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Manuel de Néphrologie 10° édition
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Chapitre 7 Hématurie Item 260

N° 260. Hématurie

chapitre 7 Hématurie Item 260

Chapitre rédigé à partir de la fiche LISA commune aux collèges de Néphrologie et d’Urologie

Rang Rubrique Intitulé Descriptif
A Définition Connaître la définition d’une hématurie
B Éléments physiopathologiques Connaître les principaux mécanismes des hématuries
A Diagnostic positif Diagnostiquer une hématurie microscopique et une hématurie macroscopique
B Diagnostic positif Connaître la valeur localisatrice
d’une hématurie macroscopique
B Examens complémentaires Connaître les principaux examens complémentaires à prescrire devant une hématurie
B Contenu multimédia Exemples typiques de causes fréquentes
d’hématurie en imagerie
A Contenu multimédia Photographies d’un exemple typique
d’hématurie macroscopique
A Contenu multimédia Photographies d’une bandelette urinaire
A Étiologies Principales étiologies des hématuries néphrologiques chez l’adulte et l’enfant
A Étiologies Principales étiologies des hématuries urologiques chez l’adulte et l’enfant
A Diagnostic positif Arbre diagnostique des hématuries
A Identifier une urgence Savoir identifier une hématurie macroscopique caillotante et ses signes de gravité
B Prise en charge Connaître les éléments de prise en charge d’une hématurie caillotante

I. Définition (A)

L’hématurie est définie par la présence anormale d’hématies dans les urines visible ou non à l’œil nu.

Non visible, elle est dite «  microscopique  » et doit être recherchée sur les urines du matin, fraîchement émises après toilette génitale.

Visible, elle est à distinguer :

de l’urétrorragie (saignement urétral en dehors de la miction) ;

de la contamination par du sang d’origine génitale (méno-métrorragie ou hémospermie) ;

et de la coloration rouge des urines (médicaments (rifampicine, métronidazole) ; pigments (hémoglobinurie, myoglobinurie, porphyrie) ; aliments (betteraves…).

La bandelette urinaire permet de détecter l’hématurie microscopique mais en raison de la fréquence des faux positifs, l’hématurie doit être confirmée par un examen cytologique quantitatif (ECBU) des urines avec pour seuil de définition : ≥ 10 hématies/mm3 ou ≥ 10 000 hématies/mL.

II. Mécanismes des hématuries (B)

L‘hématurie correspond à des causes «  urologiques  » ou «  néphrologiques  », témoignant de l’atteinte du parenchyme rénal ou de l’urothélium.

Les hématuries «  urologiques  » correspondent à une lésion anatomique du parenchyme rénal ou de l’urothélium mettant en communication des vaisseaux sanguins et la lumière de la voie excrétrice urinaire (du fond d’un calice jusqu’à l’urètre).

Les hématuries «  néphrologiques  » sont dues à un passage d’hématies à travers la membrane basale glomérulaire altérée par des lésions d’origine congénitale (défaut structurel de la membrane basale) ou acquise (correspondant à des lésions de prolifération glomérulaire extra ou endocapillaire ou à des dépôts mésangiaux ou extra-membraneux). Elles se caractérisent par l’absence de caillots de sang en raison de la présence d’urokinase fibrinolytique. Peuvent être observés : des cylindres hématiques («  moulage  » d’hématies intra-tubulaire, signant l’origine glomérulaire), des hématies déformées (acanthocytes «  en épine  »). Une protéinurie glomérulaire associée renforce l’hypothèse de l’origine glomérulaire de l’hématurie

III. Diagnostic d’une hématurie (A)

L’hématurie macroscopique est définie par une coloration des urines rosée, rouge ou brunâtre visible à l’œil nu (Figure 1). Elle correspond à au moins 500 hématies/mm3.

La bandelette urinaire (BU) détecte une activité peroxydasique catalysée par les hémoprotéines à un seuil de 5 hématies/mm3. La sensibilité est excellente (90 %) avec essentiellement quelques situations de faux-positifs :

en cas d’urines rouges ne comportant pas d’hématies (mais des hémoprotéines, donc BU positive) : hémoglobinurie (hémolyse), myoglobinurie (rhabdomyolyse), porphyrie ;

l’examen cytologique quantitatif des urines permet dans ces cas d’éliminer ces fausses hématuries macroscopiques avec BU positive ;

une coloration rouge des urines mais avec BU négative peut aussi s’observer en cas d’une

prise médicamenteuse (métronidazole, rifampicine), ou d’une consommation d’aliments (betteraves, mûres, choux rouges…).

L’hématurie microscopique n’est pas visible à l’œil nu. Elle est dépistée par la bandelette urinaire (Figure 2). Elle est définie à l’examen cytologique des urines par la présence de plus de 10 hématies/mm3 (ou de plus de 10 000 hématies/ml). Cet examen permet aussi de mettre en évidence la présence de cylindres hématiques ou d’hématies déformées (acanthocytes), qui oriente alors vers une hématurie d’origine glomérulaire.

Le dépistage d’une hématurie microscopique par une bandelette urinaire est effectué :

de façon systématique (médecine du travail, médecine préventive) ;

au cours de l’enquête étiologique d’une hypertension artérielle, d’une protéinurie, d’œdèmes des membres inférieurs, d’une insuffisance rénale ;

chez un patient ayant des antécédents de néphropathie familiale, une maladie systémique, un tabagisme actif ou ancien…

Figure 1. Hématurie macroscopique

Figure 2. Bandelette urinaire

Qu’elle soit macroscopique ou microscopique, son origine est soit urologique, soit néphrologique (parenchymateuse). Il s’agit d’une distinction un peu arbitraire faisant référence au circuit de prise en charge d’un patient hématurique en fonction de son mode de présentation, des signes associés et des facteurs de risque de certaines pathologies notamment néoplasiques ou glomérulaires.

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À noter :
Il n’existe pas de corrélation entre le degré de l’hématurie et la gravité de la maladie causale.

L’hématurie microscopique à la même valeur diagnostique que l’hématurie macroscopique.

L’hématurie microscopique isolée associée à des conditions orientant vers une origine urologique doit déclencher les mêmes investigations qu’une hématurie macroscopique.

L’hématurie d’effort reste un diagnostic d’élimination. La prise d’anticoagulants peut favoriser une hématurie mais doit toujours faire rechercher une étiologie sous-jacente.
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IV. Valeur localisatrice d’une hématurie macroscopique (B)

Une hématurie macroscopique d’origine néphrologique est totale, sans douleur, sans caillots, sans brûlures mictionnelles. À distance de l’épisode macroscopique, l’origine néphrologique (souvent glomérulaire) est confirmée par la présence d’une hématurie microscopique à la bandelette urinaire souvent associée à une protéinurie.

Une hématurie macroscopique d’origine urologique peut être isolée ou accompagnée de douleurs, de caillots et/ou de brûlures mictionnelles :

elle est soit initiale (uréthro-cervico-prostatique) ;

soit terminale (vésicale) ;

soit totale (totalité de l’arbre urinaire, mais dans ce cas a moins de valeur localisatrice, surtout si elle est abondante).

V. Examens complémentaires devant une hématurie (B)

L’ECBU doit être le premier examen réalisé car il permet de confirmer l’hématurie, de la quantifier et d’éliminer une infection urinaire.

Le bilan minimal étiologique et du retentissement implique en outre une Numération-Formule-Sanguine (NFS), un bilan d’hémostase (TP, TCA, fibrinogène), et l’évaluation de la fonction rénale (créatininémie et estimation du DFG).

En cas d’orientation vers une origine urologique, on recherchera en premier lieu une tumeur de l’épithélium urinaire :

cytologie des urines : recherche des cellules tumorales de haut grade (bonne sensibilité) ;

imagerie de 1re intention :

échographie des voies urinaires (reins, vessie, prostate),

uro-scanner : examen de référence systématique avec un temps sans injection (recherche de calculs dans l’arbre urinaire), un temps artériel (prise de contraste d’une tumeur rénale, vésicale ou de la voie excrétrice supérieure, ou anomalie vasculaire) et un temps excréteur tardif qui permet de visualiser une lacune sur l’arbre urinaire,

ou uro-IRM en cas de contre-indication à l’iode ;

2e intention : exploration endoscopique :

fibroscopie urétro-vésicale (ou urétro-cystoscopie souple) : réalisée par un urologue en consultation sous anesthésie locale.

 Indications : imagerie sans étiologie évidente, cytologie urinaire positive ou si facteur de risque de tumeur urothéliale (âge, exposition tabagique ou professionnelle),

urétrocystoscopie vésicale avec biopsies (au bloc sous anesthésie générale à visée diagnostique et thérapeutique),

l’urétéroscopie rigide ou souple explore l’uretère et les cavités rénales, sous anesthésie générale au bloc opératoire. Indiquée si suspicion de tumeur des voies excrétrices urinaires supérieures ;

hématurie traumatique : peut nécessiter, après le scanner, la réalisation d’une artériographie diagnostique et/ou thérapeutique en cas de saignement actif (artério-embolisation).

En l’absence d’étiologie retrouvée et en cas de persistance des symptômes, ce bilan doit être réitéré (surtout si patient de plus de 40 ans et fumeur).

En cas d’orientation vers une origine néphrologique (parenchymateuse) no­tamment en cas d’antécédent personnels ou familiaux évocateurs, de la présence d’une hypertension artérielle, d’œdèmes des membres inférieurs :

cytologie quantitative des urines ; recherche de cylindres hématiques ou d’hématies déformées, témoin de l’origine glomérulaire de l’hématurie ;

protéinurie des 24 h ou rapport protéinurie sur créatinine urinaire idéalement en dehors des épisodes d’hématurie macroscopique. Sa présence à une concentration significative (> 1 g/g, avec > 70 % d’albumine) fait suspecter une étiologie glomérulaire ;

indication d’une biopsie rénale écho-guidée, si étiologie glomérulaire suspectée (hématurie microscopique associée à protéinurie) ou en cas d’hématurie macroscopique récidivante isolée sans cause urologique retrouvée (néphropathie à IgA par exemple).

VI. Étiologie des hématuries chez l’adulte et chez l’enfant (A)

Qu’elle soit microscopique ou macroscopique, une hématurie peut être de cause bénigne ou maligne.

Le raisonnement diagnostique et étiologique d’une hématurie nécessite un interrogatoire et un examen clinique approfondis et des examens complémentaires adaptés selon le contexte clinique.

L’arbre diagnostique est indiqué dans la Figure 3.

Figure 3. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une hématurie

A. Hématurie d’origine néphrologique

L’origine néphrologique est suspectée notamment en cas d’antécédent personnels ou familiaux évocateurs, de la présence de l’un des signes clinico-biologiques suivants : hypertension artérielle, œdèmes des membres inférieurs, une protéinurie et insuffisance rénale

[violet]1. Microscopique[/violet]

Associée à une protéinurie, le diagnostic le plus probable est celui de néphropathie glomérulaire dont les étiologies sont multiples (Tableau 1).

Certaines formes de néphropathies hématuriques sont :

acquises : forme bénigne de néphropathie à dépôts d’IgA chez un sujet jeune ;

ou congénitales (affectant les membranes basales glomérulaires) : syndrome d’Alport (contexte familial, surdité, atteinte ophtalmologique).

Chez l’enfant, une hématurie microscopique persistante doit faire rechercher une cause glomérulaire :

syndrome d’Alport : hématurie microscopique ou macroscopique, surdité ;

syndrome néphritique aigu : glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse.

Tableau 1. Principales étiologies glomérulaires

Glomérulonéphrite à dépôts d’IgA primitive (maladie de Berger)
Glomérulonéphrite à dépôts d’IgA secondaire : purpura rhumatoïde, cirrhose
Glomérulonéphrite rapidement progressive (prolifération extra-capillaire)
Glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse (prolifération endocapillaire)
Glomérulonéphrite membrano-proliférative
Syndrome d’Alport

Autres causes :

néphropathies interstitielles aiguës, le plus souvent immunoallergique (médicamenteuses) ;

syndrome hémolytique et urémique.

[violet]2. Macroscopique[/violet]

Une cause urologique est à rechercher en première intention. Une hématurie macroscopique sous anticoagulant ou sous antiagrégant plaquettaire ne doit pas dispenser d’un bilan étiologique, une tumeur des voies urinaires doit systématiquement être recherchée.

Si les investigations urologiques sont négatives, les hypothèses diagnostiques sont :

néphropathie glomérulaire : néphropathie à IgA chez un sujet jeune ; hématurie macroscopique survenant 48 h après un épisode infectieux ORL ;

glomérulonéphrite rapidement progressive : contexte de signes extrarénaux (vascularite systémique) et présence d’une protéinurie associés ;

polykystose rénale (complication hémorragique intra-kystique, cf. item 266) ;

nécrose papillaire : symptomatologie de colique néphrétique, terrain = diabète, AINS, drépanocytose ;

infarctus rénal  : hématurie avec douleur lombaire brutale, qui nécessite une prise en charge en urgence s’il concerne le tronc principal de l’artère rénale ;

contexte de maladie thrombo-embolique ou vasculaire, de drépanocytose ou post-traumatique ;

thrombose d’une veine rénale : contexte de syndrome néphrotique ou période néonatale.

B. Hématurie d’origine urologique

Une hématurie «  urologique  » peut se manifester par une hématurie microscopique ou macroscopique (tableau 2).

Les causes urologiques les plus fréquentes ou graves doivent être évoquées en priorité : tumeur de l’arbre urinaire, infection et lithiase. L’origine prostatique (hypertrophie ou cancer) doit rester un diagnostic d’élimination.

Tableau 2. Étiologie des hématuries urologiques

CAUSES FRÉQUENTES CAUSES RARES
Infections urinaires (cystite hématurique)
Carcinome urothélial : vessie, voie excrétrice supérieure
Cancer du rein
Lithiase urinaire
Cancer ou adénome prostatique
Prostatite aiguë
Tumeurs bénignes du rein (angiomyolipome)
Tumeurs de la voie excrétrice supérieure
Tuberculose
Bilharziose
Malformation vasculaire
CONTEXTE PARTICULIER DIAGNOSTIC D’ÉLIMINATION
Traumatisme du rein ou des voies urinaires Exercice physique très important

Chez l’enfant :

cystites bactériennes (cf. item infection urinaire de l’enfant) ;

lithiase (toute lithiase chez l’enfant doit faire l’objet d’un bilan approfondi) ;

traumatisme rénal ou des voies urinaires ;

tumeurs rénales et des voies urinaires.

Figure 4. Quelques exemples d’imagerie de causes fréquentes d’hématurie «  urologique  »

IX. Hématurie macroscopique avec caillots (A)

L’importance de l’hémorragie peut provoquer un caillotage en cas d’étiologie urologique uniquement au niveau vésical et/ou urétral.

[violet]1. Identification et signes de gravité (A)[/violet]

Recherche d’une rétention urinaire aiguë sur caillotage.

Présence d’une douleur lombaire avec colique néphrétique (évoquant un caillotage urétéral)

Évaluation hémodynamique, identification d’un choc hémorragique.

Recherche d’une fièvre, d’une pyélonéphrite.

Histoire de la maladie et antécédents uro-néphrologiques.

Recherche d’une prise d’anticoagulant ou d’antiagrégant plaquettaire.

2. Prise en charge (B)

Si émission de caillots en grande quantité ou rétention urinaire : hospitalisation et avis spécialisé demandé :

sonde vésicale à double courant pour irrigation vésicale avec mise en place d’un lavage continu au sérum physiologique, avec surveillance des volumes d’entrées et sorties (cathéter sus-pubien contre-indiqué car risque de dissémination si tumeur urothéliale et impossibilité de réaliser un lavage urinaire) ;

parfois nécessité d’un décaillotage endoscopique au bloc opératoire.

Hydratation.

Élimination des facteurs favorisants réversibles associés (avec TP/TCA) et bilan biologique du retentissement (NFS, groupe RAI) car transfusion parfois nécessaire.

Surveillance : volume de la diurèse, coloration des urines.


Documents
Chapitre 7 Hématurie Item 260 7.3 Mio / PDF