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Physiologie et physiopathologie rénales
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Article mis en ligne le 24 mars 2016
dernière modification le 31 mai 2016

par webmestre

BILAN ET COMPORTEMENT RENAL DU CALCIUM

Sommaire

 I. Bilan de calcium 2
 II. Variable régulée 4
 III. Comportement rénal du calcium 5
 IV. Déterminants du transport tubulaire rénal DU calcium 8
 4.1 Déterminants hormonaux 9
 4.1.1. Hormone parathyroïdienne (PTH) 9
 4.1.2. Calcitriol ou 1,25(OH)2vitamine D 10
 IV.1. 4.2. Déterminants non hormonaux 11
 4.2.1. Volume extracellulaire 11
 4.2.2. Calcémie 11
 4.2.3. Etat acide base 11
 4.2.4. Déterminants pharmacologiques : effets des diurétiques 11
 V. Régulation de la calcémie 12
 VI. Mécanismes des hypercalcémies 13
 VII. Auto-évaluation 15

I. BILAN DE CALCIUM

L’organisme d’un adulte normal contient environ 25 000 mmol (1000 g) de calcium, réparties majoritairement dans l’os (pour plus de 99 %) alors que moins de 1 % est présent dans le liquide extracellulaire (22 mmol ou 880 mg). Chez l’adulte sain, le capital calcique est constant dans le temps ; il est croissant chez l’enfant et l’adolescent, et décroissant chez la femme après la ménopause ainsi que chez l’homme âgé, en raison des variations du contenu osseux en calcium.

Les apports alimentaires recommandés chez l’adulte jeune sont de 800 à 1000 mg de calcium par jour, dont 30 à 35 % sont absorbés par la muqueuse de l’intestin grêle, en partie activement par voie transcellulaire sous l’influence de la 1,25 dihydroxyvitamine D (calcitriol), et en partie passivement par voie paracellulaire ; en raison d’une sécrétion de calcium obligatoire du liquide extracellulaire vers la lumière intestinale, qui n’est jamais inférieure à 150 mg par jour, l’absorption intestinale nette avoisine donc, en moyenne, 150 mg par jour.

En situation normale, une quantité de calcium identique à l’absorption intestinale nette est éliminée dans l’urine définitive et, ainsi, le bilan de calcium est nul.

Le rein, qui adapte l’excrétion urinaire à l’entrée digestive nette, joue donc un rôle essentiel dans le maintien d’un bilan calcique nul (Figure 1). Cette capacité d’adaptation a néanmoins des limites. Lorsque les apports calciques alimentaires sont insuffisants (< 600 mg/j chez l’adulte jeune) et/ou lorsque l’absorption intestinale de calcium est altérée, le bilan calcique devient obligatoirement négatif.

L’activité de remodelage osseux est, quotidiennement, responsable de la libération de 200 mg de calcium, traduisant l’activité de résorption osseuse, et de l’incorporation dans l’os de 200 mg de calcium, témoignant de l’activité de minéralisation de la matrice protéique osseuse nouvellement synthétisée : ainsi, il n’existe normalement pas, chez l’adulte jeune, de flux net de calcium entre le liquide extracellulaire et l’os et le bilan interne de calcium est également nul.

II. VARIABLE REGULEE

Malgré l’extrême prédominance du calcium osseux, la variable régulée n’est pas le contenu de l’organisme en calcium mais la concentration extracellulaire de calcium et, plus précisément, la concentration de calcium ionisé. Pour cette raison, il apparaît d’emblée que, en situation pathologique, le contenu de l’organisme en calcium et la calcémie peuvent varier indépendamment l’un de l’autre.

Le calcium sérique total est une variable hétérogène et comprend plusieurs fractions : environ 50-55 % du calcium sérique total existe sous forme ionisée (libre) et constitue à la fois la fraction biologiquement active et la fraction régulée ; le reste est inerte, composé d’une fraction liée aux protéines sanguines (albumine, principalement) et d’une fraction liée aux anions du sérum (bicarbonate, phosphate, citrate, ...). La somme du calcium ionisé et du calcium complexé aux anions de faible poids moléculaire représente le calcium diffusible ou ultrafiltrable.

Les valeurs normales à jeun, chez l’adulte, de la concentration de calcium sérique total sont comprises entre 2,10 et 2,55 mmol/l à jeun ; elles sont modérément supérieures - d’environ 0,1 mmol/L - chez l’enfant et l’adolescent. En période postprandiale, la concentration de calcium total augmente : la variation observée peut atteindre 0.15 mmol/l chez les sujets normaux.

Des anomalies de la concentration de protéines sériques et/ou des anomalies de l’état acide-base sont à l’origine de dissociations entre les concentrations de calcium total et celles de calcium ionisé (Tableau I) qui peuvent compliquer le diagnostic d’une anomalie de la calcémie. En l’absence d’anomalie des protéines sanguines et du pH extracellulaire, une anomalie de la concentration de calcium ionisé peut être détectée de manière fiable, par la mesure du calcium total. En revanche, en cas de l’une et/ou l’autre de ces anomalies, la mesure directe de la concentration du calcium ionisé, grâce à une électrode spécifique, doit être effectuée. Lorsque l’accès à cette mesure n’est pas possible, on peut calculer une calcémie corrigée, en sachant que chaque gramme d’albumine complexe normalement 0,02 à 0,025 mmol de calcium, mais cette procédure fournit un résultat assez approximatif et il est probable que sa performance pour le diagnostic des anomalies de la calcémie soit médiocre.

III. COMPORTEMENT RENAL DU CALCIUM

La quantité de calcium quotidiennement filtrée par les glomérules est le produit du DFG et de la concentration extracellulaire de Ca ultrafiltrable, soit environ 270 mmol/j chez un adulte normal (180 L/j x 1,5 mmol/L). L’excrétion urinaire quotidienne normale de Ca étant inférieure à 6 mmol, la grande majorité du Ca filtré est donc réabsorbée.

Trois segments tubulaires sont impliqués dans ce transport tubulaire rénal de Ca : le tubule proximal, la branche large ascendante de l’anse de Henle et le tubule contourné distal/tubule connecteur.

La réabsorption tubulaire proximale concerne environ les deux tiers du calcium filtré. La réabsorption proportionnelle de sels de sodium et d’eau dans ce segment aboutit à concentrer le calcium dans la lumière, créant un gradient chimique favorable à la réabsorption puisque la voie paracellulaire est perméable au calcium.

La branche large ascendante de l’anse de Henle réabsorbe environ un quart du Ca filtré. Dans ce segment imperméable à l’eau, la réabsorption de NaCl ne concentre pas les autres solutés dans la lumière. Néanmoins, la réabsorption de NaCl produit indirectement une différence de potentiel transépithéliale, lumière positive, qui constitue la force motrice permettant la réabsorption des cations par la voie paracellulaire, perméable aux cations en raison de l’expression dans les jonctions serrées de claudines spécifiques.

Le dernier segment réabsorbant le calcium est le tubule contourné distal/tubule connecteur. Il ne réabsorbe qu’un petit pourcentage du calcium filtré mais il est responsable de la quantité de calcium finalement autorisée à être excrétée dans l’urine définitive. La voie paracellulaire étant très peu perméable au calcium, l’essentiel de le réabsorption a lieu par voie transcellulaire. L’entrée de Ca à travers la membrane apicale dépend de l’existence d’un gradient électrochimique favorable (la concentration cytosolique de Ca libre est très basse, de l’ordre de 100 nM, et le potentiel de membrane est tel que le milieu intracellulaire est électronégatif par rapport au milieu extracellulaire) et de l’expression d’un canal spécifique pour le Ca, TRPV5. Le Ca entrant dans la cellule est alors capté par des protéines intracellulaires spécifiques, les Calcium-Binding Proteins ou Calbindins, empêchant le Ca de rester sous forme libre dans le cytosol et d’interférer avec les systèmes de signalisation intracellulaire. Enfin, la troisième étape est l’expulsion du Ca de la cellule, contre son gradient electrochimique, à travers la membrane basolatérale. Deux transporteurs permettent un tel transport : la Ca++-ATPase membranaire PMCA1b, et l’échangeur 2Na+/Ca++ NCX1 énergisé par le gradient electrochimique entrant de Na+.


IV. DETERMINANTS DU TRANSPORT TUBULAIRE RENAL DU CALCIUM

Plusieurs facteurs, hormonaux et non hormonaux, influençant le transport tubulaire rénal de calcium ont été identifiés.

4.1 DETERMINANTS HORMONAUX


4.1.1. HORMONE PARATHYROÏDIENNE (PTH)

La PTH est une hormone peptidique, synthétisée par les cellules parathyroïdiennes qui agit sur ses organes cibles (l’os et le rein) grâce à un récepteur membranaire, PTHR1. Via ce récepteur, la PTH augmente la réabsorption de Ca dans la branche ascendante large de l’anse de Henle et le tubule contourné distal/tubule connecteur. De manière remarquable, les cellules parathyroïdiennes expriment le récepteur du calcium CaSR qui leur permet de détecter, et de réagir à, la concentration de calcium libre extracellulaire. Une baisse de la calcémie induit une augmentation presque immédiate de la sécrétion de PTH. Une élévation de la calcémie a l’effet opposé.

4.1.2. CALCITRIOL OU 1,25(OH)2VITAMINE D

Le calcitriol est une hormone stéroïde qui se lie à un récepteur cytosolique spécifique, présent dans de nombreux types cellulaires dont les cellules tubulaires rénales, les cellules de l’épithélium intestinal, ainsi que les cellules osseuses. Le complexe hormone-récepteur agit, dans le noyau, en modulant la transcription dans des sites spécifiques de la chromatine, appelés “Vitamin D Responsive Elements”. Le calcitriol augmente la réabsorption de Ca dans le tubule contourné distal/tubule connecteur, en augmentant l’expression des gènes codant pour TRPV5 et les « calbindins ». La synthèse de calcitriol est favorisée par l’hormone parathyroïdienne et la baisse de la calcémie.

IV.1. 4.2. DETERMINANTS NON HORMONAUX

4.2.1. VOLUME EXTRACELLULAIRE

L’état du volume extracellulaire est un déterminant direct de la capacité du tubule rénal à réabsorber le calcium : la réabsorption augmente lorsque le volume extracellulaire diminue et inversement. Ceci explique que les régimes riches en sodium favorisent l’excrétion urinaire de calcium. Le mécanisme de l’effet du volume extracellulaire sur le transport rénal de calcium reste incertain.

4.2.2. CALCEMIE

La calcémie agit indirectement sur le transport rénal de Ca, via ses actions sur les sécrétions de PTH et de calcitriol. Elle agit aussi directement parce que les cellules de la branche large ascendante de l’anse de Henle expriment au pôle basolatéral CaSR ; activer CaSR diminue directement la réabsorption tubulaire de Ca et augmente la calciurie.

4.2.3. ETAT ACIDE BASE

L’acidose métabolique diminue la réabsorption tubulaire rénale de Ca alors que l’alcalose métabolique a l’effet opposé. Ici encore, les mécanismes impliqués restent imprécis. Néanmoins, ceci explique probablement pourquoi les régimes riches en protéines animales, qui augmentent la production endogène d’acide, favorisent l’excrétion urinaire de Ca.

4.2.4. DETERMINANTS PHARMACOLOGIQUES : EFFETS DES DIURETIQUES

Deux classes de diurétiques modifient sensiblement la calciurie. Les diurétiques de l’anse, qui diminuent la réabsorption de NaCl dans la branche large ascendante de l’anse de Henle et donc la différence de potentiel transépithéliale, diminuent également la réabsorption de Ca et augmentent la calciurie. Les diurétiques thiazidiques qui diminuent la réabsorption de NaCL dans le néphron distal diminuent la calciurie, par un mécanisme encore imprécis.

V. REGULATION DE LA CALCEMIE

La calcémie d’un sujet normal se maintient à une valeur remarquablement stable grâce à la régulation des flux de calcium entre l’os et le liquide extracellulaire, d’une part, et entre le liquide extracellulaire et le rein, d’autre part.

L’absorption intestinale du calcium alimentaire n’affecte la calcémie que transitoirement et n’est pas impliquée dans la régulation à court terme de la calcémie.

Le remodelage osseux, c’est-à-dire l’activité continue de destruction et de renouvellement de l’os ne participe pas au contrôle de la calcémie parce que ces deux activités (destruction assurée par les ostéoclastes et formation assurée par les ostéoblastes) sont très étroitement coordonnées, responsable chacune d’un flux de calcium entre l’os et le liquide extracellulaire identique, mais opposé, le flux résultant restant nul.

L’os participe au contrôle de la calcémie grâce à un système cellulaire différent – impliquant probablement les ostéocytes - qui permet une libération rapide du calcium osseux. A la différence du remodelage, la mobilisation de calcium osseux dépendante des ostéocytes est un phénomène rapide, de grande amplitude mais de faible capacité puisqu’il n’affecte que l’os récemment minéralisé.

La régulation de la calcémie est dépendante de deux hormones, l’hormone parathyroïdienne (PTH) et le métabolite actif de la vitamine D ou 1,25 dihydroxyvitamine D, ainsi que de la calcémie elle-même par l’intermédiaire du récepteur membranaire du calcium (Calcium-sensing receptor, ou CaSR).

Une diminution de la calcémie est détectée par la protéine CaSR et provoque, en quelques secondes, une augmentation de la sécrétion d’hormone parathyroïdienne. Cet excès de PTH stimule la mobilisation du calcium osseux dépendante des ostéocytes, la réabsorption tubulaire rénale du calcium filtré et la synthèse rénale de calcitriol et normalise la calcémie. Inversement, une élévation de la calcémie inhibe la sécrétion parathyroïdienne de PTH, et donc la mobilisation du calcium osseux et la réabsorption tubulaire rénale du calcium, dans le but de corriger l’hypercalcémie.

VI. MECANISMES DES HYPERCALCEMIES

Deux types de désordres peuvent être à l’origine d’une hypercalcémie.
Le premier est une augmentation primitive, injustifiée, de sécrétion d’hormone parathyroïdienne. Dans cette situation, l’augmentation de la concentration de PTH induit une augmentation de la mobilisation du calcium osseux et une augmentation de la réabsorption tubulaire rénale de calcium filtré, l’ensemble aboutissant nécessairement à une augmentation de la calcémie ; celle-ci se stabilise à une nouvelle valeur, plus élevée que la valeur normale, pour laquelle les entrées d’origine osseuse et les sorties rénales redeviennent identiques. Dans cette nouvelle situation, le bilan de calcium et, en grande partie, la masse minérale osseuse, restent inchangés par comparaison avec une situation normale. Dans sa forme habituelle, l’hyperparathyroïdie primitive est un exemple typique d’hypercalcémie "en équilibre".

La seconde situation est celle d’une altération primitive du remodelage osseux, résultant en une augmentation importante de la résorption osseuse nette, une diminution de la masse minérale osseuse et un bilan de calcium négatif. Ceci s’observe lorsqu’une augmentation de la résorption ostéoclastique s’associe à une formation osseuse ostéoblastique découplée (c’est à dire non augmentée voire inhibée). L’important flux net de calcium dans le liquide extracellulaire qui en résulte peut dépasser la capacité du rein à éliminer le calcium, provoquant une hypercalcémie progressive appelée hypercalcémie “en déséquilibre”. En présence de l’hypercalcémie, la concentration sérique de PTH est basse, adaptée, et la calciurie est élevée, reflétant l’entrée excessive de calcium dans le liquide extracellulaire. L’hypercalcémie qui complique l’évolution de certaines néoplasies est un exemple typique d’hypercalcémie “en déséquilibre”.

VII. AUTO-EVALUATION

Une réabsorption tubulaire rénale significative de calcium a lieu :

A. dans le tubule proximal
B. dans la branche descendante fine de l’anse de Henle
C. dans la branche ascendante large de l’anse de Henle
D. dans le tubule contourné distal et le tubule connecteur
E. dans le canal collecteur

La réabsorption tubulaire rénale de calcium est augmentée par :

A. l’hormone parathyroïdienne
B. la 1,25(OH)2 vitamine D
C. l’acidose métabolique
D. un régime alimentaire riche en NaCl
E. un traitement par diurétique thiazidique