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Physiologie et physiopathologie rénales
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Article mis en ligne le 22 mars 2016
dernière modification le 1er juin 2016

par ps

ROLE du REIN dans le METABOLISME ACIDO-BASIQUE (maj mars 2016)

[bleu] I Généralités[/bleu]

[bleu marine]1 Notion de pH et de pouvoir tampon[/bleu marine]

La concentration d’ions H+ est très faible dans le plasma, et finement régulée. La concentration d’H+ est exprimée sous sa forme logarithmique inverse (pH=Log 1/[H+ ]).

Le pH artériel normal varie entre 7,38 et 7,42.

Un pH bas définit une concentration d’H+ élevée et une situation d’acidose. Un pH élevé définit une concentration d’ H+ basse et une situation d’alcalose.

La quantité d’H+ entrant dans l’organisme est massive en regard de sa concentration plasmatique. Pour éviter un effondrement du pH post prandial, incompatible avec la vie cellulaire, la charge acide est immédiatement tamponnée.

Le bicarbonate est le principal tampon extra-cellulaire carsa concentration est élevée. Par ailleurs

 dans le corps humain, ce système de tampon est dit « ouvert », c’est-à-dire que l’acide généré est éliminé par la respiration, et le bicarbonate régénéré par le rein.

Au final, c’est le rein qui est l’organe assurant le bilan nul d’ions H+ , en permettant de régénérer les bicarbonates consommés (excrétion nette d’H+ )

Equation d’Henderson-Hasselbach

Ainsi, le pH varie quand le rapport entre PCO2 et HCO3- est modifié, c’est-à-dire :

 quand il y a une modification primitive de la concentration des ions HCO3- . Il y a alors alcalose ou acidose métabolique non compensée par le système respiratoire,
 ou quand il y a une modification primitive de la PCO2. Il y a alors alcalose ou acidose respiratoire non compensée par le rein.

[bleu marine]2 Les sources d’acides[/bleu marine]

Il existe deux sources principales d’acide :

 Les acides volatils, issus du métabolisme cellulaire des glucides et des lipides, générant, en présence d’O2 de l’eau et du CO2 (métabolisme oxydatif). Le CO2 généré est éliminé directement par la respiration, sans modifier l’équilibre acide base en situation physiologique.

 Les acides fixes, issus du métabolisme des protéines (H2 SO4 pour les acides aminés souffrés, HCl pour la lysine, H2 P04 pour les nucléoprotéines). Cette charge acide est d’environ 1 mmol/kg/j et est tamponnée (Cf supra) avant d’être éliminée par le rein.

[bleu]II Rôle du rein dans l’équilibre acide-base[/bleu]

Le rein a pour rôle :

 de réabsorber les bicarbonates filtrés par le rein. Cette fonction n’intervient pas physiologiquement dans l’équilibre acide-base, car n’entraîne pas d’excrétion nette d’H+. Elle est malgré tout indispensable, car si cette fonction est altérée (pathologie), elle peut conduire à un trouble acido-basique. C’est une fonction des parties proximales du tubule rénal.
 d’excréter la charge acide fixe (environ 60 mEq/j), ce qui est équivalent à régénérer les bicarbonates consommés. C’est une fonction des parties distales du néphron (canal collecteur),

Pour en savoir plus :

Les deux fonctions proximale (réabsorption des HCO3- ) et distale (excrétion d’ions H+) ont un mécanisme cellulaire identique, à savoir :
 une sécrétion apicale d’ion H+,
 couplée à une réabsorption basolatérale de HCO3- .

La différence essentielle est dans le devenir de l’ion H+ sécrété :

 dans le mécanisme de réabsorption des ions HCO3- , l’ion H+ n’est pas excrété, le bilan est nul,
 dans le mécanisme de régénération des HCO3- consommés, l’H+ sécrété est excrété dans l’urine définitive, sous différentes formes (Cf infra).

figure 1 : Principes de la réabsorption et de la régénération rénale des bicarbonates

[bleu]1. Réabsorption des HCO3- filtrés[/bleu]

Elle a lieu principalement dans le tube contourné proximal (TCP)

(f[fond or]igure 2)[/fond or].

L’énergie nécessaire à cette réabsorption est le fait de la Na/K ATPase basolatérale. La sortie de Na de la cellule déplète le contenu cellulaire en Na+ et favorise le fonctionnement de l’antiport Na/H apical (NHE). L’ion H+ ainsi sécrété dans la lumière tubulaire s’associe au HCO3- présent dans le fluide tubulaire après filtration. L’hydrogénocarbonate (H2CO3) ainsi formé est dissocié en CO2 et H20, cette réaction étant catalysée par une anhydrase carbonique présente dans la bordure en brosse apicale. Le CO2 diffuse librement à l’intérieur de la cellule et par une réaction inverse (via un autre type d’anhydrase carbonique) conduit à la production intra-cellulaire d’H+ et de HCO3- . L’HCO3- est alors extrudé au pôle basolatéral par l’intermédiaire d’un cotransport électroneutre HCO3Na (3HCO3- - pour 1 Na+). L’H+ fait ainsi la navette entre l’intérieur de la cellule et le fluide tubulaire, sans jamais être excrété de façon nette.

[or]Figure 2[/or]

La réabsorption d’HCO3- dans le TCP est un phénomène saturable. Il existe donc un taux maximal de réabsorption d’HCO3- (Tm), dont la valeur rapportée au DFG (Tm/DFG) détermine la valeur de bicarbonatémie.

Le Tm/DFG est sous la dépendance de différents facteurs.

 Il y a augmentation du Tm/DFG (entraînant une augmentation de la bicarbonatémie) principalement en cas de :

— Déshydratation extra-cellulaire (alcalose de contraction)
— Augmentation de la PCO2 (compensation métabolique d’une acidose respiratoire)

 Il y a diminution du Tm/DFG (entraînant une diminution de la bicarbonatémie) en cas de :
— Hyperhydratation extracellulaire
— Baisse de la PCO2 (compensation métabolique d’une alcalose respiratoire)

[bleu]2. Excrétion de la charge acide fixe[/bleu]

Elle se fait sous la forme d’élimination d’ions H+ libres ou complexé à

des accepteurs de protons (acidité titrable et NH4+).

[bleu marine]a)H+ libre (pH urinaire)[/bleu marine]

La sécrétion d’H+ est une fonction de la cellule intercalaire de type A du canal collecteur. Dans ce segment, l’épithélium est très serré, permettant l’abaissement du pH jusqu’à environ 5.

Figure 3 : Mécanismes de la régulation distale du métabolisme des protons H+

La sécrétion d’H+ dans le fluide tubulaire :
 dépend de la réabsorption de Na+ par Enac (créant une différence de potentiel avec lumière négative),
 est sous le contrôle de l’aldostérone (par un effet direct activateur de l’H+ ATPase et indirect par l’activation de la réabsorption de Na+).

La sécrétion d’H+ est stimulée par :

 Hyperaldostéronisme
 Diminution de la PCO2

La sécrétion d’H+ est abaissée par :

 Hypoaldostéronisme
 Augmentation de la PCO2

[bleu]b) Acidité titrable[/bleu]

L’acidité titrable est la charge acide prise en charge par des sels d’acide faible,. Les principaux tampons concernés sont :

 Phosphate : HPO42- + H+ ↔ H2PO4-
 Créatinine
 Acide urique

L’excrétion de H+ sous forme d’acidité titrable est très peu modulable.

[bleu marine]c) NH4+[/bleu marine]

Correspond à la prise en charge des H+ par le NH3 (couple NH3/NH4+). Le NH4+ est produit à partir de l’alpha cétoglutarate (produit du métabolisme de la glutamine d’origine hépatique) dans la cellule tubulaire proximale. Après un transit tubulaire complexe, comprenant une réabsorption par la branche ascendante large de l’anse de Henlé, le NH3 est finalement sécrété dans le canal collecteur où il prend en charge instantanément un ion H+.

[fond or]Figure 4[/fond or] : ammoniogénèse rénale

L’excrétion d’acide sous forme de NH4+est modulable (augmente en situation d’acidose extra-rénale par activation de la glutaminase)

L’excrétion nette d’acides dans l’urine correspond à l’équation suivante :

Excrétion nette H+ = Acidité titrable + NH4 – HCO3- excrétés

[bleu]III Réponse rénale normale à une charge acide[/bleu]

En cas de charge acide exogène :

 baisse du pH sanguin,
 baisse de la bicarbonatémie (consommation),
 baisse de la PCO2(compensation respiratoire).

La réponse rénale normale est alors

 abaissement du pH urinaire (stimulation de la sécrétion d’H+),
 augmentation modérée d’AT (par le seul effet de la baisse du pH)
 augmentation majeure de NH4 (quantité qui peut être multipliée par 2 ou 3 par l’activation de la glutaminase).

[bleu]IV Troubles de l’équilibre acido-basique : éléments clés du diagnostic[/bleu]

[bleu marine]1. Gazométrie artérielle et réserve alcaline[/bleu marine]

La gazométrie artérielle mesure le pH sanguin :

pH sanguin < 7,38 (augmentation de H+) : Acidose

pH sanguin > 7,42 (baisse de H+) : Alcalose

Souvent le pH demeure normal grâce à une réponse respiratoire ou rénale adaptée, définissant le caractère compensé du désordre acido-basique (cf infra)

Elle permet d’identifier, l’origine du désordre acido-basique :

Origine métabolique en cas d’anomalies primitives de HCO3- : acidose ([HCO3- ] basse) ou alcalose ([HCO3- ] élevée).

Origine respiratoire en cas d’anomalies primitives de la PCO2  : acidose (PCO2 élevée) ou alcalose (PCO2 basse).

Enfin, elle évalue la réponse compensatrice rénale ou respiratoire :

Compensation respiratoire d’un désordre acido-basique primitivement métabolique :
— baisse de HCO3- si acidose métabolique  hyperventilation compensatrice et diminution de la PCO2 ;
— augmentation de HCO3- si alcalose métabolique  hypoventilation compensatrice et augmentation de la PCO2 ;

Compensation rénale d’un désordre acido-basique primitivement respiratoire :
— augmentation de PCO2 si acidose respiratoire  génération compensatrice de HCO3- par le rein ;
— diminution de la PCO2 si alcalose respiratoire  diminution compensatrice de HCO3- .

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[bleu]2. Trou anionique sanguin[/bleu]

La somme des cations (charges positives) et des anions (charges négatives) est égale dans le sang (principe de l’électroneutralité).

Il existe normalement plus d’anions indosés (protéines plasmatiques, et dans une moindre mesure phosphates, sulfates et autres anions organiques) que de cations indosés (calcium et le magnésium) dans le plasma.

Cette différence correspond au trou anionique  :
Du fait de l’électroneutralité sanguine : Na+= Cl– + HCO3- + A- (Anions indosés)

[rouge]TA = A- = [Na+] - [Cl– + HCO3- ] = 12 +/- 4 mmol/L
(ou 16+/- 4 si le K+ est pris en compte)[/rouge]

Le calcul du trou anionique sanguin permet de définir deux types d’acidoses métaboliques :

Acidose avec trou anionique normal  ou acidose métabolique hyperchlorémique  : perte rénale ou digestive de HCO3- .

Acidose avec trou anionique élevé (supérieur à 16 ou 20 mmol/l si le K+ est pris en compte compte) : addition d’un acide (anion non mesuré, par exemple le lactate et les corps cétoniques) autre que HCl.

[bleu]3. ionogramme urinaire[/bleu]

La principale voie d’élimination rénale des protons (H+) est l’excrétion urinaire d’ammoniaque (NH4+). En cas d’acidose à trou anionique normal, la réponse rénale peut être évaluée par le calcul du trou anionique urinaire qui est le reflet de L’excrétion urinaire de NH4+ (ammoniurie)  :

Du fait de l’electroneutralité urinaire : UNa + UK+ UNH4+ = UCl

[rouge]Trou Anionique Urinaire= -UNH4+ = UNa + UK - UCl<*sub>[/rouge]

 Un trou anionique urinaire négatif traduit une concentration de NH4+ urinaire élevée, donc une réponse rénale adaptée (origine extrarénale de l’acidose)
 Un trou anionique urinaire positif traduit une concentration de NH4+ urinaire basse, donc une réponse rénale inadaptée (acidose tubulaire rénale)

Pour en savoir plus :

1- Notion d’acide faible et pKa
Un tampon est un couple acide faible/base faible en équilibre, la base étant capable de lier un acide fort pour donner une base faible, limitant la variation de pH.

[base faible] + [acide fort] <-> [acide faible]

Le pouvoir tampon est dépendant du pKa du couple, correspondant à la valeur de pH pour laquelle les concentrations d’acide et de base sont équivalentes, suivant l’équation d’Henderson-Hasselbach

pH = pKa + log Base/Acide

[orange fonce] Le bicarbonate est le principal tampon extra-cellulaire également car son pKa (6,8) est proche du Ph sanguin[/orange fonce]

[bleu]2. Excrétion de la charge acide fixe[/bleu]

 [orange fonce]a- L’élimination d’H+ libre (pH urinaire)
Elle est marginale quantitativement mais une concentration urinaire élevée dH+ dans le fluide tubulaire (pH urinaire bas) est nécessaire pour la prise en charge par les accepteurs de proton[/orange fonce]s.
 b- acidité titrable

Son élimination est :

 non régulée
 mais modulée par le pH urinaire (l’acidité titrable est maximale à pH urinaire acide en situation physiologique ; elle diminue en cas de pH urinaire alcalin),
permet d’éliminer environ 1/3 de la charge acide fixe (20mM).

c- NH4+

Les caractéristiques de l’excrétion d’acide sous forme de NH4+ sont les suivantes :
 c’est une forme régulée et sa régulation dépend de l’activité de la glutaminase
— qui est stimulée par l’acidose extra-rénale et l’hypokaliémie
— qui est inhibée par l’alcalose et l’hyperkaliémie.
 Elle permet d’éliminer environ 1/3 de la charge acide fixe (40 mM), voire plus en situation de charge acide exogène.

V Auto-évaluation

QCM#1 : Concernant l’excrétion de la charge acide :

a) L’acidité titrable est la principale voie d’élimination

b) Le pH des urines dépend de la concentration des protons

c) L’excrétion urinaire de NH4+ est fixe

d) L’hyperkaliémie augmente l’activité de la glutaminase

e) Le tampon phosphate constitue la forme majoritaire d’acidité titrable.
réponse : b, e

QCM#2 : Concernant la réabsorption proximale des bicarbonates :

a) Elle est sous la dépendance de l’activité de la Na/K ATPase basolatérale

b) L’anhydrase carbonique est présente au niveau de la membrane luminale

c) La déshydratation extracellulaire augmente la bicarbonatémie

d) L’excrétion nette de protons est nulle au niveau du tube contourné proximal

e) Une baisse de la PCO2 conduit à une diminution de la réabsorption proximale des bicarbonates
réponse : a, b , c, d

QCM#3 : L’acidose métabolique hyperchlorémique compensée se traduit par

a) un pH artériel < 7,38

b) un pH artériel normal

c) une augmentation de la réserve alcaline

d) une augmentation du trou anionique sanguin

e) une diminution de la PCO2
réponse : b, e

QCM#4 : Concernant l’exploration d’une acidose métabolique

a) elle s’associe à une baisse du pH urinaire

b) au cours d’une acidose métabolique hyperchlorémique, une augmentation du trou anionique urinaire traduit une réponse rénale adaptée

c) elle entraine une diminution de la PC02

d) une augmentation du trou anionique sanguin traduit un gain d’acide indosé

e) une hyperlactacidémie conduit à une augmentation de la chlorémie
réponse : b, c, d