Hyponatrémie - hypernatrémie - Article complet. PDF
Article mis en ligne le 14 janvier 2021
dernière modification le 10 mai 2021

Item 267

N° 267. Troubles de l’équilibre acido-basique et désordres hydroélectriques

Hyponatremie-Hypernatremie

OBJECTIFS

Prescrire et interpréter un ionogramme sanguin en fonction d’une situation clinique donnée

Savoir diagnostiquer et traiter : une hyponatrémie, une hypernatrémie
ubles de l’équilibre acido-basique et désordres hydroélectriques

RangRubriqueIntituléDescriptif
A Définition Connaître les indications de prescription et les seuils de définitions de la sévérité d’une hyponatrémie
[fond gris]B[/fond gris] [fond gris]Éléments physiopathologiques[/fond gris] [fond gris]Comprendre les mécanismes de l’hyponatrémie[/gris] [fond gris]Notion d’hypoosmolalité et d’hyperhydratation cellulaire[/fond gris]
A Identifier une urgence Connaître les symptômes de gravité de l’hyponatrémie Connaître les signes dits modérèment sévères et sévères
A Étiologies Connaître les principales étiologies des hyponatrémies Savoir raisonner en s’appuyant sur l’osmolalité urinaire et l’évaluation du volume extra-cellulaire ; Savoir identifier les hyponatrémies liées à des apports hypotoniques, savoir les principaux critères diagnostiques du SIADH et en connaître les principales causes, les hyponatrémies associées à un stimulus hypovolémique de l’ADH induites par les diurétiques, associées à l’insuffisance cardiaque et à la cirrhose (arbre diagnostic)
A Prise en charge Connaître les principes du traitement des hyponatrémies en fonction de la sévérité des symptômes Évaluer le degré d’urgence en fonction des symptômes cliniques, connaître les principes de la restriction ­hydrique et des règles de correction (rythme et stratégie d’apports éventuels en osmoles)
A Prise en charge Connaître le principal risque de la correction rapide des hyponatrémies Connaître le risque de Myélinolyse centro-pontine (MCP)
A Définition Savoir diagnostiquer une hypernatrémie Notion d’hyperosmolalité et de déshydratation cellulaire
[fond gris]B[/fond gris] [fond gris]Éléments physiopathologiques[/fond gris] [fond gris]Comprendre les mécanismes de l’hypernatrémie[/fond gris]
A Identifier une urgence Connaître les symptômes de gravité de l’hypernatrémie
A Étiologies Connaître les principales étiologies des hypernatrémies Connaître les principales causes de déshydratation intracellulaire (et de diabète insipide) notamment chez le sujet âgé (arbre diagnostic d’une hypernatrémie)
A Prise en charge Connaître les principes du traitement des hypernatrémies Connaître les stratégies de réhydratation en fonction de l’état du volume extra-cellulaire

Préambule

Pour comprendre les objectifs de ce chapitre il nous a paru essentiel de faire quelques rappels sur les troubles de l’hydratation extra cellulaire et la physiopathologie normalement abordée en 2e année, acquisitions indispensables pour comprendre les dysnatrémies qui font l’objet de cet item très vaste sur les troubles hydro-électrolytiques et acido-basiques. Vous trouverez donc en fin de chapitre ces rappels sur les troubles de l’hydratation extra-cellulaire

RAPPELS PHYSIOPATHOLOGIQUES

[fond gris]Schématiquement, l’eau représente 60 % du poids du corps : 40 % dans le secteur intracellulaire et 20 % dans le secteur extracellulaire, qui comprend lui-même le secteur interstitiel (15 %) et le secteur vasculaire (eau plasmatique 5 %). La teneur en eau est plus faible chez la femme et elle diminue avec l’âge.[/fond gris]
[fond gris]
L’osmolarité est exprimée en mOsm/L de plasma, alors que l’osmolalité, qui est le vrai reflet de la force osmotique des liquides extracellulaires, est exprimée en mOsm/kg d’eau. En pratique ces deux paramètres peuvent être utilisés indifféremment.[/fond gris]

[fond gris]L’osmolalité de ces compartiments est équivalente (environ 285mOsm/kg d’eau) [/fond gris](figure 1).

[fond gris]Il est facile d’avoir une estimation de l’osmolalité plasmatique par la formule suivante[/fond gris]

[fond gris]Posm = [Na+ × 2] + Glycémie (mmol/L) = 285 mOsm/kg d’eau [/fond gris]

([fond gris]Dans cette formule qui évalue l’osmolalité efficace (= tonicité), l’urée n’est pas prise en compte. Du fait de son libre passage à travers les membranescellulaires, elle augmente l’osmolalité sans entraîner de mouvements d’eau).[/fond gris]

[fond gris]La quantité d’eau dans un secteur est étroitement liée à la concentration des solutés le composant et ne diffusant pas librement dans le secteur adjacent. Ces substances sont appelées osmoles, et leur concentration est appelée osmolarité (lorsque rapportée au litre de plasma) ou osmolalité (lorsque rapportée au kg d’eau).[/fond gris]

[fond gris]À l’état d’équilibre, l’osmolalité est identique entre le compartiment extracellulaire et le compartiment intracellulaire et égale à environ 285 mOsm/Kg H2O (figure 1)[/fond gris].

Figure 1. Les compartiments hydriques de l’organisme

[fond gris]Un trouble de l’hydratation intracellulaire est la conséquence d’un bilan hydrique non nul (positif dans l’hyperhydratation intracellulaire [HIC] et négatif dans la déshydratation intracellulaire [DIC]), et s’accompagne obligatoirement d’une modification de l’osmolalité (hypoosmolalité dans l’HIC et hyperosmolalité dans la DIC). Il peut être isolé ou s’accompagner d’un trouble de l’hydratation extracellulaire.[/fond gris]

[fond gris]Un trouble de l’hydratation extracellulaire est la conséquence d’un bilan sodé non nul (positif dans l’hyperhydratation extracellulaire et négatif dans la déshydratation extracellulaire). Au sein du secteur extracellulaire, les mouvements d’eau sont régis par les différences de pression hydrostatique et oncotique (correspondant au pouvoir osmotique des protéines, qui ne passent pas librement la paroi vasculaire).[/fond gris]

I. Hyponatrémie (Hyperhydratation Intracellulaire)

A. Définition

L’hyponatrémie associée à une hypo-osmolalité plasmatique s’explique par un contenu en eau relatif supérieur au stock en sodium, qui peut être normal, augmenté (HIC + HEC = hyperhydratation globale) ou diminué (HIC + DEC). L’hyponatrémie est donc la conséquence d’un excès d’eau et non, primitivement, d’un manque de Na. Une HIC correspond toujours à un excès d’eau. L’augmentation du volume intracellulaire est due à un transfert d’eau du secteur extracellulaire vers le secteur intracellulaire du fait d’une hypo-osmolalité plasmatique. La traduction biologique en est toujours l’hyponatrémie ([Na+] < 135 mmol/L) (Figure 2).

Figure 2. Hyperhydratation intra-cellulaire (hyponatrémie)

Les indications de prescription d’une natrémie à la recherche d’une hyponatrémie sont nombreuses et s’envisagent en fonction du contexte clinique. Il peut s’agir :

de symptômes neurologiques ou digestifs (cf. signes cliniques),

de la surveillance d’un traitement diurétique,

de pathologies pulmonaires, cérébrales ou endocriniennes susceptibles d’être associées à une hyponatrémie,

ou de pathologies souvent responsables d’hyponatrémie comme l’insuffisance cardiaque ou la cirrhose hépatique décompensée.

B. Causes des hyponatrémies

Elles sont conditionnées par le bilan hydrique.

Un bilan d’eau positif peut être dû à :

Une ingestion d’eau supérieure aux capacités d’excrétion physiologiques : c’est le cas de la potomanie ou lorsque les apports osmotiques (notamment azotés via les apports en protéines animales et sodés) sont faibles relativement aux apports hydriques (syndrome «  Tea and toast  »).

Un seuil de déclenchement de la sécrétion d’hormone antidiurétique (ADH) anormalement bas : c’est la situation dite de «  reset osmostat  », qui peut notamment se voir au cours de la grossesse.

Une excrétion d’eau diminuée par altération du pouvoir maximal de dilution des urines. On distingue schématiquement 2 grandes situations :

ADH basse associée à un défaut rénal primaire d’excrétion d’eau comme dans l’insuffisance rénale chronique avancée (DFG ≤ 20 mL/min),

ADH élevée :

Par la sécrétion appropriée d’ADH en situation d’hypovolémie :

hypovolémie vraie (toutes les causes de déshydratation extracellulaire),

hypovolémie «  efficace  » (associée à une hyperhydratation extracellulaire) :

. insuffisance cardiaque congestive,

. cirrhose,

. syndrome néphrotique,

Par sécrétion inappropriée d’ADH (SIADH) (tableau 1) : inappropriée car la volémie est normale.

C. Physiopathologie

[fond gris]La capacité d’excrétion d’eau libre par le rein est importante. Elle dépend d’une part de la capacité de supprimer la sécrétion hypothalamo-hypophysaire d’ADH et d’autre part des capacités maximales de dilution du rein. En situation normale, le rein est capable d’abaisser l’osmolalité urinaire jusqu’à un minimum de 60 mOsm/Kg d’H20. L’eau pure ne peut être éliminée seule, un apport d’osmoles minimal dans les urines est nécessaire (en pratique 60 mOsm/Kg). On peut ainsi observer un bilan d’eau positif et une hypo-osmolalité :[/fond gris]

[fond gris]quand la capacité maximale physiologique d’excrétion de l’eau est dépassée, par exemple dans le cas d’une potomanie.[/fond gris]

[fond gris]Pour un apport osmolaire standard de 600 mOsm/jour, un bilan d’eau positif (hyponatrémie de dilution par incapacité à éliminer toute l’eau bue) apparaît pour un apport hydrique supérieur à 10 litres (potomanie). En effet, pour éliminer 1 litre d’eau avec une osmolarité urinaire de 60 mOsm/kg, 60 mOsm sont nécessaires. Pour éliminer 10 litres, 600 mOsm sont nécessaires.[/fond gris]

[fond gris]Pour un apport osmolaire de 120 mOsm/jour (apport faible, situation observée en cas d’alimentation pauvre en protéines animales et en sel, anorexie mentale), un bilan d’eau positif apparaît pour un apport hydrique supérieur à 2 litres (syndrome tea and toast).[/fond gris]

[fond gris]quand le pouvoir de dilution du rein est altéré (osmolalité urinaire minimum élevée) soit par une insuffisance rénale, soit par la prescription de diurétiques interférant avec les mécanismes de dilution des urines (thiazidiques), soit par hypersécrétion d’ADH. Celle-ci peut être secondaire à une hypovolémie vraie ou «  efficace  », ou inappropriée (elle ne dépend alors ni d’un stimulus osmotique, ni d’un stimulus volémique).[/fond gris]

Tableau 1 : Étiologies des sécrétions inappropriées d’ADH

Sécrétion hypothalamique inappropriée d’ADH
  • Affections du système nerveux central :

    — Infectieuses : méningite, méningo-encéphalite, abcès

    — Accidents vasculaires cérébraux ischémiques ou hémorragiques

    — Sclérose en plaques, polyradiculonévrites, porphyrie aiguë

    — Traumatisme crânien
  • Affections pulmonaires :

    — Pneumopathies bactériennes et virales

    — Insuffisance respiratoire aiguë

    — Tuberculose, cancers, asthme…

    — Ventilation assistée avec PEEP
  • Période post-opératoire.
  • Syndromes nauséeux importants
  • Médicaments (fréquence ++) :

    — Carbamazépine

    — Psychotropes : halopéridol, phénothiazines, antidépresseurs type IRS (fluoxétine ++)

    antidépresseurs tricycliques, IMAO, drogues (amphétamines ou ectasy)

    — Médicaments émétisants : cyclophosphamide, vincristine, vinblastine…

  • Sécrétion tumorale ectopique d’ADH (ou substance ADH-like)
    —Carcinomes bronchiques
    — Cancers prostatiques, digestifs, lymphomes…
    Endocrinopathies
    —Hypothyroïdie, insuffisance cortico-surrénalienne
    — Adénome à prolactine
    Potentialisation de l’effet de l’ADH par certains médicaments
    —Sulfamides hypoglycémiants (chlorpropamide)
    — Théophylline
    — Clofibrate
    Apport exogène d’ADH ou d’analogues de l’ADH (DDAVP, ocytocine)

    D. Diagnostic (identification de l’urgence)

    [violet]1. Diagnostic positif[/violet]

    Signes biologiques

    Le diagnostic d’un trouble de l’hydratation intracellulaire est biologique

    Osmolalité plasmatique diminuée : Posm < 280 mOsm/kg.

    Hyponatrémie : [Na+] < 135 mmol/L ; Hyponatrémie sévère (définition biologique) = < 120 mmol/L.

    Signes cliniques (ERBP 2014) Tableau 2

    non spécifiques et donc peu évocateurs,

    corrélés à la sévérité de l’hyponatrémie et à sa rapidité d’installation

    Tableau 2 : Symptômes d’hyponatrémie (classification ERBP 2014)

    Hyponatrémie avec symptômes modérément sévèresHyponatrémie avec symptômes sévères
  • Nausées (sans vomissements)
  • Confusion
  • Céphalées
  • -* -*Vomissements
  • Détresse cardio-respiratoire
  • Somnolence (anormale et profonde)
  • Comitialité
  • Troubles de conscience
  • Coma (Glasgow ≤ 8)
  • [violet]2. Diagnostic étiologique[/violet]

    La figure 3 décrit la démarche diagnostique générale.

    C’est celui d’une hyponatrémie hypotonique

    La première étape consiste à éliminer les fausses hyponatrémies, où l’hyponatrémie est associée à une osmolalité plasmatique normale ou élevée (intérêt de la mesure directe de l’osmolalité plasmatique par un osmomètre) :

    les « hyponatrémies factices » en cas d’hyperprotidémie et hyperlipidémie sont rarement observées actuellement avec les nouvelles techniques de mesure (potentiométrie). Dans ces situations, l’hydratation du secteur intracellulaire est normale (osmolalité normale) et la natrémie mesurée est basse car le compartiment «  eau plasmatique  » est diminué (normalement l’eau plasmatique représente environ 93 % du volume plasmatique, la portion restante étant représentée par les lipides et les protides) ;

    les pseudo-hyponatrémies (ou hyponatrémies hypertoniques) : au cours des hyperglycémies majeures ou de l’intoxication par le méthanol ou l’éthanol, il existe une déshydratation du secteur intracellulaire et une hyperosmolalité plasmatique. La natrémie mesurée est basse car la substance provoque un transfert d’eau du secteur intra vers le secteur extracellulaire, mais la mesure directe de l’osmolalité permet d’établir que l’hyponatrémie n’est pas hypoosmolaire.

    La deuxième étape consiste à évaluer, à l’aide de l’osmolalité urinaire, si les reins diluent les urines de manière adaptée au contexte d’hyponatrémie (Uosm < 100 mOsm/kg d’H2O, traduisant alors un déséquilibre majeur isolé des apports en eau et en osmoles) ou non (Uosm > 100 mOsm/kg d’H2O) observé en cas de potomanie, chez les buveurs de bière, ou dans le syndrome «  tea and toast  »).

    La troisième étape nécessite l’évaluation clinique du compartiment extracellulaire et de la volémie efficace qui renseigne sur le bilan de sodium (négatif en cas de déshydratation extracellulaire, normal en cas d’euvolémie extracellulaire, positif en cas d’hyperhydratation extracellulaire).

    >en cas de déshydratation extracellulaire et d’hypovolémie associée à l’hyperhydratation intracellulaire il existe un déficit en sodium et en eau, mais une stimulation volo-dépendante de l’ADH créant une réabsorption et un excès relatif en eau. L’appréciation clinique du volume extracellulaire (pression artérielle basse ou hypotension orthostatique) est complétée par la mesure de la natriurèse. Une natriurèse < 30 mmol/L plaide en faveur d’une hypovolémie. Dans certains cas cette démarche est prise en défaut si le patient est deshydraté, hypovolémique avec natriurèse conservée du fait d’un traitement diurétique ou d’une alcalose (hyponatrémie de «  déplétion  »).

    en cas d’hyperhydratation intracellulaire isolée (excès d’eau pur), le secteur extracellulaire est normal, la natriurèse est > 30 mmol/L. En pratique il est fréquent d’estimer de manière erronée qu’un patient est euvolémique, l’estimation initiale doit donc pouvoir être remise en cause si besoin selon l’évolution.

    En cas de SIADH, situation la plus fréquente, l’osmolalité urinaire est inappropriée (> 100 mOsm/kg d’H2O) (voir critères diagnostiques dans tableau 3).

    en cas d’hyperhydratation globale (excès d’eau et de sodium avec excès d’eau supérieur à l’excès de sodium), il s’agit habituellement d’une insuffisance cardiaque, d’une cirrhose, d’un syndrome néphrotique, responsables d’une stimulation volodépendante de l’ADH par l’hypovolémie efficace. Il peut aussi s’agir d’une d’insuffisance rénale avancée. Ces situations étaient autrefois appelées hyponatrémies de «  dilution  ».

    En pratique, il est possible que plusieurs causes associées contribuent à l’hyponatrémie. C’est principalement le cas chez les patients âgés et/ou présentant de lourdes comorbidités (ex : insuffisance cardiaque + insuffisance rénale + diurétiques + apports protéiques insuffisants). Il est donc utile, au-delà de l’application de l’arbre décisionnel qui identifie généralement la cause principale, de rechercher des facteurs associés pouvant contribuer au tableau et pouvant potentiellement bénéficier d’ajustements thérapeutiques.

    Figure 3. Arbre diagnostic d’une hyponatrémie

    Tableau 3 : Critères diagnostiques du SIADH

    Posm < 275 mOsm/kg
    Uosm > 100 mOsm/kg (en condition d’hyponatrémie)
    Euvolémie clinique
    UNa > 30 mmol/L (en condition d’apports sodés et hydriques normaux)
    Absence d’hypothyroïdie
    Absence d’insuffisance surrénale
    Fonction rénale normale et absence de traitement diurétique récent
    Uricémie < 240 μmol/L

    E. Traitement

    Le traitement de l’hyponatrémie comprend le traitement étiologique et le traitement symptomatique qui consiste à réduire l’excès d’eau. La quantité d’eau en excès est estimée grâce à la formule suivante :

    Excès en Eau =60 % × poids × ([Natrémie/140] – 1)

    Si l’hyponatrémie est chronique et asymptomatique, la correction du désordre doit être très prudente, car le risque de voir survenir une myélinolyse centro-pontine ou démyélinisation osmotique (complication rare mais redoutable) est élevé. Ce risque est accru lorsqu’une hyponatrémie chronique a été corrigée trop rapidement (> 10 mmol/L/24 h) et que cette hyponatrémie évoluait dans un contexte d’hypoxie, de malnutrition et d’éthylisme.

    Dans les hyponatrémies chroniques, il faut privilégier :

    Le traitement étiologique (arrêt d’un médicament, traitement d’une cause de SIADH…).

    La restriction hydrique (500 mL/j) est toujours recommandée et permet de corriger progressivement sur plusieurs jours l’hyponatrémie.

    Le traitement symptomatique associé, qui dépend de l’état du secteur extracellulaire.

    En cas de déshydratation extracellulaire associée un apport supplémentaire en NaCl (par voie orale ou par soluté salé isotonique à 9 g/L, 0,5 à 1L/h) est souvent suffisant (la normalisation du secteur extracellulaire freine la stimulation volémique de l’ADH permettant au rein d’éliminer à nouveau l’eau libre en excès).

    En cas d’euvolémie extracellulaire par SIADH, la restriction hydrique seule peut permettre la correction de l’hyponatrémie. Si le trouble de dilution est très marqué (OsmU très élevée), la seule restriction hydrique peut être insuffisante. On peut alors envisager :

    apport d’osmoles par administration d’urée per os (0,25 à 0,50 g/kg dilué dans du jus d’orange)

    association diurétique de l’anse (furosémide 20 à 60 mg/j) et de sel per os, pour positiver la clairance de l’eau libre (et ramener l’osmolalité U à 300 mOsm/L par abolition du gradient cortico-papillaire).

    [brun]En cas d’échec de ces approches, le recours à un antagoniste spécifique des récepteurs V2 de l’ADH (tolvaptan 15 à 60 mg/j per os) peut être discuté si l’hyponatrémie est chronique et après avis spécialisé.[/brun]

    En cas d’euvolémie extracellulaire avec déséquilibre des apports en eau vs. osmoles (syndrome «  tea and toast)  », la restriction hydrique et/ou l’augmentation des apports en osmoles (protéines animales, NaCl) sont généralement suffisants.

    En cas d’hyperhydratation extracellulaire associée : restriction sodée et diurétiques de l’anse.

    Rythme de correction : dans ces cas la vitesse de correction de l’hyponatrémie ne doit pas dépasser 10 mmol/L/j les 24 premières heures et 8 mmol/L les 24 h suivantes (18 mmol/L au total en 48 h).

    En urgence, en cas d’hyponatrémie sévère (Na < 120 mOsm/kg H2O) qu’elle soit aiguë ou chronique et responsable de symptômes modérés à sévères (troubles de conscience, comitialité, vomissements), on peut proposer le schéma suivant :

    Perfusion rapide de NaCl hypertonique (NaCl 3 % 150 mL IV en 20 min, renouvelable 2 fois selon la natrémie de contrôle), avec un objectif initial d’augmenter la natrémie de 5 mmol/L.

    Un relais peut alors être pris par du NaCl 9 ‰, avec l’objectif de ne pas dépasser +10 mmol/L de natrémie dans les 24 premières heures et 8 mmol/L durant les 24 h suivantes (soit ≤ 18 mmol/L sur 48 h) jusqu’à atteindre 130 mmol/L.

    Une surveillance en unité de soins intensifs s’impose de même que la correction de toute hypoxie.

    Dans un second temps, le traitement redevient celui d’une hyponatrémie asymptomatique.

    La correction d’une hypokaliémie associée doit être réalisée (apports de KCl). Elle augmente le risque de correction rapide de la natrémie notamment chez les patients avec déplétion volémique initiale (traitement par thiazidiques).

    Si l’hyponatrémie est corrigée trop rapidement, il est possible d’administrer du soluté glucosé 5 % voire même de la desmopressine (AVP) pour faire machine arrière. = Rang C

    II . Hypernatrémie - Déshydratation Intracellulaire (DIC)

    A. Définition

    La diminution du volume intracellulaire est due à un mouvement d’eau des cellules vers le secteur extracellulaire secondaire à une hyperosmolalité plasmatique efficace (> 300 mOsm/Kg H20) (figure 4). Elle est due à une perte nette d’eau libre (= bilan hydrique négatif) et se traduit habituellement par une hypernatrémie.

    Figure 4. Déshydratation intra-cellulaire (hypernatrémie)

    En cas de bilan hydrique négatif, la soif induite permet de compenser la perte d’eau. Un trouble de concentration des urines se traduit donc beaucoup plus souvent par un syndrome polyuro-polydipsique que par une DIC. L’hyperosmolalité et l’hypernatrémie sont par conséquent des troubles métaboliques relativement rares, car n’apparaissant qu’en cas de trouble d’accès à l’eau (nourrisson, grabataire, situation de réanimation, contexte psychiatrique ou neurologique), ou lorsqu’il existe un trouble de la soif associé.


    B. Causes de déshydratation intracellulaire

    [violet]
    1. Déshydratation intracellulaire avec hypernatrémie[/violet]

    Elles sont liées à :

    Une perte d’eau non compensée d’origine :

    extrarénale «  insensible  » (la réponse rénale est ici normale, les urines sont concentrées (U/P osm > 1) et il n’y a pas de polyurie) :

    cutanée : coup de chaleur, brûlure ;

    respiratoire : polypnée, hyperventilation prolongée, hyperthermie ;

    digestive : diarrhée osmotique.

    rénale :

    polyuries osmotiques : diabète sucré, perfusion de mannitol etc.,

    polyurie hypotonique (U/P osm ≤ 1) avec hyperosmolalité plasmatique, caractérisant le diabète insipide (tableau 4). La polyurie induite est en général compensée par une polydipsie, l’hypernatrémie ne se déclenche que lorsque le patient n’a plus un libre accès à l’eau  :

    diabète insipide d’origine centrale liée à l’absence complète ou partielle de sécrétion d’ADH

    diabète insipide néphrogénique caractérisé par une réponse rénale à l’ADH diminuée ou abolie. L’osmolalité urinaire est basse, et non modifiée par l’administration d’ADH

    Tableau 4 : Causes des diabètes insipides

    Tableau 4 : Causes des diabètes insipides
     : Causes des diabètes insipides Diabète insipide centralDiabète insipide néphrogénique
    1. Traumatique hypophysaire 1. Acquis
    2. Post-chirurgical
    – chirurgie des adénomes hypophysaires
    • Médicamenteux
    – lithium, amphotéricine B, tolvaptan
    3. Ischémique • Insuffisance rénale
    4. Néoplasique
    – pinéalome
    – métastases
    – craniopharyngiome
    • Néphropathie interstitielle
    – amylose
    – syndrome de Gougerot- Sjögren
    – néphrocalcinose
    5. Granulome hypophysaire
    – sarcoïdose
    – histiocytose
    • Altération du gradient cortico-papillaire
    – syndrome de levée d’obstacle
    – traitements diurétiques
    6. Infectieuses
    – encéphalite
    – méningite
    • Métabolique
    – hypercalcémie
    – hypokaliémie
    7. Idiopathique 2. Héréditaire (mutation du récepteur rénal de la
    vasopressine (ADH))
    – lié à l’X dans 90 % des cas
    – autosomique récessif dans 10 % des cas

    Déficit d’apport d’eau :

    anomalies hypothalamiques : hypodipsie primitive

    par absence d’accès libre à l’eau : nourrissons, vieillards, patients dans le coma (accident vasculaire cérébral)

    par absence d’eau (zones désertiques)

    Apport massif de sodium :

    en particulier chez l’enfant, en cas d’utilisation de soluté bicarbonaté 3hypertonique après réanimation d’un arrêt cardio-circulatoire ou en cas d’utilisation d’un bain de dialyse trop riche en sodium

    [violet]2. Déshydratation intracellulaire sans hypernatrémie[/violet]

    [fond gris]L’hyperosmolalité plasmatique est secondaire à la présence anormale d’un soluté autre que le sodium, de bas poids moléculaire et osmotiquement actif. Ce soluté est responsable d’un trou osmotique que l’on définit par la différence entre l’osmolalité mesurée et calculée. Ce soluté peut être le mannitol, l’éthylène glycol, etc.[/fond gris]

    [fond gris]Lorsque le soluté diffuse librement dans les cellules (urée, éthanol), il est dit osmotiquement inactif et il n’entraînera aucun trouble de l’hydratation intracellulaire.[/fond gris]

    C. Physiopathologie

    [fond gris]Physiologiquement, le bilan d’eau est équilibré, c’est-à-dire que les entrées (eau de boisson et des aliments, production d’eau par oxydation intracellulaire) sont équivalentes aux sorties (rénales précisément régulées, cutanées, respiratoires et digestives). C’est la soif qui régule les entrées et le rein qui assure l’équilibre en régulant les sorties pour maintenir constante l’osmolalité aussi bien intra qu’extracellulaire.[/fond gris]

    [fond gris] L’hormone antidiurétique (ADH) [/fond gris][fond gris]est une hormone polypeptidique sécrétée par les noyaux paraventriculaires et supraoptiques de l’hypothalamus. Elle est transportée jusqu’à la partie postérieure de l’hypophyse pour y être sécrétée. La sécrétion d’ADH est régulée par les variations de l’osmolalité plasmatique (de l’ordre de 1 %) et du volume plasmatique (entre 10 à 15 %).[/fond gris]

    [fond gris]L’ADH agit sur les cellules principales du canal collecteur par fixation à ses récepteurs spécifiques V2 à leur pôle basal. Cette fixation entraîne l’expression à la membrane apicale de canaux à eau, les aquaporines de type 2. L’ADH permet ainsi de faire varier finement la perméabilité du canal collecteur à l’eau, et donc l’osmolarité urinaire finale. La deuxième condition nécessaire à la réabsorption d’eau est l’existence d’un gradient de concentration osmolaire entre le fluide tubulaire et l’interstitium, condition physiologiquement obtenue grâce à la création d’un gradient corticopapillaire.[/fond gris]

    [fond gris]Lorsque l’ADH n’est pas sécrétée ou lorsqu’elle est inefficace, la sensation de soif évite la survenue d’un bilan d’eau négatif. Ceci est très important en clinique, car les situations de déshydratation intracellulaire ne surviennent que lorsque la soif est inopérante (coma, désordres psychiatriques, sédation en réanimation, patients âgés ou trop jeunes)[/fond gris].

    [fond gris]On peut donc observer un bilan d’eau négatif et une hyperosmolalité :[/fond gris]

    [fond gris]en cas de perte d’eau extrarénale cutanée ou respiratoire ;[/fond gris]

    [fond gris]en cas de perte d’eau rénale par absence de sécrétion d’ADH ou absence de sensibilité rénale à l’ADH ;[/fond gris]

    [fond gris]en cas d’anomalie des centres de la soif ou des osmorécepteurs hypothalamiques.[/fond gris]

    D. Diagnostic

    [violet]1. Diagnostic positif[/violet]

    Signes biologiques :

    Le diagnostic d’un trouble de l’hydratation intracellulaire est biologique

    Osmolalité plasmatique élevée : Posm > 300 mOsm/kg d’eau.

    Hypernatrémie : [Na+] > 145 mmol/L.

    Signes cliniques associés :

    Soif parfois intense.

    Troubles neurologiques (= signes de gravité) :

    > non spécifiques et peu évocateurs ;

    corrélés avec le degré de l’hypernatrémie et sa rapidité d’installation :

    somnolence,

    asthénie,

    troubles du comportement à type d’irritabilité,

    fièvre d’origine centrale,

    crise convulsive,

    coma,

    hémorragies cérébro-méningées hématomes sous-duraux (nourris-sons, vieillards), thromboses veineuses cérébrales.

    Sécheresse des muqueuses, en particulier à la face interne des joues.

    Syndrome polyuro-polydipsique en cas de cause rénale.

    Perte de poids.

    [violet]2. Diagnostic étiologique[/violet]

    C’est celui d’une hypernatrémie ou d’un syndrome polyuro-polydipsique.

    Pour l’hypernatrémie qui traduit un déficit en eau, la démarche à suivre consiste à évaluer, par l’examen clinique, l’état du compartiment extracellulaire pour connaître du sodium (négatif en cas de déshydratation extracellulaire, normal en cas d’euvolémie, positif en cas d’hyperhydratation extracellulaire) :

    en cas de déshydratation globale (déficit en sodium et en eau mais avec un déficit en eau plus important que le déficit en sodium), la mesure de la natriurèse permet de préciser l’origine rénale ou extrarénale de la perte en Na ;

    en cas de déshydratation intracellulaire isolée, il convient de définir si les pertes d’eau sont d’origine rénale ou extrarénale. La simple mesure de la diurèse est dans ce cas très utile ;

    en cas d’hyperhydratation extracellulaire associée à une déshydratation intracellulaire (excès de sodium et d’eau avec excès de sodium supérieur à celui d’eau), il faut rechercher une cause iatrogène (solutés salés hypertoniques).

    Figure 5. Diagnostic d’une hypernatrémie

    [fond gris]Devant un syndrome polyuro-polydipsique, le diagnostic de diabète insipide et son origine centrale ou néphrogénique peuvent être déterminés par la réalisation d’une épreuve de restriction hydrique complétée par l ’administration de ddAVP (Minirin® = ADH exogène) (effectuée en milieu spécialisé et sous stricte surveillance médicale) :

    [fond gris]+ Il faut avoir écarté au préalable le diagnostic de polyurie osmotique (par présence d’une osmole en excès dans l’urine), évoqué devant :

    le contexte (diabète sucré, traitement par mannitol)

    une osmolalité urinaire > 300 mOsm/L

    l’existence d’un trou osmolaire dans l’urine, défini par une différence importante entre l’osmolarité urinaire calculée [OsmU = (Na+ K) × 2 + Urée] et mesurée. [/fond gris]

    [fond gris] test de restriction hydrique pendant 12 à 18 heures. L’hyperosmolarité qu’induit la restriction hydrique doit stimuler la sécrétion d’ADH. Les paramètres de surveillance sont : le poids, la diurèse, la natrémie, l’osmolalité plasmatique et urinaire (la concentration urinaire maximale atteinte chez l’homme est de 1 200 mOsm/L). L’épreuve est interrompue lorsque l’osmolalité urinaire atteint un plateau ou lorsque l’osmolalité plasmatique atteint 320 mOsmol/kg, ce qui correspond à la stimulation maximale de l’ADH endogène ;[/fond gris]

    [fond gris]l’injection de ddAVP (Minirin® = ADH exogène) fait suite au premier test si celui-ci oriente vers le diagnostic de diabète insipide.

    [fond gris]Schématiquement, en cas de diabète insipide néphrogénique complet, l’osmolalité urinaire ne se modifie pas pendant toute la durée de l’épreuve (elle reste < 700 mOsm/L, le plus souvent de l’ordre de 100 à 200 mOsm/kg H2O) et n’est pas modifiée par l’injection d’ADH exogène.

    [fond gris]En cas de diabète insipide central complet, l’osmolalité urinaire ne s’élève qu’après l’injection d’ADH exogène. [/fond gris]

    E. Traitement

    Il est à la fois étiologique (arrêt d’un médicament, traitement d’un diabète sucré), préventif, surtout chez les patients qui n’ont pas un libre accès à l’eau, et enfin symptomatique.

    En cas d’hypernatrémie aiguë symptomatique chez l’adulte, la natrémie peut être abaissée de 2 mmol/L et par heure jusqu’à 145 mmol/L.

    Lorsque l’hypernatrémie est ancienne, la vitesse de correction ne doit pas dépasser 10 mmol/L/j pour ne pas induire d’œdème cérébral et des convulsions.

    La quantité d’eau à administrer peut être estimée par la formule suivante :

    Déficit en eau = 60 % ×poids × ([Natrémie/140] – 1)

    L’eau peut être administrée sous forme :

    d’eau de boisson par voie orale ou par l’intermédiaire d’une sonde gastrique ;

    de soluté glucosé à 5 % (50 g par L) ou à 2,5 % (25 g par L) par voie intraveineuse ;

    de soluté de chlorure de sodium hypo-osmotique (NaCl à 4,5 ‰).

    La forme la plus adaptée sera choisie en fonction de l’état de conscience du patient, de l’existence ou non de nausées ou vomissements, et de l’état d’hydratation du compartiment extracellulaire. Schématiquement :

    en cas de déshydratation globale, il faut privilégier la correction de la volémie par apport de soluté salé hypotonique à 4,5 g/L ;

    en cas de déshydratation intracellulaire pure, il faut apporter de l’eau de boisson (jamais d’eau pure par voie intraveineuse, cela induirait une hémolyse) ;

    en cas d’hyperhydratation extracellulaire associée, il convient de prescrire un diurétique avec de l’eau pure (PO) ou un soluté hypotonique (IV).

    [violet]

    RAPPELS INDISPENSABLES[/violet]

    III . Déshydratation extracellulaire (DEC)

    A. Définition

    Diminution du volume du compartiment extracellulaire aux dépens des 2 secteurs vasculaire et interstitiel. Elle est due à une perte nette de sodium (bilan sodé négatif) et donc d’eau. En effet, pour maintenir la natrémie constante, toute perte de 140 mmol de Na s’accompagne d’une perte d’un litre d’eau plasmatique.

    Si la DEC est pure (perte sodée iso-osmotique), l’osmolalité extracellulaire reste normale (285 mOsmol/kg) et le volume du secteur intracellulaire est inchangé (la natrémie est normale).

    B. Causes de déshydratation extracellulaire

    Liées à 3 mécanismes principaux :

    Les pertes extrarénales (natriurèse adaptée < 20 mmol/litre d’urine sur un échantillon) :

    origine digestive :

    diarrhées profuses,

    fistules digestives,

    abus de laxatifs.

    origine cutanée :

    sudation importante (canicule, fièvre prolongée, exercice physique intense),

    exsudation cutanée (brûlure étendue, dermatose bulleuse diffuse),

    anomalie qualitative de la sueur (mucoviscidose).

    Les pertes rénales (natriurèse inadaptée à une déshydratation > 20 mmol/L) dues à :

    anomalie fonctionnelle (défaut de réabsorption tubulaire du sodium) :

    polyurie osmotique :

    diabète sucré décompensé

    perfusion de mannitol

    hypercalcémie,

    utilisation de diurétiques,

    insuffisance surrénale aiguë,

    alcalose métabolique après vomissements prolongés ou aspiration digesive : le liquide gastrique ne contient que très peu de sodium mais est riche en protons : l’alcalose métabolique qui s’ensuit est compensée par le rein en diminuant la réabsorption urinaire de bicarbonate de sodium.

    maladie rénale intrinsèque :

    néphropathie interstitielle chronique ou tubulopathie avec défaut de réabsorption tubulaire du sodium,

    syndrome de levée d’obstacle.

    Un «  troisième secteur  » correspond à un compartiment liquidien constitué rapidement aux dépens du secteur extracellulaire et qui n’est pas en équilibre avec ce dernier. Ce phénomène est observé lors des péritonites, des pancréatites aiguës, des occlusions intestinales, des rhabdomyolyses traumatiques, ou encore après hyperstimulation ovarienne.

    C. Physiopathologie

    La perte de sodium et d’eau en quantité iso-osmotique entraîne une diminution du volume du compartiment extracellulaire sans modification de l’osmolalité et donc sans modification du volume du compartiment intracellulaire (figure 1). L’osmolalité plasmatique et la natrémie sont normales.

    D. Diagnostic
    [violet]1. Le diagnostic positif repose sur l’examen clinique[/violet]

    Signes cliniques

    Perte de poids parallèle au degré de déshydratation.
    Pli cutané. Ce signe est difficilement interprétable par défaut, chez les enfants et les patients obèses et par excès, chez les patients âgés et dénutris dont l’élasticité cutanée est diminuée.

    Hypotension artérielle orthostatique sympathico-tonique, puis de décubitus.

    Tachycardie compensatrice réflexe.

    Choc hypovolémique lorsque les pertes liquidiennes sont supérieures à 30 %.

    Aplatissement des veines superficielles.

    Oligurie avec concentration des urines en cas de réponse rénale adaptée à l’hypovolémie (ne s’observe que lorsque la perte sodée est d’origine extrarénale).

    Sécheresse de la peau dans les aisselles.

    Soif, fréquente mais moins marquée qu’au cours des déshydratations intracellulaires.

    Signes biologiques
    Aucun marqueur biologique ne permet d’apprécier directement une diminution du volume extracellulaire. Les signes biologiques sont indirects et traduisent :

    Le syndrome d’hémoconcentration :

    Élévation de la protidémie (> 75 g/L).

    Élévation de l’hématocrite (> 50 %) (hors hémorragie).

    La réponse rénale de conservation du Na (si perte extrarénale de Na) :{{}}

    Natriurèse effondrée (UNa < 20 mmol/L)

    Les conséquences de l’hypovolémie :

    Insuffisance rénale fonctionnelle : élévation de la créatinine, et élévation proportionnellement plus importante de l’urée (rapport Urée plasmatique/Créatininémie > 100 en µmol/L).

    Hyperuricémie.

    Alcalose métabolique de «  contraction  ».

    [violet]2. Le diagnostic étiologique[/violet]

    Il est en général simple. Il repose sur l’analyse du contexte, l’examen clinique et la mesure de la natriurèse qui permet de préciser l’origine rénale ou extrarénale des pertes sodées.

    Pertes sodées extrarénales

    Oligurie (diurèse < 400 ml/24 h).

    Natriurèse effondrée : UNa < 20 mmol/L, rapport Na/K urinaire < 1.

    Urines concentrées :

    U/P urée > 10.

    U/P créatinine > 30.

    Osmolalité urinaire > 500 mOsm/Kg H2O.

    Pertes sodées rénales

    Diurèse «  maintenue  » (diurèse > 1 000 ml/24 h).

    >Natriurèse non effondrée (UNa > 20 mmol/L), rapport Na/K urinaire > 1.

    >Urines non concentrées :

    U/P urée < 10

    U/P créatinine < 30

    E. Traitement

    Il est triple, symptomatique, étiologique et préventif.
    [violet]
    1. Symptomatique[/violet]

    Dans les situations d’hypovolémie sévère avec collapsus hémodynamique, le recours aux transfusions (en cas d’hémorragie) et/ou aux solutés de remplissage de type colloïdes, notamment d’albumine, permet l’augmentation rapide du volume du secteur plasmatique. L’utilisation de ces solutés de remplissage ne corrige généralement pas le déficit sodé. Elle ne dispense donc pas d’un apport de NaCl.

    La correction symptomatique de la déshydratation extracellulaire repose sur l’apport de NaCl :

    par voie orale : augmentation de la ration de sel de table sous forme d’aliments ou de bouillons salés complétée par l’apport de gélules de NaCl ;

    par voie parentérale intraveineuse : les apports sodés doivent être isotoniques au plasma sous forme de soluté salé à 9 g/L de NaCl. Le bicarbonate de sodium isotonique (HCO3 Na à 14 ‰) est réservé aux situations d’acidose associée. En cas d’acidose métabolique, les solutés balancés (Ringer lactate, Plasmalyte®, Isofundine®) peuvent également être utilisés.

    La quantité de NaCl à administrer peut être estimée approximativement par la perte de poids (1 kg de poids corporel égale environ 1 litre de soluté salé à 9 g/L). La vitesse d’administration est variable, généralement de 1 à 2 litres dans les 6 premières heures (ou 50 % du déficit), mais doit être adaptée à la fonction myocardique et surveillée sur les paramètres cliniques (pression artérielle, pouls, diurèse, auscultation pulmonaire).

    + Le déficit extracellulaire peut être estimé par la formule suivante (non valable chez les patients anémiques) :
    Déficit extracellulaire (en litre) = 20 % × poids actuel × ([Ht actuel/0,45] − 1)

    [violet]2. Étiologique[/violet]

    Il suit directement la mise en route du traitement symptomatique et est adapté à la situation pathologique : arrêt d’un traitement diurétique, instauration d’un traitement minéralocorticoïde, insulinothérapie, traitement ralentisseur du transit, correction d’une hypercalcémie…

    [violet]
    3. Préventif[/violet]

    On peut rappeler les règles suivantes :

    utilisation prudente des diurétiques chez les patients âgés ;

    maintien d’un régime normosodé en cas de néphropathie interstitielle chronique et au cours de l’insuffisance surrénale chronique substituée, en l’absence d’insuffisance cardiaque.

    IV. Hyperhydratation extracellulaire (HEC)

    A. Définition
    Augmentation du volume du compartiment extracellulaire, en particulier du secteur interstitiel, qui se traduit par des œdèmes généralisés. L’HEC pure est due à une rétention iso-osmotique de sodium et d’eau, et traduit un bilan sodé positif.

    B. Causes d’hyperhydratation extracellulaire

    Les trois causes les plus fréquentes d’HEC sont liées aux conséquences rénales :

    de l’insuffisance cardiaque ;

    de la cirrhose ascitique ;

    du syndrome néphrotique.

    Parmi les autres causes on retiendra certaines maladies primitives rénales :
    glomérulonéphrites aiguës ;

    insuffisances rénales aiguë et chronique lorsque les apports en sel dépassent les capacités d’excrétion ;

    Causes diverses :

    hypoprotidémies secondaires à la dénutrition ou aux entéropathies exsudatives ;

    vasodilatation périphérique excessive :

    fistule artérioveineuse,

    ,

    traitements vasodilatateurs.

    C. Physiopathologie

    Les mouvements d’eau et de sodium de part et d’autre de la paroi capillaire sont régis par la loi de Starling (résultante de la pression hydrostatique favorisant le passage d’eau du plasma vers l’interstitium et de la pression oncotique liée aux protéines favorisant le maintien de l’eau dans le capillaire). Les œdèmes généralisés traduisent l’expansion du volume interstitiel. Ils apparaissent pour une augmentation du volume interstitiel > 10 % soit 1 à 2 kg pour un adulte de 70 kg. Schématiquement, ils peuvent être dus à :

    une diminution de la pression oncotique intracapillaire : dans ce cas, le volume du secteur plasmatique est plutôt diminué. C’est le cas des hypoprotidémies sévères secondaires à une insuffisance de synthèse (insuffisance hépatocellulaire), d’apport (cachexie) ou à une fuite digestive (entéropathie) ou rénale (syndrome néphrotique). Le passage d’eau et de sodium vers le secteur interstitiel entraîne une hypovolémie efficace responsable d’un hyperaldostéronisme secondaire et d’une réabsorption accrue de sodium par le rein aggravant les œdèmes ;

    une augmentation de la pression hydrostatique intracapillaire : dans ce cas, l’ensemble du secteur extracellulaire est augmenté (plasmatique et interstitiel). Cette augmentation peut être expliquée par une insuffisance cardiaque ou une rétention de sodium primitivement rénale ;

    une combinaison de ces différents mécanismes : en cas d’insuffisance cardiaque congestive, l’hypovolémie efficace induite par la diminution du volume d’éjection systolique entraîne une rétention rénale de sodium. En cas de cirrhose, les œdèmes sont la conséquence d’un obstacle veineux post-sinusoïdal d’une part, et d’une vasodilatation splanchnique responsable d’hypovolémie efficace et de l’hypoalbuminémie.

    D. Diagnostic

    Le diagnostic positif est essentiellement clinique.

    L’augmentation rapide du volume du secteur vasculaire peut avoir des conséquences cliniques potentiellement graves (œdème aigu pulmonaire). L’augmentation du volume du secteur interstitiel se traduit par la formation progressive d’œdèmes.

    Les signes d’hyperhydratation extracellulaire comportent en fonction du siège de l’expansion hydrique :

    secteur interstitiel :

    des œdèmes périphériques généralisés, déclives, blancs, mous, indolores et donnant le signe du godet

    épanchement des séreuses : épanchement péricardique, pleural, péritonéal (ascite), on parle alors d’anasarque

    secteur plasmatique (signes de surcharge du secteur vasculaire)

    élévation de la pression artérielle

    œdème aigu du poumon

    quel que soit le siège : une prise de poids.

    Les signes biologiques sont pauvres : les signes d’hémodilution (anémie, hypoprotidémie) sont inconstants, dépendants des valeurs de base du patient, et aucun signe biologique ne reflète le volume du secteur interstitiel.

    Le diagnostic étiologique est en général simple. Il repose sur l’analyse du contexte et les données de l’examen clinique (cf. causes des HEC).

    E. Traitement

    Il est à la fois étiologique et symptomatique :

    Le traitement symptomatique repose sur l’induction d’un bilan sodé négatif :

    Un régime alimentaire désodé (< 2 g/24 h), d’efficacité lente.{{}}

    Des diurétiques d’action rapide, généralement nécessaires.

    On distingue (voir chapitre 4)  :

    les diurétiques de l’anse (furosémide [Lasilix®], bumétanide [Burinex®]) qui inhibent le transport du Na dans la branche large ascendante de l’anse de Henle (co-transport apical Na+− K+ − 2Cl–). Leur action est rapide (1 à 4 minutes par voie IV, environ 30 minutes per os), dure 4 à 6 heures, plus prolongée en cas d’insuffisance rénale et est proportionnelle à la dose utilisée ;

    les diurétiques thiazidiques (hydrochlorothiazide [Esidrex®]) qui inhibent le transport du Na dans le tube contourné distal (co-transport Na+ – Cl–). Ils sont moins puissants que les diurétiques de l’anse mais ont une durée d’action plus longue ;

    les diurétiques dits «  épargneurs de potassium  » : l’amiloride [Modamide®], un inhibiteur du canal sodium apical de la cellule principale, et les antialdostérones type spironolactone [Aldactone®] peuvent être utilisés en association aux diurétiques précédents en cas d’œdèmes résistants aux diurétiques de l’anse à fortes doses.[/fond vert clair]