Polykystose rénale Chapitre complet PDF
Article mis en ligne le 21 décembre 2020
dernière modification le 15 avril 2021

Item 266

Polykystose rénale

N° 266. Polykystose rénale

OBJECTIFS

Diagnostiquer la polykystose rénale autosomique dominante

Connaître les complications de la polykystose rénale

RangRubriqueIntituléDescriptif
B Épidémiologie Prévalence Maladie héréditaire rénale la plus fréquente
B Diagnostic positif Mode de transmission
A Diagnostic positif Présentation clinique / Circonstances du diagnostic
B Diagnostic positif Critères diagnostiques
B Diagnostic positif Connaître les principales complications IRC, Kyste hépatique, Complications des kystes rénaux, HTA, Anévrismes artériels
A Prise en charge Traitement non spécifique Savoir que l’HTA doit être prise en charge précocement, que les cibles tensionnelles sont basses et que le traitement fait appel à un BSRA

  I. Épidémiologie. Génétique

La polykystose rénale autosomique dominante (PKRAD) est une maladie héréditaire fréquente : prévalence 1/1 000 dans la population générale.

C’est la plus fréquente des néphropathies héréditaires : elle est la cause de 8 à 10 % des insuffisances rénales terminales.

La transmission de la maladie se fait sur le mode autosomique dominant. Le risque qu’un parent atteint transmette la maladie est donc de 50 % pour chacun de ses enfants, quel que soit le sexe de celui-ci. Au sein d’une famille atteinte de PKRAD, un sujet non atteint ne transmet pas la maladie.

La PKRAD est génétiquement hétérogène : deux gènes sont impliqués dans la grande majorité des cas, PKD1 et PKD2 . Les mutations sont «  privées  ». Environ 5 % des patients ont une mutation de novo, c’est-à-dire non transmise par un parent.

Le tableau 1 résume les principales caractéristiques associées aux mutations des gènes PKD1 et PKD2. La maladie est semblable quel que soit le gène muté, à une exception près, l’âge moyen de l’insuffisance rénale terminale, qui est de 15 ans plus tardif dans les familles liées à PKD2.
Tableau 1 : Caractéristiques des gènes PKD1 et PKD2

. PKD1 PKD2
Fréquence 85 % 15 %
Protéine mutée Polycystine 1 Polycystine 2
Âge moyen de l’IRT* 54 ans Polycystine 2
Âge moyen de l’IRT* 54 ans 69 ans

* IRT : insuffisance rénale terminale

 II. Circonstances du diagnostic et critères diagnostiques

A. Circonstances amenant à poser le diagnostic

Le plus souvent chez un adulte jeune, pour l’un des motifs suivants :

Bilan d’HTA ;

Complications rénales :

gros rein bilatéral,

douleurs ou pesanteur lombaires,

hématurie macroscopique,

colique néphrétique,

infection d’un kyste,

insuffisance rénale ;

découverte à l’échographie de kystes rénaux :

fortuitement,

ou lors d’une enquête familiale ;

parfois manifestation extrarénale (kystes hépatiques par exemple).

B. Critères diagnostiques

Le diagnostic repose généralement sur :

l’histoire familiale (maladie rénale kystique chez un apparenté du propositus) ;

et l’échographie abdominale.

elle montre typiquement deux gros reins dont les contours sont déformés par des kystes multiples et bilatéraux, et souvent une polykystose hépatique (présente chez 30-70 % des patients) ;

le nombre et la taille des kystes augmentent avec l’âge : chez l’enfant et l’adulte jeune, le diagnostic peut être incertain si les kystes sont très peu nombreux ou de petite taille, et des critères de diagnostic échographique ont été validés pour établir le diagnostic de PKRAD ou exclure la maladie dans le cadre d’une enquête familiale chez les apparentés d’un sujet atteint (donc des individus «  à risque  » d’avoir hérité la mutation déterminant la maladie) (tableau 2). Une échographie normale avant l’âge de 40 ans n’exclut donc pas le diagnostic.

Âge Données de l’échographie chez un individu
à risque de PKRAD
Signification
15-39 ans ≥ 3 kystes rénaux (uni ou bilatéraux) PKRAD (1 ou 2)
≥ 40-59 ans ≥ 2 kystes rénaux dans chaque rein PKRAD (1 ou 2)
> 60 ans > 4 kystes dans chaque rein PKRAD (1 ou 2)

Tableau 2 : Critères diagnostiques de polykystose rénale autosomique dominante à l’échographie chez les apparentés d’un sujet atteint

N.B. : Entre 30 et 39 ans, l’absence de kyste exclut l’existence de la maladie à 99 %.

Après l’âge de 40 ans, le constat de 0-1 kyste exclut la maladie.

Le scanner a une sensibilité supérieure à celle de l’échographie. La figure 1 montre un aspect tomodensitométrique typique.

Dans tous les cas, un arbre généalogique complet et détaillé est indispensable.

Il n’est pas actuellement indiqué d’identifier la mutation génétique dans les familles, sauf cas particulier (doute diagnostique en l’absence d’histoire familiale, ou présentation atypique).

Figure 1. Polykystose rénale autosomique dominante : tomodensitométrie rénale.

Noter l’augmentation de taille des reins et la déformation de leurs contours, et dans le foie, quelques kystes de petite taille.

 III Atteinte rénale de la polykystose rénale autosomique dominante

L’atteinte rénale est secondaire au développement progressif de multiples kystes dans les deux reins, responsables d’une compression et d’une fibrose progressive du parenchyme rénal non-kystique. Les kystes sont développés aux dépens de n’importe quel segment des tubules rénaux : la PKRAD est par conséquent une néphropathie tubulo-interstitielle chronique. Chaque kyste est une cavité liquidienne bordée d’un épithélium dérivé des cellules tubulaires rénales. La croissance des kystes résulte d’une prolifération des cellules bordant les kystes, et d’une sécrétion de fluide par ces mêmes cellules. Ces kystes peuvent être responsables de pesanteurs lombaires et abdominales particulièrement invalidantes pour les patients.

La PKRAD se caractérise en général par une période de 2 à 4 décennies sans anomalie clinique rénale perceptible.

L’insuffisance rénale chronique est la complication sévère la plus fréquente au cours de la PKRAD.

L’évolution de la fonction rénale dans la PKRAD est hétérogène d’une famille à l’autre, mais aussi au sein d’une même famille (hétérogénéité phénotypique). Une fois l’insuffisance rénale apparue, le déclin annuel du débit de filtration glomérulaire est de –2 à –5 ml/min.

L’âge habituel de l’insuffisance rénale terminale se situe entre 50 et 70 ans.

Le pronostic rénal de la PKRAD est principalement lié au gène muté (tableau 4), au type de mutation (caractère tronquant ou non tronquant) et au volume des reins. Le volume total des reins reflète le volume kystique et permet de prédire le risque d’apparition et la vitesse de progression de l’insuffisance rénale. Le volume rénal peut être mesuré par TDM ou IRM. Le volume rénal total normal est d’environ 300 ml, il peut atteindre 6-7 litres dans les formes les plus marquées.

Les autres complications rénales sont fréquentes :

douleurs lombaires : en l’absence de fièvre, il peut s’agir :

d’une hémorragie intrakystique (avec distension brutale d’un kyste),

ou d’une migration lithiasique.

Le scanner peut être nécessaire pour distinguer l’une et l’autre ; le calcul peut être constitué d’acide urique (densité : 500 UH environ) ou d’oxalate de calcium (densité : 1 000-1 500 UH) :

hématurie macroscopique associée à des douleurs lombaires : en l’absence de fièvre, il s’agit le plus souvent d’une hémorragie intra-kystique avec rupture secondaire dans la voie urinaire excrétrice ; plus rarement d’une migration lithiasique ;

infection du rein  : toute fièvre d’origine incertaine au cours de la PKRAD justifie un ECBU et doit faire considérer la possibilité d’une infection rénale. Les signes sont résumés dans le tableau 3 ; il peut s’agir :

d’une pyélonéphrite ascendante,

ou d’une infection intrakystique, qui est l’équivalent d’un abcès du rein. Dans ce dernier cas, l’urine est souvent stérile, et la ponction du kyste infecté peut être nécessaire si fièvre et douleurs persistent plus d’une semaine sous antibiothérapie probabiliste, afin d’identifier le germe responsable. Le PET-scan est utile pour confirmer le diagnostic et localiser le kyste infecté.

Le traitement des infections du haut appareil urinaire repose dans tous les cas sur l’usage d’un antibiotique ayant une bonne diffusion intrakystique (fluoroquinolone ou triméthoprime-sulfamétoxazole) poursuivi trois à quatre semaines. Une bithérapie est nécessaire initialement en cas d’infection intra-kystique.

Tableau 3 : Infection d’un kyste rénal dans la polykystose rénale autosomique dominante

Signes cliniques Examens complémentaires
Douleurs lombaires, fièvre,
± frissons
• Hyperleucocytose à PNN
• CRP élevée
Signes fonctionnels
urinaires rares
ECBU : leucocyturie et hématurie fréquentes, mais bactériurie inconstante


Imagerie : indication de scanner (± PET-scan)

Tableau 4 : Probabilité cumulée d’insuffisance rénale terminale

Âge Familles PKD1 Familles PKD2
< 40 ans
50 ans
60 ans
70 ans
10 %
40 %
80 %
95 %
2 %
10 %
25 %
60 %

 IV. Atteintes extrarénales de la polykystose rénale autosomique dominante

1. Les kystes hépatiques

Ils sont très fréquents, que le gène responsable soit PKD1 ou PKD2.

Ils se développent plus tardivement que les kystes rénaux.

Ils apparaissent plus précocement chez la femme que chez l’homme.

L’atteinte hépatique est le plus souvent asymptomatique avec tests hépatiques normaux.

Dans un petit nombre de cas se développe chez la femme une hépatomégalie massive responsable de : pesanteur, inconfort, douleurs et compression digestive. Une élévation de la gamma-GT et de la phosphatase alcaline est alors banale. Contrairement à l’insuffisance rénale qui est associée aux gros reins, il n’y a jamais d’insuffisance hépatique dans la polykystose hépatique massive. Un traitement chirurgical (résection hépatique ou transplantation du foie) est exceptionnellement indiqué dans les formes les plus invalidantes. Une autre option consiste à utiliser un analogue de la somatostatine (octréotide ou lanréotide, hors AMM) qui diminue modérément le volume du foie et de ses kystes.

2. Manifestations non kystiques

Une HTA est très fréquente, liée à la fois à l’atteinte vasculaire spécifique de la PKRAD et à l’atteinte rénale. Elle apparaît précocement, avant même le déclin de la fonction rénale, en général avant 40 ans et parfois dans l’enfance.

Les principales autres manifestations de la PKRAD sont résumées dans le tableau 5.

Tableau 5 : Principales manifestations extrarénales non kystiques

Manifestations Caractéristiques
HTA Apparition précoce < 40 ans
Anévrysmes des artères cérébrales Associés au gène PKD1 ou PKD2
Prévalence : 8 %*, 16 % en cas d’antécédent familial d’anévrysme
Siège : polygone de Willis
Âge moyen de rupture : 41 ans

* La prévalence est de 1,5 % dans la population générale, et donc 5 fois plus élevée dans la polykystose dominante.

Chez qui et quand rechercher un anévrysme intracrânien asymptomatique dans la polykystose dominante ? En raison d’une prévalence accrue des anévrysmes cérébraux dans certaines familles, une angio-IRM de dépistage doit être proposée avant 50 ans aux apparentés du premier degré des patients PKRAD ayant rompu un anévrysme cérébral (ou dans les professions à risque, ex : «  pilote de ligne  »). En cas de résultat négatif, une imagerie tous les 5 ans est recommandée. Le dépistage d’un anévrysme cérébral n’est pas systématique en l’absence de symptôme ou d’antécédent familial.

  V. Prise en charge thérapeutique

Avant le stade d’insuffisance rénale terminale :

1. le traitement non spécifique (cf. question insuffisance rénale chronique, chapitre 15) avec :

boissons abondantes, environ 2 l/j pour la prévention des lithiases et des infections ;

  • contrôle tensionnel : l’objectif est d’obtenir une PA inférieure à 140/90 mmHg. Une cible plus basse (non consensuelle) peut être discutée au cas par cas. La plupart des médicaments anti-hypertenseurs sont efficaces. En première intention, les deux classes les plus appropriées sont les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA2). Comme pour les autres néphropathies, une surveillance de la créatininémie et de la kaliémie est nécessaire 5 à 10 J après introduction d’un IEC ou d’un ARA2 ;

contrôle des troubles hydro-électrolytiques (cf. question insuffisance rénale chronique) ;

il n’y a pas de bénéfice démontré à une restriction protidique sévère : environ 0,8-1 g/kg/j est approprié ;

le traitement des complications (lithiases, infections de kystes…) a été détaillé plus haut.

Au stade d’insuffisance rénale terminale :

prise en charge en hémodialyse ou en dialyse péritonéale.

transplantation rénale, qui est le traitement de choix. Dans ce cadre il est parfois nécessaire de réaliser une néphrectomie d’un des reins polykystiques si ceux-ci atteignent la région iliaque et gènent l’implantation ultérieure du greffon rénal,

2. traitement spécifique : cf. «  pour en savoir plus  »

 VI. Que dire au patient et à sa famille ?

Surveillance au minimum annuelle de la pression artérielle et de la créatininémie sont nécessaires.

Conseil génétique : le risque de transmission à un enfant d’un sujet atteint est de 50 % ;

Dépistage de la PKRAD chez les apparentés à risque :

avant l’âge de 18 ans, en l’absence de symptôme rénal, l’intérêt d’une échographie de dépistage est débattu, puisqu’aucun traitement n’est disponible pour s’opposer à la croissance des kystes à cet âge-là. Par contre, il est important d’informer le médecin traitant et le pédiatre de l’existence de la maladie dans la famille, et de mesurer la pression artérielle une fois par an (une élévation modérée de la PA est fréquente dès l’adolescence) ;

après l’âge de 18 ans, une échographie peut être proposée, après avoir informé personnellement l’individu des résultats possibles (conséquences thérapeutiques possibles ; impact négatif sur les emprunts financiers ou les assurances).

La descendance d’un sujet non atteint sera indemne de PKRAD.

Aborder avec empathie les aspects psychologiques et sociaux en lien avec le caractère héréditaire de la maladie, ses symptômes et son évolution potentielle vers l’insuffisance rénale terminale.