiques de glomérulosclérose diabétique ;

1/3 des patients ont des lésions vasculaires prédominantes de type endartérite fibreuse (néphroangiosclérose) ;

1/3 n’a pas d’atteinte diabétique mais une néphropathie d’autre nature ou surajoutée aux lésions du diabète justifiant la réalisation d’une biopsie rénale.

VI. Prise en charge de la néphropathie diabétique (B)

A. Prévention de la néphropathie diabétique

La prévention primaire et secondaire de la néphropathie diabétique consiste en :

Un contrôle glycémique optimal par des injections multiples d’insuline ou par pompe, qui diminue le risque de néphropathie chez des patients diabétiques de type 1. L’intérêt d’un contrôle rigoureux de la glycémie est probable dans le diabète de type 2. La cible de 6,5 % est réservée aux patients dont le diabète est nouvellement diagnostiqué et sans complications.

Les cibles d’HbA1c sont adaptées au profil du patient :

 cibles < 7 % si MRC ;

 cibles < 7,5 % si MRC avec comorbidités cardiovasculaires ou risque hypoglycémique ;

 cibles 7,5 à 8,5 % si patients MRC âgés polypathologiques (HAS 2021).

Le traitement anti-hypertenseur qui prévient la néphropathie diabétique ou ralentit sa progression.

L’arrêt du tabac, souvent négligé, diminuerait de 30 % le risque de survenue et d’aggravation de l’albuminurie dans les 2 formes de diabète.

B. Néphropathie diabétique débutante et avérée

Chez les diabétiques de type 1 ou 2 les IEC sont indiqués dès que l’albuminurie est ≥ 30 mg/g de créatininurie (A2 et A3) y compris chez les sujets normotendus, car ils ont fait la preuve de leur efficacité pour ralentir la progression de la néphropathie diabétique (figure 3). Les ARA2 sont indiqués en cas d’intolérance aux IEC. Le double blocage par IEC et ARA2 n’est pas recommandé en première intention.

Des précautions doivent être prises au cours de la prescription d’IEC ou d’ARA2 :

surveillance biologique régulière et rapprochée de la kaliémie et de la créatininémie ;

un avis néphrologique est souhaitable en cas d’anomalie de l’un de ces paramètres.

La cible tensionnelle optimale fait l’objet de recommandations internationales et nationales qui ne sont pas toujours concordantes (variant de 140/90 à 120/80 mmHg). Actuellement la cible encore recommandée en France chez le diabétique avec signes de néphropathie (dès que le rapport [A/C] ≥ 30 mg/g de créatininurie (KDIGO 2021)) reste ≤ 130/80 mmHg (alors que par exemple les recommandations internationales KDIGO 2021 proposent comme cible une PA Systolique < 120 mmHg si la mesure de PA est standardisée (cf chap 19) mais avec un niveau de preuve considéré comme faible) :

avec un IEC ou un ARA2 et avec pour objectifs une réduction de l’albuminurie en dessous de 30 mg/g de créatininurie soit une réduction de la protéinurie au moins au-dessous de 0,5 g/24 h chez les patients «  macro-protéinuriques  » (protéinurie > 0,5 g/j) (réf. : HAS • Guide du parcours de soins – Maladie rénale chronique de l’adulte (MRC) • juillet 2021).

L’obtention d’un tel niveau tensionnel nécessite des associations comportant 2, 3 voire 4 anti-hypertenseurs. Un diurétique doit être associé préférentiellement à l’IEC/ARA2 car il potentialise l’effet anti-hypertenseur et anti-protéinurique. Une restriction sodée (5-6 g/j) est souhaitable pour tirer un bénéfice du traitement anti-hypertenseur.

Les inhibiteurs de SGLT2 sont maintenant recommandés dans le diabète de type 2 en première intention en association avec la Metformine en cas de MRC associée au diabète. Les gliflozines sont des inhibiteurs du cotransporteur Na-glucose (SGLT2) présent dans le tube contourné proximal (figure 4). Par leurs effets glycosuriques et sur le métabolisme cellulaire, les gliflozines améliorent le contrôle glycémique chez les diabétiques de type 2 et confèrent une protection cardiovasculaire et un effet néphroprotecteur chez les patients diabétiques. L’effet néphroprotecteur et anti-protéinurique est additif avec celui des bloqueurs du SRAA. Leur prescription est actuellement limitée aux patients dont le DFG > 20 mL/mn/1,73 m2 (KDIGO 2022).

Un excès de protéines alimentaires a un effet délétère sur la protéinurie et l’évolution de la fonction rénale. Chez le dibétique avec néphropathie, un apport d’environ 0,6-0,8 g protéines/kg par jour est recommandé lorsque le DFGe < 60 mL/min/m2. Un apport calorique suffisant (25 à 35 kcal/kg/jour) et prise en charge diététique régulière doivent être mis en place pour éviter le risque de dénutrition.

L’ensemble des autres facteurs de risque vasculaire doit être pris en charge. Le recours aux agents hypolipémiants (statines) et de l’aspirine (75 mg/j) (chez les sujets à faible risque hémorragique) est justifié en raison de l’incidence élevée des complications cardiovasculaires dans ce groupe de patients. L’arrêt du tabagisme est impératif.

L’utilisation des antidiabétiques oraux en cas de néphropathie diabétique est précisée dans la figure 5 (Société Francophone de Diabétologie 2021).
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L’intervention du néphrologue est nécessaire :

 en cas de doute diagnostique,

 en cas d’albuminurie (> 300 mg/j ou 300 mg/g de créatininurie) malgré le traitement symptomatique,

 en cas d’HTA non contrôlée (recherche de sténose de l’artère rénale et indication spécialisée de désobstruction),

 En cas de déclin rapide du DFGe (> 5 mL/min/an),

 ou en cas de DFGe (CKD-EPI) inférieur à 45 mL/min.

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Figure 3. Évolution du DFG au cours de la néphropathie diabétique et effet des interventions thérapeutiques selon les stades

Figure 4. Métabolisme rénal du glucose chez le diabétique
et effet d’un iSGLT2

Figure 5. Utilisation des principaux antidiabétiques oraux
en fonction du DFG (selon SFD 2021)

 des facteurs de RCV : agents hypolipémiants (statine), aspirine, arrêt du tabagisme…