Pour en savoir plus…Grossesse normale - Complications vasculo-rénales de la grossesse
Article mis en ligne le 7 janvier 2021

1. Modifications physiologiques au cours de la grossesse normale

Le débit cardiaque augmente progressivement au cours du premier trimestre de la grossesse, tandis que les résistances vasculaires périphériques diminuent par 1) l’ouverture de la circulation utéro-placentaire, 2) une résistance aux hormones vasoconstrictrices induite par la circulation de facteurs anti-angiogéniques placentaires et 3) la vasodilatation artériolaire, elle-même expliquée par la production de substances vasodilatatrices (relaxine, prostaglandines E2 et I2, monoxyde d’azote, VEGF, etc.. La pression artérielle baisse.

L’augmentation du débit cardiaque s’accompagne d’une augmentation importante de la filtration glomérulaire (+ 50 % au maximum). C’est ainsi que s’explique la baisse de l’urée et de la créatininémie et de l’uricémie par augmentation de la charge filtrée. La baisse de l’uricémie s’explique aussi par la diminution de la réabsorption tubulaire de l’acide urique, liée à l’état d’hypervolémie.

La capacité de réabsorption tubulaire du glucose (Tm) et des acides aminés peut être dépassée, expliquant alors l’apparition d’une glycosurie normo-glycémique ou d’une aminoacidurie.

Le bilan hydrosodé est positif, avec rétention progressive de 6 à 8 litres d’eau et 500 à 900 mmoles de sodium. L’hypervolémie est nécessaire au maintien de la pression artérielle, en regard de la grande vasodilatation.

Au cours du dernier trimestre de la grossesse, la pression artérielle remonte progressivement vers les valeurs pré-grossesse.

2. Physiopathologie de la pré-éclampsie

La pré-éclampsie est une dysfonction endothéliale systémique aiguë.

Paradoxalement, l’HTA au cours de la pré-éclampsie s’accompagne d’une hypovolémie relative (par rapport à la grossesse normale), alors qu’il existe une rétention hydrosodée parfois majeure avec apparition d’œdèmes périphériques, et diminution de l’activité rénine plasmatique.

La grossesse est une allogreffe semi-identique parfaitement tolérée habituellement. Il s’agit d’une tolérance immunologique active et spécifique dont les mécanismes ne sont pas complètement connus. Le rôle de la molécule HLA G, fortement exprimée au niveau du placenta, pourrait être prédominant en induisant une tolérance vis-à-vis des antigènes paternels. Curieusement, une forte similarité entre groupes HLA du père et de la mère est un facteur de risque de pré-éclampsie, de même qu’un défaut d’immunisation anti-HLA paternels chez la mère.

Le primum movens de la pré-éclampsie est un défaut d’invasion de l’utérus maternel par le placenta (et en particulier des cellules de son épithélium : les cytotrophoblastes extra-villeux). La cause de ce défaut d’invasion reste inconnue. Il en résulte la production placentaire excessive, à partir de 20 SA, de protéines aux propriétés anti-angiogéniques, qui passent la barrière placentaire et donnent le syndrome maternel.

L’analyse par microarray des transcrits du placenta normal ou pré-eclamptique a révélé que la pré-éclampsie était caractérisée par une forte surexpression par le placenta de la forme soluble du récepteur de type 1 du VEGF, sFlt1. Cette surexpression, sûrement médiée par l’ischémie, précède de plusieurs semaines les symptômes cliniques. Le sFlt1 placentaire est soluble et traverse la barrière materno-placentaire. Dans la circulation maternelle, il capte le VEGF, lequel exerce physiologiquement un effet vasodilatateur. De plus, le VEGF est essentiel à l’intégrité de l’endothélium fenestré glomérulaire. C’est pourquoi le syndrome maternel de la pré-éclampsie (HTA et protéinurie) peut se résumer à une dysfonction endothéliale systémique provoquée par la circulation d’un (en fait de plusieurs) facteurs anti-angiogéniques dont la source est placentaire. Ceci explique l’effet thérapeutique de la délivrance.

L’insuffisance placentaire est responsable d’un retard de croissance intra-utérin et d’une hypotrophie fœtale d’autant plus sévère que l’ischémie utéro-placentaire est précoce et importante.

La figure 1 résume les principales modifications physiopathologiques observées au cours de la grossesse normale et pathologique.

Figure 1.