HÉMATURIE – Article complet. PDF
Article mis en ligne le 25 décembre 2020
dernière modification le 12 avril 2021

N° 260

Hématurie

OBJECTIFS

Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents

RangRubriqueIntituléDescriptif
A Définition Connaître la définition d’une hématurie
[fond gris]B [fond gris]Éléments physiopathologiques [fond gris][fond gris]Connaître les principaux mécanismes des hématuries
A Diagnostic positif Diagnostiquer une hématurie microscopique et une hématurie macroscopique
[fond gris]B Diagnostic positif Connaître la valeur localisatriced’une hématurie macroscopique
[fond gris]B [fond gris]Examens complémentaires [fond gris]Connaître les principaux examens complémentaires à prescrire devant une hématurie
[fond gris]B [fond gris]Contenu multimédia [fond gris]Exemples typiques de causes fréquentes d’hématurie en imagerie
A Contenu multimédia Photographies d’un exemple typiqued’hématurie macroscopique
A Contenu multimédia Photographies d’une bandelette urinaire
A Étiologies Principales étiologies des hématuries néphrologiques chez l’adulte et l’enfant
A Étiologies Principales étiologies des hématuries urologiques chez l’adulte et l’enfant
A Diagnostic positif Arbre diagnostique des hématuries
A Identifier une urgence Savoir identifier une hématurie macroscopique caillotante et ses signes de gravité
[fond gris]B [fond gris]Prise en charge [fond gris]Connaître les éléments de prise en charge d’une hématurie caillotante

I. Définition

L’hématurie est définie par la présence anormale de sang dans les urines visible ou non à l’œil nu.

Non visible, elle doit être recherchée sur les urines du matin, fraichement émises après toilette génitale.

Visible, elle est à distinguer de la méno-métrorragie et de l’urétrorragie.

En raison de la fréquence des faux positifs, l’hématurie doit être confirmée par un examen cytologique quantitatif des urines.

II. [fond gris]Éléments physiopathologiques

[fond gris]Les hématuries urologiques correspondent à une lésion anatomique mettant en communication des vaisseaux sanguins et la lumière de la voie excrétrice urinaire (du fond d’un calice jusqu’à l’urètre).

[fond gris]Les hématuries néphrologiques sont dues à un passage d’hématies à travers la membrane basale glomérulaire altérée par des lésions d’origine congénitale ou acquise.

III. Diagnostic d’une hématurie

L’hématurie macroscopique est définie par une coloration des urines rosée, rouge ou brunâtre visible à l’œil nu. (Figure 1).

L’examen cytologique quantitatif des urines permet d’éliminer les fausses hématuries macroscopiques (absence de globules rouges). Une coloration rouge des urines peut être la conséquence d’une hémoglobinurie (hémolyse), d’une myoglobinurie (rhabdomyolyse), d’une porphyrie, d’une prise médicamenteuse (métronidazole, rifampicine), ou d’une consommation de betteraves.

L’hématurie microscopique n’est pas visible à l’œil nu. Elle est dépistée par la bandelette urinaire (Figure 2). Elle est définie à l’examen cytologique des urines par la présence de plus de 10 hématies/mm3 (ou de plus de 10 000 hématies/ml). Cet examen permet aussi de mettre en évidence la présence de cylindres hématiques ou d’hématies déformées, qui oriente alors vers une hématurie d’origine glomérulaire.

Le dépistage d’une hématurie microscopique par une bandelette urinaire est effectué :

de façon systématique (médecine du travail, médecine préventive) ;

au cours de l’enquête étiologique d’une hypertension artérielle, d’une protéinurie, d’œdèmes des membres inférieurs, d’une insuffisance rénale ;

chez un patient ayant des antécédents de néphropathie familiale, une maladie systémique, un tabagisme actif ou ancien…

Qu’elle soit macroscopique ou microscopique, son origine est soit urologique, soit néphrologique (parenchymateuse). Il s’agit d’une distinction un peu arbitraire faisant référence au circuit de prise en charge d’un patient hématurique en fonction de son mode de présentation, des signes associés et des facteurs de risque de certaines pathologies notamment néoplasiques ou glomérulaires.

IV. Valeur localisatrice d’une hématurie macroscopique

Une hématurie macroscopique d’origine néphrologique est totale, sans douleur, sans caillots, sans brûlures mictionnelles. à distance de l’épisode macroscopique, l’origine néphrologique (souvent glomérulaire) est confirmée par la présence d’une hématurie microscopique à la bandelette urinaire souvent associée à une protéinurie.

Une hématurie macroscopique d’origine urologique peut être isolée ou accompagnée de douleurs, de caillots, de brûlures mictionnelles. Elle est soit initiale (uréthro-cervico-prostatique), soit terminale (vésicale, prostatique), soit totale (totalité de l’arbre urinaire).

[fond gris]V. Examens complémentaires devant une hématurie

[fond gris]En cas d’orientation vers une origine néphrologique (parenchymateuse) :

[fond gris]cytologie quantitative des urines ; recherche de cylindres hématiques ou d’hématies déformées, témoin de l’origine glomérulaire de l’hématurie ;

[fond gris] protéinurie ;

[fond gris] créatininémie et DFG estimé ;

[fond gris] échographie rénale en vue d’une biopsie rénale.

[fond gris] En cas d’orientation vers une origine urologique : rechercher en premier lieu une tumeur de l’épithélium urinaire :

[fond gris]examen cytobactériologique des urines (ECBU) : cytologie et recherche d’infection ;

[fond gris]cytologie des urines : hématies, leucocytes, cellules épithéliales, cristaux, cylindres, cellules néoplasiques ;

[fond gris]échographie des voies urinaires (reins, vessie, prostate) ;

[fond gris]uroscanner ou uroIRM ;

[fond gris]urétrocystoscopie vésicale avec biopsies ;

[fond gris] urétéroscopie.

Figure 1. Hématurie macroscopique

Figure 2. Bandelette urinaire

VI. Étiologie des hématuries chez l’adulte et chez l’enfant

Qu’elle soit microscopique ou macroscopique, une hématurie peut être de cause bénigne ou maligne.

Le raisonnement diagnostique et étiologique d’une hématurie nécessite un interrogatoire et un examen clinique approfondis et des examens complémentaires adaptés selon le contexte clinique.

L’arbre diagnostique est indiqué dans la Figure 3.

Figure 3. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une hématurie

Hématurie d’origine néphrologique

[violet]
1. Microscopique[/violet]

Associée à une protéinurie, le diagnostic le plus probable est celui de néphropathie glomérulaire dont le diagnostic étiologique sera précisé par la biopsie rénale (tableau 1) isolée, avant d’évoquer une origine néphrologique, il faut éliminer une tumeur de l’épithélium urinaire, surtout après 40 ans ou en présence de facteurs de risque de développement de ces tumeurs (tabagisme). Une hématurie microscopique isolée associée à des conditions orientant vers une origine urologique doit déclencher les mêmes investigations qu’une hématurie macroscopique.

Si les investigations urologiques sont négatives, les hypothèses diagnostiques sont :

en priorité une néphropathie glomérulaire :

acquise : forme bénigne de néphropathie à dépôts d’IgA chez un sujet jeune ;

congénitale affectant les membranes basales ;

chez l’enfant, une hématurie microscopique persistante doit faire rechercher une cause glomérulaire :

syndrome d’Alport : hématurie microscopique ou macroscopique, surdité ;

syndrome néphritique aigu : glomérulonéphrite aigue post-infectieuse.

Tableau 1 : Principales étiologies glomérulaires

Glomérulonéphrite à dépôts d’IgA primitive (maladie de Berger)
Glomérulonéphrite à dépôts d’IgA secondaire : purpura rhumatoïde, cirrhose,
Glomérulonéphrite rapidement progressive (prolifération extra-capillaire)
Glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse (prolifération endocapillaire)
Glomérulonéphrite membrano-proliférative
Syndrome d’Alport

Autres causes :

néphropathie interstitielle aiguë médicamenteuse ;

syndrome hémolytique et urémique.

[violet]2. Macroscopique[/violet]

Une cause urologique est à rechercher en première intention. Une hématurie macroscopique sous anticoagulant ou sous antiagrégant plaquettaire ne doit pas dispenser d’un bilan étiologique, une tumeur des voies urinaires doit systématiquement être recherchée.

Si les investigations urologiques sont négatives, les hypothèses diagnostiques sont :

néphropathie glomérulaire : Néphropathie à IgA chez un sujet jeune ;

glomérulonéphrite rapidement progressive ;

polykystose rénale (complication hémorragique intra-kystique) ;

nécrose papillaire (diabète, analgésiques, drépanocytose) ;

infarctus rénal ;

thrombose d’une veine rénale (contexte de syndrome néphrotique).

Hématurie d’origine urologique

L’origine urologique d’une hématurie peut se manifester par une hématurie microscopique ou macroscopique (tableau 2).

Tableau 2 : Étiologie des hématuries urologiques

CAUSES FRÉQUENTES CAUSES RARES
• Infections urinaires (cystite hématurique)
• Carcinome urothélial : vessie, voie excrétrice
supérieure
• Cancer du rein
• Lithiase urinaire
• Cancer ou adénome prostatique
• Prostatite aiguë
Tumeurs bénignes du rein (angiomyolipome)
• Tumeurs de la voie excrétrice supérieure
• Tuberculose
• Bilharziose
• Malformation vasculaire
CONTEXTE PARTICULIER DIAGNOSTIC D’ELIMINATION
Traumatisme du rein ou des voies urinaires • Exercice physique très important
¢ Chez

[fond gris]Chez l’enfant :

[fond gris]Cystites bactériennes (cf. item infection urinaire de l’enfant) item 161,

[fond gris]Lithiase,

[fond gris]Traumatisme rénal ou des voies urinaires,

[fond gris]Tumeurs rénales et des voies urinaires.

Figure 4a. Scanner : tumeur du pôle inférieur du rein gauche

Figure 4b. Échographie et scanner d’une tumeur urothéliale de vessie

Figure 4c. Scanner d’une lithiase de la jonction pyélo-urétéral du rein droit avec urétérohydronéphrose (cliché à gauche) et retard de sécrétion du rein droit par rapport au rein gauche (cliché à droite)

Figure 4d. Radiographie d’une lithiase de la jonction urétéro-vésicale droite

Hématurie

Figure 4. Quelques exemples d’imagerie de causes fréquentes d’hématurie «  urologique  »

VII. Hématurie macroscopique avec caillots

[violet]1. Identification et signes de gravité[/violet]

Recherche d’une rétention urinaire aiguë sur caillotage.

Évaluation hémodynamique, identification d’un choc hémorragique.

Présence d’une douleur lombaire avec colique néphrétique.

Recherche d’une fièvre, d’une pyélonéphrite.

Histoire de la maladie et antécédents uro-néphrologiques.

Recherche d’une prise d’anticoagulant ou d’antiagrégant plaquettaire.

[violet][fond gris]2. Prise en charge[/violet]

[fond gris]Si émission de caillots en grande quantité ou rétention urinaire : hospitalisation et avis spécialisé demandé :

[fond gris]sonde vésicale à double courant pour irrigation vésicale avec mise en place d’un lavage continu au sérum physiologique, avec surveillance des volumes d’entrées et sorties ;
parfois nécessité d’un décaillotage endoscopique au bloc opératoire.

[fond gris]Hydratation.

[fond gris]Surveillance : volume de la diurèse, coloration des urines.